Le Rocher du vieux-château révèle une église carolingienne
Au Rocher du vieux-château à Modave, les étudiants archéologues et le CaHC ont mis au jour une église carolingienne.
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Publié le 23-07-2019 à 09h48
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Cet été, le site de fouille du Rocher du vieux-château, à Pont de Bonne (Modave), a repris et a permis de mettre au jour une petite église carolingienne du Xe siècle. « C'est un bâtiment relativement rare dans notre région, se réjouit Emmanuel Delye, président du CaHC (Cercle archéologique Hesbaye-Condroz) et coordinateur de la fouille. Voilà deux ans que nous fouillons cette zone de 300 m2 avec l'aide d'étudiants en archéologie des universités de Liège et de Namur.»
En un mois, les stagiaires, encadrés par des membres du cercle archéologique et d'anciens étudiants, ont excavé 150 m3 de terres et de pierre et «analysé» les diverses couches stratigraphiques. Ils ont ainsi révélé les fondations et les murs d'une petite chapelle du Xe siècle. «C'est un terrain communal mais aussi un site de fouille, reconnu depuis 2004 et géré par notre cercle. Nous avons déjà découvert les restes de fortification qui protégeait l'éperon rocheux. Afin de qualifier le site (habitat rural, habitat aristocratique…), nous sondons des surfaces à l'intérieur des remparts. Sur le plateau, nous avons repéré un imposant tas de pierres qui ne semblait pas naturel. Et on a décidé de lancer de nouvelles fouilles là cet endroit, l'année dernière, en imaginant peut-être découvrir un bâtiment contemporain de la fortification. Et à notre grande surprise, les fondations d'une petite chapelle sont sorties de terre. Les morceaux de céramique découverts aux alentours ainsi qu'un motif architectural en épis attestent bien d'une datation au Xe siècle.»
Pas une église paroissiale mais privée
Le plan de la chapelle de Pont de Bonne préfigure les plans des petites chapelles romanes condrusiennes du XIe siècle «avec une particularité que le chevet comporte une absidiole». Les murs de la chapelle devaient atteindre quatre mètres de hauteur, sous les corniches avec une entrée probablement au Nord. Aucune sépulture n'a été trouvée ni à l'intérieur de l'édifice, ni à l'extérieur. Ce n'était donc pas une église paroissiale mais privée. Elle appartenait certainement à un seigneur. «Une question se pose alors: quel était le statut de l'édifice?»
La chapelle était située au centre de l'éperon rocheux à un des endroits les plus élevés du plateau, à mi-distance entre les deux portes de la fortificatçion. «Pourquoi»? s'interroge le président. À cette question et bien d'autres encore, archéologues et historiens vont tenter d'apporter des réponses. «Il faut désormais confronter les résultats des fouilles aux archives et ouvrages existants.»
Ces découvertes feront également l'objet d'une publication scientifique d'ici deux ans. Et puis, d'autres fouilles suivront à proximité dans le but de révéler d'autres traces d'occupation ou des bâtiments annexes… «Il est indispensable également de préserver le site et de le mettre en valeur», conclut le Modavien, qui lance ainsi un appel du pied aux autorités communales et régionales.
Double rempart découvert
Le site de 4 hectares, qui surplombe le Pont de Bonne, est fouillé depuis 2004. On y a mis au jour les vestiges de deux remparts d’âge totalement différent: l’un datant de la fin de l’âge du Fer (entre 100 et 50 AVJC) et l’autre du Xe siècle (époque carolingienne), construit sur les éboulis du précédent.

Des fouilles réalisées derrière le rempart ont également permis de trouver des traces d'occupation, sous la forme de poteaux et d'une palissade, qui attestent d'une présence du néolithique moyen (4 300 AVJC) jusqu'au Xe siècle, moment où le site a été totalement abandonné pour une raison encore inconnue. «On ne sait pas grand-chose sur la fonction de ce site lors de ces différentes périodes. Les recherches menées jusqu'à ce jour ne nous permettent pas de donner des réponses précises à ce sujet.» Les vestiges sont actuellement protégés par des bâches. Mais peut-être un jour seront-ils valorisés, restaurés.
Guillaume WYMMERSCH (25 ans, Huy), Doctorant ULiège

«Je suis boursier doctorant en histoire à ULiège. Ma thèse cible l’archéologie, ma passion, sur le thème de la christianisation du bassin mosan, ce qui m’oblige à confronter les découvertes archéologiques et les textes. Je suis aussi féru de fouilles et ai rejoint le club local d’archéologues CAHC. Ce site me parle beaucoup car il est en lien avec ma thèse.»

«C’est ma deuxième année de fouille ici. Je suis revenu de mon plein gré (rires). On retourne la terre à la truelle par couche de 5 à 10 cm. J’aime le contact avec la terre et avec le patrimoine de la région. Je participe à sa redécouverte. L’année passée, moment fort, j’étais le premier à avoir découvert le coin d’un mur. C’est gratifiant.»
Ulysse HUBERTY (19 ans, Liège), ULiège

«Voilà déjà sept ans que je fouille régulièrement, sur site. C’est une passion depuis que je suis ado, depuis que j’adore l’Égypte ancienne. Du coup, j’ai rejoint l’ASBL Archeolo-J à Havelange qui invite les jeunes à découvrir l’archéologie, qui les éduque au patrimoine. J’ai déjà fouillé à Montegnée, Haltinne…»

«Je suis architecte et ai travaillé dix ans dans la conservation du patrimoine. Je reviens sur les bancs de l’école pour l’archéologie et l’ archéométrie. C’est mon premier stage de fouille, mon premier travail pratique. Il faut un esprit d’équipe, une vue d’ensemble… C’est aussi très physique. On soulève de la terre et des moellons.»
Emmanuel Delye: «Le site de fouilles, atout touristique»

Président du CaHC, Emmanuel Delye travaille au centre européen d'archéométrie (pendant scientifique de l'archéologie) de l'ULiège, spécialisé dans la dendrochronologie (datation des anciennes charpentes). Le virus de la fouille l'anime depuis ses 12 ans. «Archéologue, c'est une passion plus qu'un métier. Je me suis toujours intéressé aux vieilles pierres, aux silex… J'ai par exemple fouillé dans la crypte de la collégiale d'Amay ou encore sur les sites néolithiques de Vaux-et-Borset.»
Le Modavien de 48 ans, très attaché à sa commune et à son patrimoine, encadre les fouilles du Rocher du vieux-château depuis 15 ans. «Et ce n'est que le début. On ne s'est jamais fort intéressé à cet endroit car le sol est dur, rocheux. Le travail de l'archéologue y est harassant. Mais le site est d'un grand intérêt archéologique…» Et il espère qu'il devienne aussi un lieu de visite. «Ce patrimoine doit être mis en évidence. Le site devrait être valorisé en restaurant les parties déjà dégagées des portes carolingiennes et de l'édifice religieux, en plaçant également des panneaux didactiques. On est par ailleurs dans un écrin de verdure, en zone Natura 2000. Ce serait un atout touristique supplémentaire pour la commune, pour les touristes d'un jour, d'autant plus que le Pont de Bonne est déjà très attractif avec ses commerces, restaurants, hôtels, le syndicat d'initiative, le RAVeL…»