Face au mur, le boulanger Gimenne de Huccorgne lance un appel à la solidarité
À 59 ans, Jean-François Gimenne, boulanger artisanal à Huccorgne, n’en peut plus face aux charges de plus en plus lourdes. Il pousse un coup de gueule et lance un appel à la solidarité…
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- Publié le 06-06-2023 à 07h00
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Sa boulangerie artisanale, Jean-François Gimenne l’a ouverte il y a maintenant quatre ans à Huccorgne. Une boulangerie familiale baptisée Umami, "goût savoureux" en japonais. Avec son épouse Béatrice et leur fils Denny, le boulanger-pâtissier voulait offrir du pain mais aussi des viennoiseries et autres pâtisseries faites maison. Avec l’envie de proposer du bon, avec de bons produits.
Quatre ans après l’ouverture, le boulanger-pâtissier déchante. Et pas qu’un peu… La pandémie de Covid l’avait fait espérer des jours heureux, la clientèle se ruant sur le local et délaissant les grandes surfaces. Mais "ça n’a été que de courte durée. Il y a eu la crise économique…" Et la guerre en Ukraine qui a fait exploser les prix des matières premières. "Je compare toujours les prix de maintenant et ceux d’avant." Le beurre AOP qu’il achète en France pour ses croissants, il le payait 68 € pour 10 kg. Aujourd’hui, c’est 116 €. Sa farine ? 0,65 € le kilo autrefois et maintenant 1,10 €. Et les prix qu’il pratique n’ont pas doublé… "Je vends le croissant à 1,60 € et le pain au chocolat 1,70 €. Si je devais aligner mes prix, je devrais les doubler. En France, ils le font. Je ne peux pas me le permettre. D’autant plus à la campagne…"
Les factures s’accumulent
Jean-François Gimenne l’avoue: il fait son métier "le mieux que je peux". Il achète des matières premières de qualité, il fabrique de bons produits. Mais là, "ça devient difficile". D’autant plus que c’est insidieusement que les difficultés sont arrivées, qu’il s’est rendu compte que cela devenait de plus en plus difficile de s’en sortir. Mais il a préféré ne pas en parler, garder tout pour lui.
Sauf que là, aujourd’hui, le boulanger wanzois n’en peut plus. Car les factures s’accumulent… "Les contributions me réclament 38 000 €. Pourquoi ? Parce que je suis passé en société. Quand j’ai créé ma société, ma clientèle a été évaluée à un certain montant. L’état a décidé de considérer la valeur de ma clientèle à 100 000 €." Autre mauvaise nouvelle: ses cotisations sociales ont été recalculées: 14 000 € à débourser. Ce qui a été la goutte d’eau ? La double facture d’électricité. Double ? "On a deux compteurs car on a deux bâtiments différents". Une première rectification de 11 173 €, une deuxième d’un peu plus de 10 000 €.
Et là, Jean-François Gimenne déchante. Et un fameux coup… "Quand j’ai fait mes comptes, j’ai 80 000 € à payer. Ça correspond à cinq ans de bénéfices. Et ça fait quatre ans que je me suis installé… Même si je n’avais rien dépensé, ça n’aurait pas été possible." C’est pas qu’il est grand dépensier, le boulanger de Huccorgne. D’ailleurs, en gagnant 1 400 € par mois ( "c’est le salaire que j’ai décidé de m’octroyer"), il ne sait pas mener grand train. "Je pourrais pleurer, avoue-t-il aujourd’hui. Comment je fais pour payer ? En plus, j’ai investi 25 000 € dans 64 panneaux solaires. Malgré ça, je dois encore payer."
Comme sa boulangerie tournait bien, le Wanzois a investi, à crédit, dans une camionnette pour proposer ses produits à un plus grand nombre. Crédit de 70 000 € qu’il doit rembourser. À ajouter à cela l’agrandissement de son atelier (80 000 €) et l’achat de matériels dont un four électrique de 50 000 €. L’ensemble des investissements représente une somme de 250 000 € empruntés auprès de banques. Une lourde somme à laquelle s’ajoutent les 200 000 € de départ pour le lancement de la boulangerie. "J’ai 59 ans. Soit j’essaye de jouer au Lotto, soit je fonce dans un mur", soupire-t-il. Il a bien tenté d’étaler le remboursement à Engie, de décrocher un plan d’apurement mais sans grand succès. "Je vais les rappeler…" Ça fait aussi six mois qu’il essaye de négocier avec sa banque pour réétaler son prêt mais "quand on dit aux banques qu’on est boulanger, ils ne prêtent pas d’argent. Tous les boulangers sont dans le même cas. On est de gros consommateurs d’électricité." Le boulanger de Huccorgne est pessimiste: "Les petites boulangeries vont disparaître. On ne vendra plus que de l’industriel. Je peux encore tenir six mois, et puis après ?"
Alors ? Jean-François Gimenne a lancé une cagnotte sur Leetchi baptisée "Soutien Boulangerie Umami". "La création de la cagnotte, c’est pour une prise de conscience car je ne rêve pas. Mais je voulais marquer le coup et expliquer aux gens. Mes clients sont solidaires, ils m’encouragent et ça donne du baume au cœur." Mais c’est d’argent dont le boulanger-patissier et sa famille ont besoin. "Aujourd’hui, nous sommes contraints de licencier notre fils pour diminuer les coûts et de revoir le contrat de travail de notre ouvrier à la baisse." En espérant des jours moins noirs…