Arêches-Beaufort: la Mecque du ski de randonnée
Sept Wallons ont succombé au ski en toute liberté, à Arêches-Beaufort. Et en parlent avec passion
Publié le 24-01-2022 à 18h56
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Seuls les cœurs qui battent la chamade et le frottement des peaux sur la neige perturbent le silence assourdissant. Skis aux pieds, Pierre, le plus souvent en tête, emmène dans son sillage ses amis Maureen, Quentin, Laurent, Simon, Gilles et Grégoire, sous l’œil attentif de leur guide de montagne. Tous ont le regard fixé sur l’objectif du jour, en ce début d’année 2022: la Légette du Mirantin. Culminant à 2 353 mètres d’altitude, ce sommet s’érige à l’ombre du mont Blanc, dans le massif du Beaufortain (Savoie, France).
Les bières garnissent la table de "Chez Dédé", sur la place du village, au moment de débriefer, le soir tombé. "Vous pouvez titrer qu'on est la première équipée belge à tracer la Légette! ", se marrent-ils. C'est sous l'impulsion de Pierre, 28 ans et ultra-traileur invétéré, que ces Liégeois et Verviétois sont tombés amoureux d'Arêches-Beaufort, village des Alpes que Florent Signifredi, à l'Office du tourisme, décrit comme "la Mecque du ski de randonnée. " C'est d'ailleurs ici que se dispute la Pierra Menta, plus grande course de ski alpinisme au monde (36e édition, du 9 au 12 mars 2022).
Les vallées du silence
Ces Wallons figurent sans doute désormais parmi les meilleurs ambassadeurs d'Arêches-Beaufort, station peu connue du grand public international et dont les 50 malheureux kilomètres de pistes de ski alpin ne constituent pas l'atout majeur de sa carte de visite. Pourtant, le terrain de jeu est infini, au Pays du Beaufort. "Je reviens de Tignes. Ici, ça n'a rien à voir. On est seuls au monde. C'est très sauvage." Laurent prend la suite de Pierre: "Il n'y a pas de barres d'immeubles et très peu de remontées mécaniques pour gâcher le paysage." Avec un zeste de démarche écologique et de respect de la nature, glisse Quentin. Et puis, "ce silence! ", intervient Gilles. "L'argument du silence revient chaque fois", confirme leur guide Yannick Ardouin (48 ans), dont 95% de la clientèle est citadine.
Des ascensions jalonnées de hameaux et bordées de sapins à perte de vue, les lacs de Roselend et de Saint-Guérin figés par l'hiver, un taux d'enneigement exceptionnel – "parce que les dépressions d'Ouest sont arrêtées par le mont Blanc et se déchargent sur le Beaufortain", résume Yannick Ardouin – et très peu de touristes. Le décor est planté. Le ski de rando sonne comme une évidence depuis des décennies, dans cet écrin niché à une demi-heure de route d'Albertville. Seule femme du groupe, Maureen, adepte d'escalade, Laurent et Grégory soulignent le plaisir de "monter par soi-même, de se battre contre soi", "l'effort individuel qu'on fait ensemble", la "fierté d'avoir atteint le sommet" et "l'effort amplifié par la beauté des lieux".
Un sentiment de rareté, résume Pierre, qui n'est toutefois pas à la portée de tous. "Le ski de randonnée nécessite une certaine condition physique, un bon niveau technique et… il faut aimer l'effort", sourit Simon, rejoint par Yannick Ardouin: "Sans un minimum de condition physique, le skieur de rando est à la traîne, se met dans le rouge, arrive carbonisé au sommet. " À éviter, si on veut profiter du panorama et, à la descente, crayonner harmonieusement la poudreuse.
Infos: www.areches-beaufort.com

En devenant guide de montagne la quarantaine passée, Yannick Ardouin se définit comme un "un jeune vieux guide". Paradoxal? Pas dans le chef d'un homme qui passe ses journées d'hiver, skis aux pieds, à gravir les pentes plutôt qu'à les dévaler. "Je m'éclate", rassure celui qui a quitté sa Bretagne natale puis son Grenoble d'adoption, avec femme et enfants, pour s'établir à la montagne.
Avec des collègues, il a créé la Maison des guides du Beaufortain, "guichet unique" et passage conseillé pour qui veut découvrir le ski de rando, à l'écart de tout. "Il faut nous appeler. Le guide, même s'il entretient parfois son image de surhomme un peu bourru, est là pour faire découvrir la montagne à ceux qui ne la connaissent pas, en toute sécurité, et établir le bon programme. "
Infos: guides-beaufortain.com

