Nandrin-Huy: l’Immobilière Bertrand dans le viseur de l’IPI?
En six mois, deux agents de l’agence immobilière Bertrand, implantée à Huy et Nandrin, ont été suspendus par l’IPI. Pour quelles raisons ? Tentative d’explication.
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Publié le 20-05-2023 à 07h00 - Mis à jour le 20-05-2023 à 07h45
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Implantée à Nandrin depuis 13 ans, l’agence immobilière Bertrand a connu une belle progression au fil des années. En 2017, l’équipe ouvrait une deuxième agence à Huy. Mais ces derniers mois, l’agence fait parler d’elle au sein de l’Institut Professionnel des agents Immobiliers (IPI) qui a, notamment pour mission, de veiller à ce que les agents immobiliers respectent les règles.
1. Dans le collimateur de l’IPI ? Il semblerait que l’immobilière soit sortie des clous. Lirim Bilalli, un des agents, a d’abord écopé d’une première suspension, d’au moins 1 mois, fin 2022. C’est désormais au tour de Xavier Bertrand, administrateur, de se voir retirer son numéro IPI pour une durée supérieure à 1 mois également.
Ce que plusieurs clients et témoins interviewés semblent leur reprocher ? Des abus de confiance, des compromis de vente cassés, des offres occultées auprès des vendeurs, des appels intempestifs et des intimidations (parfois même jusque sur le lieu de travail). Des propos calomnieux pour l’administrateur de l’agence qui se montre plutôt sûr de lui. La raison de ces témoignages ? "Nous sommes une des plus grosses agences en province de Liège et en Wallonie, lance Xavier Bertrand. Nous avons un gros portefeuille clients et donc forcément plus de risques d’avoir des plaintes à notre encontre. Nous savons que nous subissons beaucoup de jalousies de la part de nos concurrents. Il n’y a pas de confrères ou de collègues dans cette profession, seulement des concurrents."
2. Deux sanctions. Mais alors pourquoi l’agence a-t-elle écopé de deux sanctions ? "Nous avons été sanctionnés pour le même dossier. Au moment des faits reprochés, M. Bilalli était mon stagiaire, explique Xavier Bertrand. Il avait fait une offre pour acheter un bien à titre privé et l’IPI lui reproche d’avoir le même numéro de téléphone pour son privé et son professionnel. Quant à moi, on me reproche d’avoir manqué de vigilance concernant un mail qu’il avait envoyé pour acheter ce bien à titre privé avec son adresse mail professionnelle. Le compromis de vente a été cassé par les vendeurs car l’offre de M. Bilalli était trop faible à leur goût." (NDLR: une version confirmée également par Lirim Bilalli).
3. Une mesure exceptionnelle ? L’immobilière a donc été sanctionnée par l’IPI. Sur 1 500 dossiers introduits en 2021 au sein de l’IPI, il y a eu 32 radiations et 151 suspensions, soit moins de 10%. Une suspension de son numéro IPI reste donc exceptionnelle… Sauf que Xavier Bertrand n’a pas la même analyse. "Nous avons reçu des sanctions tout à fait excessives. L’IPI ne protège pas du tout les agents immobiliers. Personnellement, je me sens lésé dans ce dossier, assure Xavier Bertrand. J’aurais dû avoir un simple avertissement. Cette sanction me paraît disproportionnée. Je ne dis pas que l’IPI manque d’objectivité ou d’impartialité mais nous sommes quand même jugés par des concurrents." Pourtant, les décisions sont rendues par des juges. "Oui mais ils sont entourés par des agents concurrents qui ont également leur mot à dire."
Au sein de l’IPI, on ne communique pas sur le fond des dossiers même si les séances sont publiques. "Nous avons un devoir de réserve et les informations deviennent confidentielles une fois que la séance publique est terminée, explique Steven Lee, directeur du service communication. En ce qui concerne le dossier des agents de l’immobilière Bertrand, il est clos." Une fois l’affaire terminée, les agents peuvent donc, s’ils le souhaitent, transmettre les jugements (NDLR: ce que les deux agents n’ont pas souhaité faire). Les décisions sont longuement motivées par l’IPI et les articles de déontologie enfreints par les agents suspendus sont également détaillés. Quant aux motifs de suspension évoqués par Xavier Bertrand et Lirim Bilalli, on s’étonne quand même des justifications données du côté de l’organisme de contrôle. "Je ne peux pas parler du fond des dossiers mais la suspension, c’est une sanction très sérieuse. On n’interdit pas à des agents de travailler pendant plusieurs semaines sans des raisons valables. D’autant qu’ici la Chambre exécutive a décidé de sanctionner les deux agents. Elle aurait pu choisir de ne suspendre qu’un des deux."
4. Un mois ou plus ? Si les deux agents ne souhaitent pas apporter les preuves de leurs argumentations en montrant les décisions motivées de la Chambre exécutive, ils restent également évasifs quant à la durée de la sanction. Au sein de l’IPI, plusieurs sanctions sont possibles: l’acquittement, le blâme (les seules peines disciplinaires à être effacées automatiquement cinq ans après la décision prononcée), la suspension (de 1 mois à 2 ans) et la radiation.
5. Devant la Cour européenne. C’est un dossier de longue haleine qui est désormais terminé au sein de l’Institut Professionnel des agents Immobiliers. Mais Xavier Bertrand (et juste lui, pas son collègue Lirim Billali) a décidé de transmettre le dossier à la chambre d’appel puis à la Cour de cassation qui ne se prononce pas sur le fond de l’affaire, mais sur la régularité formelle du dossier et de la procédure. Cette dernière instance a confirmé la décision prise et estimé que la procédure avait été faite dans la règle. C’est donc pour cette raison que Xavier Bertrand écope de sa suspension plusieurs mois après celle de Lirim Bilalli. Et aujourd’hui, l’administrateur de l’immobilière décide de porter le dossier à la Cour européenne. Pour un simple défaut de vigilance ? "C’est une affaire de principe, répond-il. Je ne me dédouane pas de ce qui s’est passé mais, par principe, j’ai introduit un dossier auprès de la Cour européenne. J’aurais dû avoir un simple avertissement."
Du côté de l’IPI, on ne s’inquiète pas. "À ma connaissance, c’est la première fois que ça arrive, confie Steven Lee. La décision qui sera rendue n’aura aucun impact sur notre organisme ou sur l’agent immobilier. En aucun cas, elle ne change ou n’annule une décision rendue par les instances juridiques belges. