Marchin : le château du Fourneau, le camp juif passé sous les radars de l’histoire
Le saviez-vous ? Le château du Fourneau était autrefois un centre fermé pour les Juifs. Jean-Pierre Callens entretient la mémoire pour faire découvrir une page oubliée de l’histoire.
Publié le 25-10-2022 à 06h00 - Mis à jour le 25-10-2022 à 09h14
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L’histoire avait été oubliée mais elle avait néanmoins été remise au goût du jour par Jean-Pierre Callens dans son ouvrage Les réfugiés juifs au camp de Marneffe. Paru en 2015, le livre avait de quoi faire remonter les souvenirs et pourtant… Ce pan de l’histoire marchinoise demeure encore aujourd’hui (trop) méconnu. "J’ai peu entendu parler de cette histoire, confie Éric Lomba, ancien bourgmestre de Marchin. Comment se fait-il que dans la mémoire on n’ait pas de traces de ça ? Est-ce que c’est parce que c’est une histoire qu’on voulait oublier ?" Pour en parler, il faut d’abord remonter dans de lointains souvenirs.
À l’époque, le château du Fourneau, construit par Eugène Godin en 1875 et aujourd’hui devenu le site de l’athénée prince Baudouin, appartenait à l’État. Sanatorium militaire, il avait accueilli en 1937 plusieurs centaines de réfugiés espagnols républicains, fuyant le régime franquiste. Et l’histoire devait s’arrêter là… Ou pas. "Deux ans plus tard, l’État belge a décidé de contrôler les migrations des Juifs qui fuyaient le régime nazi, raconte Éric Lomba. Les autorités décident alors de les mettre dans des centres fermés. À Marneffe notamment. Le château de Fourneau, étant une propriété de l’État, a ainsi été choisi comme centre fermé pour décentraliser certains Juifs de Marneffe."
Mais aujourd’hui, qu’en reste-t-il ? Pas grand-chose sinon les recherches de Jean-Pierre Callens. Lui, n’a pas oublié. "Je vis à Marchin depuis 40 ans et c’est en lisant le livre d’Anne Roekens qui parlait de la persécution des Juifs que j’en ai entendu parler. De fil en aiguille, j’ai retrouvé des traces et des archives à Liège. Il y avait énormément de témoignages de cette époque. Des documents d’ailleurs retrouvés tout à fait par hasard par le psychologue du centre pénitentiaire actuel. Il avait aperçu des fardes avec d’anciens écrits au-dessus d’une armoire."
88 Juifs ont pris la direction d’Auschwitz et trois ont été fusillés
Les immigrés juifs arrivés dès le mois de juin 1939 aux camps de Marneffe et de Marchin ont, comme d’autres, subi la politique sécuritaire menée en se retrouvant enfermés. "Lorsqu’ils sont arrivés chez nous, les réfugiés ont alors été fichés dans les registres nationaux et communaux. Des informations recueillies ensuite par les nazis, reprend le professeur de français retraité. La plupart des réfugiés établis à Marchin venaient d’Allemagne qu’ils avaient fuit surtout après la Nuit de cristal. D’autres venaient d’Autriche après l’annexion ou encore de Pologne ou de Hongrie."
Oubliée volontairement ou non, l’histoire est donc loin d’être belle. Au total, Jean-Pierre Callens a pu mettre un nom et un visage sur 272 réfugiés juifs passés par le château du Fourneau. Et sur les 115 déportés qui sont évacués du camp le 12 mai 1940, 88 aboutiront finalement à Auschwitz-Birkenau. Et outre ceux qui ne sont pas revenus de camp d’extermination, certains ont eu un autre destin. Tragique également. "Le jour où ces déportés sont évacués, trois d’entre eux parviennent à quitter le groupe. Mais ils sont arrêtés un peu plus loin et sont finalement fusillés par les troupes belges en les prenant pour des espions allemands", rappelle le Marchinois.
Voilà, vous savez tout désormais. Marchin est donc loin d’avoir fait le tour de son passé. La Commune ne pourra désormais plus occulter ce devoir de mémoire. Faire exister ce qui n’est plus, en retraçant cette histoire disparue en quelques années sans faire de bruit.