C’est une particularité d’Arêches-Beaufort, le domaine skiable propose plusieurs itinéraires permanents de ski de randonnée, sécurisés, à proximité raisonnable des pistes de descente traditionnelles.
Accessibles depuis l’arrivée de certaines remontées mécaniques ou au départ des villages, ils permettent de choisir son effort, de 300 à 900 mètres de dénivelé positif pour s’en aller titiller les sommets du Grand Mont (2 686 m) ou de la Grande Combe (2 070 m).
Nombreux sont les visiteurs, au cœur de leur semaine de ski, à s'y essayer, selon une vendeuse d'un magasin de matériel adéquat (peaux de phoque, chaussures et skis de rando). "C'est vrai que ça permet de voir ce que c'est sans payer un professionnel pour être accompagné, guidé et sécurisé", admet Yannick Ardouin, à la Maison des guides du Beaufortain. "Mais on reste quand même souvent à vue des remontées mécaniques", tempère cet amoureux des grands espaces vierges.
Au pays du Beaufort, descente de la Vallée Blanche, rando de deux ou trois jours, et initiation de nuit, avec retour à la frontale sont aussi proposés aux adeptes.
«Arêches-Beaufort? Connais pas...»

Le village-station veut se faire connaître en Belgique. Mais pas trop. En jeu: le maintien de son authenticité et du cadre de vie.
Où pars-tu skier? À Arêches-Beaufort? Connais pas…" Invariablement, depuis plusieurs semaines, la même réponse. Seuls le haussement d'épaule et la moue perplexe varient, en fonction que l'interlocuteur s'attarde sur la faible étendue du domaine ou la relative vétusté des remontées mécaniques.
Paradoxalement, on revient de ce coin de Savoie avec le sentiment que ce prétendu anonymat sied parfaitement aux villageois. Certes, ils aiment les touristes. Mais, c'est " comme si on voulait garder secret notre joli cadre de vie, préservé d'un tourisme de masse ", consent une commerçante locale, dans une forme d'aveu. "C'est une petite station fréquentée à 90% par des Français. Les autres visiteurs sont belges. On souhaite se faire davantage connaître en Belgique", selon Florent Signifredi, responsable du pôle Attractivité de l'Office du tourisme. "Mais on vit ici à l'année, et pas uniquement du tourisme. Il faut garder le juste équilibre."
Le freeride à la fête
L'attrait d'Arêches-Beaufort s'articule autour de trois axes principaux. L'aspect sportif, les plaisirs gourmands et le patrimoine. On a déjà évoqué le ski de randonnée, pour lequel "on fait de gros efforts de développement depuis 15 ans, avec ces itinéraires permanents, le forfait valable pour une seule remontée ou le ski nocturne." Le freeride est aussi à la fête, notamment au départ du domaine skiable qui consacre cinq pistes sécurisées, patrouillées et non damées. Ski de fond, skicross, freestyle, pistes de luge complètent le tableau pour la glisse. Insuffisant? Citons encore ces offres relatives au VTT sur neige, à l'escalade sur glace, à la nuit passée dans un igloo en altitude, au baptême en parapente, aux balades en raquettes.
Destination abordable financièrement
Côté palais, sans surprise, la vedette locale est le Beaufort. La coopérative laitière et de nombreuses fermes organisent des visites. Les fromageries du village vous donneront un aperçu du savoir-faire local.
Labellisée "ville et pays d'art et d'histoire", la région d'Arêches-Beaufort s'appuie sur son patrimoine, "tient à ses villages, est fier de ses églises baroques, de son artisanat, de ses alpages" ou encore de ses barrages d'EDF qui l'ont enrichie.
Jeune directrice de la résidence club MMV, Fatiha Korsane, a quitté Nice pour Arêches-Beaufort. Elle admet être tombée sous le charme, et pas uniquement du lac de Saint-Guérin sous le soleil. "C'est un village authentique. On ne doit pas nécessairement skier pour passer une bonne semaine. " Yannick Ardouin, le guide, ajoute un dernier élément, indéniable: " Ici, pas besoin de faire un crédit sur 20 ans pour s'offrir une semaine aux sports d'hiver. On reste une destination très abordable." On ne peut qu'acquiescer. Mais chut!, ne l'ébruitez pas trop.