Nobel de maths pour Jacques Tits
L'Abel, c'est le Nobel des mathématiques. À Oslo, ilvient de couronner la carrière de Jacques Tits, 78 ans, Parisien mais Verviétois de coeur.
Publié le 08-04-2008 à 06h00
Les aînés de Verviers ont bien connu Jean Tits, décédé en 1993, l'ingénieur souriant qui a dirigé, pendant de nombreuses années, le siège provincial d'Intercom. Jacques Tits, c'est son frère, plus jeune de 7 ans. Leur papa, mathématicien....aussi, meurt alors que Jean n'a que 13 ans. C'est donc lui qui prendra en charge son frérot. La famille séjourne à Uccle où Jacques reste quand Jean fait mouvement sur Verviers.
Jacques Tits est un personnage. Le lauréat du prix Abel, le Nobel des maths, collectionne les distinctions honorifiques depuis 1955 dont la Légion d'Honneur en 1995.
«C'est contraint qu'oncle Yaak a dû devenir Français parce qu'il enseignait au prestigieux Collège de France, explique Janine Tits, la fille de Jean, pharmacienne chef de service au Centre hospitalier Peltzer-La Tourelle à Verviers.
Il venait souvent chez nous, à Verviers et nous lui rendons souvent visite à Paris, rue Moulin-des-Prés. Il nous a dit, modeste comme pas un, qu'il ne s'attendait pas du tout à recevoir une telle récompense».
Jacques Tits, qui aura 78 ans le 12août, s'est retiré de sa chaire au Collège de France en 2000 mais reste, depuis, professeur honoraire. Âgé de 3 ans, et c'est confirmé par ses proches, il résout déjà toutes les opérations d'arithmétique et saute plusieurs années au cours de sa scolarité. À 13 ans, pris en charge par son frère aîné après le décès du papa, et la famille ne disposant que de peu de ressources financières, le voici répétiteur d'élèves de 4 ans ses aînés. À 14 ans, il passe son examen d'entrée à l'Université libre de Bruxelles et obtient son doctorat en 1950. Il a 20 ans à peine!
Sa carrière, ensuite, s'emballe. Professeur à l'ULB en 62, il passe à l'université de Bonn (République fédérale d'Allemagne et capitale, alors, du pays encore divisé) en 64 avant d'entrer, en 73, au Collège de France (qui a produit 8 Nobel!) où il devient titulaire de la chaire des théories des groupes jusqu'à sa retraite en 2000, à l'âge de 70 ans.
Mais l'Abel, c'est quoi? Une récompense sans doute, soit 750000euros partagés, cette année, avec l'Américain John Griggs (76 ans) mais, plus encore, la reconnaissance mondiale des matheux pour des travaux jugés exceptionnels. «Il y a la médaille Fields, laquelle honore aussi les chercheurs de la spécialité, explique Jean-Christophe Yoccoz, professeur aussi au Collège de France et détenteur du bijou. Le Fields est réservé aux moins de 40 ans. Le prix Abel, créé en 2002, ne comporte pas une telle restriction. En ce sens, il est plus proche du Prix Nobel».
C'est le 20mai, à Oslo, en Norvège, que l'étonnant quasi octogénaire recevra son prix en présence de son épouse (une Verviétoise née Dieuaide) et, plus que certainement, de sa famille verviétoise. En attendant, le docteur honoris causa des universités d'Utrecht, de Gand, de Bonn et de Louvain fait des maths dans son appartement parisien du 13e arrondissement. Et répond au téléphone. Il est l'objet de mille et une sollicitudes. Méritées, assurément.