Aucune taxe perçue depuis 1 an à Liège: "Une très mauvaise blague"
Hormis la taxe déchet… à cause de la cyberattaque survenue en 2021.
Publié le 30-03-2023 à 08h31
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L’heure était au budget à Liège… mais pas aux comptes. Quoique de “comptes”, il s’en réglait quelques-uns ces trois derniers soirs au conseil communal de Liège. Ces 27, 28 et 29 mars, les élus étaient en effet amenés à voter le budget annuel de la Cité ardente, pour l’année 2023, soit un peu plus de 670 millions d’euros de dépenses et de recettes permettant à ce grand paquebot liégeois d’avancer. “Et ce, même si le navire ne semble plus avoir de capitaine”, indiquait mardi soir Caroline Saal, cheffe de groupe Vert Ardent. Après la présentation par les autorités communales en effet, chaque parti d’opposition a pu s’exprimer sur le contenu de cet important “dossier”. Et parmi les différentes lectures politiques avancées (lire ci-après), un constat est revenu sans cesse, celui de “l’équilibre précaire” de ce budget… et cette découverte étonnante : aucune taxe n’a été perçue depuis un an, hormis la taxe “déchets”. En cause, la cyberattaque subie par la Ville… en 2021.
”Très mauvaise blague”
Évoquant le volet “fiscalité” de ce budget 2023, Sophie Lecron, cheffe de groupe PTB, a abordé ce qu’elle qualifie de “très mauvaise blague”: “J’entends en commission que plus aucune taxe n’est perçue depuis avril 2022, hormis la taxe déchets qu’on a toutes et tous vu douloureusement passer dans notre budget du ménage […] Par contre, les taxes sur les exploitations de parking, sur la pub,… et les quelques taxes qui permettent d’aller chercher l’argent ailleurs que dans les poches des travailleurs, celles-là, elles sont bloquées car le logiciel de perception de ces taxes ne permet plus de les envoyer ni donc d’encaisser les montants depuis bientôt un an ! […] Vous budgétez des rentrées de taxe que vous ne savez même pas percevoir depuis un an”. Sidérant estime le PTB.
Parmi les chevaux de bataille du parti de gauche, il y a le logement. Une nouvelle fois, on s’insurge au PTB contre la politique menée en la matière par les autorités liégeoises. Principal reproche: le manque de logements publics. “Près de 3.000 familles habitant à Liège sont sur liste d’attente pour un logement public, et on ne vit pas sur liste d’attente. Liège a plus que jamais besoin d’une politique sérieuse de logement public”… Sur les 4.000 “promis” à l’horizon 2024, seuls 500 auraient en effet été créés. Trop peu estime le PTB qui juge globalement que la politique publique en matière de pauvreté se solde par un “échec”, prenant pour preuve la hausse du nombre de personnes émargeant au CPAS, surtout chez les jeunes ou encore la hausse (x4 ?) du nombre de SDF à Liège. Et le PTB d’évoquer ici des pistes de travail comme la réquisition de logements vides, la création d’une coopérative immobilière ou encore l’imposition d’un taux minimum de logements publics dans tout nouveau projet.
”La politique sociale n’est pas la priorité de la Ville”
Même constat chez Vert Ardent qui relatait ce mardi soir, par la voix de sa cheffe de groupe Caroline Saal, cette “aberration” : “on présente un budget annuel en mars, en retard donc, alors qu’il n’y a pas de comptes 2022, qu’il va y avoir un plan de gestion… ces chiffes ne se basent pas sur du réel, il n’y a pas de boussole”. Et d’évoquer également ce caractère “ridicule” de la situation avec l’absence de perception des taxes. “Ridicule mais dangereux car Liège est tout d’abord dans l’incapacité de payer ses factures. Et cela va avoir un impact sur les petits acteurs économiques liégeois qui, bientôt, recevront une double taxe”.
