Le message d’une réfugiée climatique belge à la «Marche pour le climat»
Victime des inondations de juillet, elle participera à la «Marche pour le climat». Pour dire que le changement climatique c’est ici et maintenant.
Publié le 11-10-2021 à 10h18
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Une légère trace de boue barre encore le crépi blanc sur toute la largeur du mur au-dessus de la porte-fenêtre. Stigmate ténu du cataclysme qui a secoué ce quartier de petites maisons mitoyennes de Chaudfontaine. «L'eau est montée jusqu'au plafond», dit Bernadette Leemans en racontant la fureur de la Vesdre qui, en juillet, s'est engouffrée dans les habitations en déboulant par les jardins.
Dans la maison au plafonnage fraîchement refait, le déshumidificateur a cessé de fonctionner. Mais les meubles démontés qui attendent un coup de peinture et les châssis qui doivent encore être remplacés montrent qu’il reste du boulot avant de rendre les lieux à nouveau habitables.
Mais ce week-end, la reconstruction attendra. Bernadette Leemans a mieux à faire. Dimanche, elle marchera pour le climat à Bruxelles (voir ci-dessous). Écoconseillère et engagée dans le mouvement de la transition, ce n'est pas la première fois que la Calidifontaine participera à une telle manifestation. «Mais ce sera la première fois en tant que réfugiée climatique», sourit-elle. Elle y prendra aussi la parole au nom de tous ceux qui ont vécu dans leurs tripes un des effets du changement climatique dont on avait encore du mal à intégrer les effets dévastateurs chez nous. Parce que le changement climatique, ce n'est pas encore sous nos latitudes que ça se passe ailleurs, n'est-ce pas? Jusqu'à juillet dernier donc.
«Pour moi, la grande leçon de ces inondations c'est qu'il y a un problème au niveau de l'imaginaire, dit-elle à ce propos. Quand on nous a annoncé que l'eau arrivait, je suis allée chercher quelques sacs de sable, j'ai déplacé ma voiture…» Gestes dérisoires face à la fureur de la nature. «Mais mon cerveau ne pouvait pas accepter, je ne pouvais pas imaginer l'ampleur de la catastrophe.»
Les inondations de juillet ont donc changé la donne. Avant, le changement climatique c'était quelque chose pour les autres, loin de chez nous. «On a besoin de vivre ça dans nos tripes pour l'intégrer. Mais maintenant je pense que le franc est tombé… On est sorti de la phase de déni où les gens disaient "le changement climatique existe, mais ça ne me concerne pas".»
Mais cette prise de conscience va-t-elle vraiment au-delà de ceux qui ont été touchés dans leurs biens et leur chair? Bernadette Leemans le pense: «Les gens qui passent dans la vallée et voient les dégâts sont touchés. Et si des gens sont venus nous aider de partout en Belgique et même au-delà, c'est que ça les touche. Il y a un traumatisme clair et net.» Suffisant pour enclencher une vraie révolution de société pour le climat. La réfugiée climatique reste lucide, car elle sait que cela restera un processus de long terme. «Mais là où c'est en mon pouvoir, j'agis.» Et la manifestation de dimanche n'est qu'un «outil» parmi d'autres avec le lobbying auprès des pouvoirs publics, le recours à la justice ou les actions citoyennes.
Ces inondations seront sans doute d'ailleurs une étape clé dans cette mobilisation citoyenne, juge Bernadette Leemans. Un travail de réseautage s'est mis en place au travers des actions de solidarité suite à la catastrophe. Il se poursuit avec la constitution de collectifs qui font pression sur le pouvoir politique afin d'obtenir des aides et se préparer aux prochaines crises climatiques qui ne manqueront pas d'arriver. «On ne peut plus se mentir, on sait qu'on ne peut déjà plus revenir à une situation normale. Mais il n'est jamais trop tard pour adoucir les choses et éviter le pire. Oui, c'est de l'adaptation au changement climatique, mais on ne doit pas le dissocier du combat contre les causes. »