INTERVIEW| La directrice Geneviève Filée s’en va sur la pointe des pieds
Geneviève Filée, directrice de l’école de Fraiture depuis 20 ans, fait partie de ceux qui prennent leur pension dans l’ombre, Covid oblige…
Publié le 01-09-2020 à 15h40
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Pour vous, cette rentrée est synonyme de départ, d’une page qui se tourne…
Oui, je suis pensionnée officiellement depuis le 1er septembre, après 20 années comme directrice et 20 années comme institutrice primaire à l’école communale de Fraiture. Une école que je connais par cœur puisqu’elle a été dirigée par trois générations de Filée: mon grand-père, mon père et moi. Ma sœur, Isabelle, y est également institutrice maternelle depuis 1981 et elle prend sa pension aussi, en même temps que moi. Cette école, c’est un peu comme notre maison. Petite, on y a d’ailleurs habité.
Avec le Covid, le départ à la pension se fait dans l’ombre, la discrétion. Pas évident…
Je prends une retraite bien méritée mais oui, ce n’est pas facile de quitter ainsi une école. Difficile parce que j’adore ce métier, parce que c’est une école extraordinaire, avec des parents coopérants, des enseignants très soudés… Difficile aussi parce que je n’ai pas pu vivre pleinement ma dernière fin d’année à cause du coronavirus. Elle s’est terminée un peu tristement: sans fancy-fair, sans remise de CEB. Je n’ai pas pu dire vraiment au revoir comme je le voulais.
Vous aviez prévu quelque chose de particulier pour votre départ?
Je n’avais pas spécialement envie d’une fête mais le personnel de l’école avait organisé fin juin un week-end pour ma sœur et moi. Il a été reporté en septembre et il est encore reporté. Mais en décembre, cela aura-t-il encore du sens? Cet été, nous avions préparé une chanson humoristique pour évoquer nos carrières et remercier tout le monde. Tant pis! Ce n’est finalement pas le plus grave… Et puis j’ai vécu un moment très émouvant le dernier jour de l’école, en juin. Les parents nous attendaient à l’extérieur pour nous applaudir longuement et chaleureusement… Spontanément.
Et ce 1er septembre, où étiez-vous?
J’étais présente pour la rentrée des classes avec Livio Baggio à l’occasion de la traditionnelle cérémonie d’ouverture. Avec ma sœur, nous avions prévu un petit sketch humoristique pour dire au revoir. On y expliquait que nous pouvions désormais nous inscrire aux 3x20 et se rendre à Banneux en autocar… On a joué sur l’humour. L’échevin de l’Enseignement, Denis Craisse, avait prévu un flambeau qu’il a allumé et que nous avons échangé avec le nouveau directeur.
Vous êtes restée pour l’épauler?
Ha non… C’est SA rentrée. Je suis donc partie juste après. Notre prof de religion m’avait conseillée, pour éviter le contrecoup émotionnel, de prévoir une grande balade à vélo. Alors avec elle, j’ai pédalé pendant 40 km et ça m’a fait un bien fou. Nous sommes passées devant l’école communale de Hamoir, qui a fermé ses portes. Une école sans élève, sans bruit, c’était triste. Et je n’ai pas résisté: j’ai sonné la cloche…
Après 40 ans de carrière, quel regard portez-vous sur l’école…
Je termine sur une belle note, un sentiment de devoir accompli: une école qui a fortement grandi passant de 60 à 240 élèves tout en conservant l’esprit de village et la proximité avec les parents. Là, je laisse le soin à mon successeur de mettre en place le plan de pilotage, un nouveau défi pour l’école et j’y crois.
Quels moments clés vous reviennent en mémoire?
Ce sont les moments positifs: des élèves qui réussissent, les fêtes d’école, les anciens qui reviennent nous dire bonjour… Les moments difficiles, ce sont les élèves en grande difficulté qu’on tente d’aider… Des situations problématiques, j’en ai connu plein et j’en suis toujours ressortie avec plus d’expérience.
Un message pour Livio Baggio?
Je suis fière de lui confier cette école. Ce n’est pas un cadeau empoisonné. Je lui souhaite bonne chance et comme il a été champion de Belgique junior en saut en hauteur, je lui ai dit qu’il était vraiment «à la hauteur»! (rires)