Pour Caroline Saal, cette gestion est donc problématique et révélatrice : “Liège est visiblement incapable d’assurer sa résilience et je crains pour l’avenir car la situation fiscale sera bien moins favorable en 2025 et 2026”. Avec un plan Oxygène moins favorable en termes de recettes et des dépenses en nette augmentation au niveau de la problématique des pensions.
Problème soulevé chez Vert Ardent également, celui de la “précarité grandissante” avec ce chiffre que les élus Verts ne comprennent pas : “malgré l’inflation de 7 %, la dotation au CPAS n’augmente que de l’ordre de 2,5 %”, relate Caroline Saal, “pourtant la Ville fait un effort plus important pour la police dont la dotation augmente de 16 %… Visiblement la politique sociale n’est pas une priorité de la Ville”. Et d’indiquer qu’un enjeu majeur pour Liège sera, d’abord, de réduire sa consommation d’énergie “qui plombe le budget alors que de nombreuses solutions existent”. La facture eau-gaz-électricité liégeoise plafonne aujourd’hui à 17,7 millions.
”Un retard qui a un coût”
Comme d’autres partis, Les Engagés s’étonnent aujourd’hui du fait que la Ville n’a envoyé “aucune demande de perception de taxe depuis un an à part la taxe sur les déchets […] Est-ce dès lors crédible de parler d’un budget vérité alors que voilà déjà un bon gros cadavre ?”, s’interroge le chef de groupe Benoît Bouchat.
Pour lui, ce retard est aussi un indicateur car “ce retard a un coût, ce que nous tardons à récolter en taxe, il faut l’emprunter. On constate d’ailleurs que le coût du déficit de compte courant est multiplié par dix en 2023 et passe de 153.000 euros à 1,5 million d’euros”.
Sur les décisions politiques à proprement parler, Les Engagés distribuent quelques bonnes notes : pour les investissements en matière d’efficience énergétique ou le travail “minutieux” mené pour réduire les frais de fonctionnement. Mais les mauvaises aussi : “l’effectif de l’administration diminue mais dans les cabinets, pas de changement”, poursuit Benoît Bouchat, “les échevins disposent toujours d’une voiture avec chauffeur… et dans quel autre endroit trouve-t-on des présidents d’ASBL avec voiture et chauffeur ?”.“Je rappelle aussi au passage que les barèmes des travailleurs des intercommunales pourraient être revus puisqu’ils sont toujours supérieurs à ceux de la Ville pour des missions et un travail comparables”.
”Recul du soutien à l’associatif”
Pour François Schreuer (Vega), l’inquiétude naît du fait que la Ville ne cesse de se trouver des excuses… Covid, inondations, charge des pensions, crise énergétique, coût de la centralité et on en passe. “Et Liège reste dans cet imaginaire de la traversée du désert menant à de plus vertes prairies […] mais je crains que les années à venir ne soient encore plus difficiles”. Exode urbain, appauvrissement… l’élu Vega évoque aussi cette crise démographique néfaste pour Liège mais que les autorités semblent ignorer.
Regrettant (toujours) l’absence d’étude sur les coûts de la centralité, François Schreuer épingle, comme Vert Ardent, “le recul net du soutien à l’associatif” dans ce budget. Un statu quo malgré une hausse du coût de la vie qui pourrait être catastrophique pour de nombreuses associations.
Autre enjeu, la pauvreté : “je pense qu’il y a un sous-financement problématique du CPAS problématique. S’il y a une bonne volonté, il y a aussi avec le sans-abrisme, une action plus décidée à mener”. Et d’en appeler encore, face aux enjeux climatiques, “à végétaliser davantage la ville”… entre autres.
Soutien
Enfin, le conseiller indépendant François Pottié (ex-Défi) est le seul membre de l’opposition qui a décidé de “soutenir” ce budget. Malgré certains regrets en effet comme la non-indexation des dotations à l’égard du secteur culturel, le conseiller dit vouloir être constructif et reconnaît les difficultés rencontrées ces dernières années par la Ville de Liège.