Michel range paires de ciseaux et peignes après 53 ans de carrière
Le coiffeur Michel Pirlot (74 ans), installé sur la Grand-Place, coiffera ses derniers clients ce 31 décembre.
Publié le 31-12-2022 à 06h00 - Mis à jour le 31-12-2022 à 07h53
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C’est une page du commerce ouffetois qui va se tourner ce samedi, à l’heure où beaucoup s’affaireront aux préparatifs du réveillon de la Saint-Sylvestre. Plus exactement, c’est un chapitre long de 53 ans, 4 mois et 25 jours que va refermer Michel Pirlot sur le coup de 17 h.
À 74 ans, le coiffeur, installé sur la Grand-Place, a décidé de ranger ses paires de ciseaux et ses peignes. "Je ne redoute pas ce moment où je dirai à mon dernier client qu’il peut quitter le siège, sourit-il. Quand j’ai annoncé à mes fils Jean-Michel et Pierre-Yves que j’arrêtais, ils n’y croyaient pas. Mais je veux encore pouvoir profiter de la vie tant que je suis en bonne santé. J’ai eu la chance de ne pas être victime d’arthrose dans les mains. Seuls des ulcères aux jambes m’ont parfois fait souffrir durant ma carrière. Mais je ne me suis jamais plaint. Pour rester en forme, je parcours 10 km à vélo dans le village tous les jours, pour autant que la météo soit bonne."
À ses nombreux clients masculins venant des quatre coins du Condroz, ce n’est que lundi dernier, via Facebook, qu’il a annoncé sa volonté de mettre un terme à une carrière entamée le 6 août 1969. "Ils sont nombreux à avoir commenté mon post et j’avoue avoir lu des messages assez émouvants", glisse Michel, sous l’œil bienveillant d’Annie, son épouse depuis 50 ans.
Jean est venu avec une bouteille de hampagne
Dans le salon aussi, l’émotion a été palpable durant toute cette dernière semaine. "Mes cheveux auraient encore pu attendre deux à trois semaines, mais je tenais absolument à venir une dernière fois, avant qu’il ne ferme, confie Jean Legros, d’Anthisnes. J’ai été son client depuis ses tout débuts. À l’âge de 19 ans, j’ai été très gravement malade et mon papa venait chercher Michel en voiture pour qu’il me coiffe à domicile."
Comme de nombreux clients, Jean est venu cette semaine à son ultime rendez-vous avec un présent sous le bras. En l’occurrence, une bouteille de champagne. "Mercredi, il y avait quasiment un cadeau sur toutes les marches de l’escalier du salon", sourit Annie, pendant que son époux rembobine: "J’ai suivi ma formation à l’école de coiffure de la rue de Pitteurs à Liège. Seule la coiffure masculine m’intéressait, car j’aimais la coupe. Je n’avais pas envie de passer certaines journées entières à réaliser des permanentes, des colorations ou des brushings. À Ouffet, je me suis d’abord installé rue Sauvenière, à côté de chez ma sœur, avant de construire le salon actuel en 1972, l’année de notre mariage."
« Un gamin s’est enfui, craignant que je lui fasse une piqûre »
Celui qui fut pendant de nombreuses années le vice-président des coiffeurs de Huy-Waremme – "lors de nos réunions, nous discutions notamment des prix fixes déterminés par le ministère des Affaires économiques" -, se souvient aussi de certaines anecdotes. "Une fois, je me préparais à masser les cheveux d’un jeune gamin avec une lotion contenue dans une ampoule lorsque le père m’a dit: “Fais-lui une piqûre avec l’ampoule”. Apeuré, le gamin s’est enfui du siège. J’ai dû courir sur la rue pour le rattraper, sous le regard amusé des passants. Une autre fois, c’est un gamin tout “crotté” à qui on m’a demandé de couper les cheveux tout courts. Ce n’est que par après qu’on m’a dit qu’il s’agissait d’une fille. Je l’ai recroisée quelques années plus tard, elle m’a rappelé les faits. Entre-temps, c’était devenu une très jolie jeune fille (sourire)."
Mais ce dont Michel est le plus fier, c’est d’avoir pu traverser toutes les époques en s’adaptant aux modes. "Dans certaines familles, comme les Duduch, j’ai coiffé cinq générations", compte-t-il.
Cette semaine encore, ce sont des clients de tous âges qui se sont assis devant le miroir. Des moins jeunes comme André Servais de Hamoir, des jeunes comme le premier échevin d’Ouffet, Arnaud Massin, ou encore des très jeunes comme Jules Cornet d’Ocquier.
"Je voulais venir une dernière fois, dit timidement le garçon de 11 ans. Michel est vraiment sympa."
Sa sympathie, son sourire, sa gentillesse: ce sont désormais ses proches qui pourront davantage encore en profiter. "Après le départ du dernier client, je coifferai mon épouse et puis nous passerons calmement le réveillon en tête-à-tête autour d’un bon repas." Et en dégustant une des nombreuses bouteilles reçues.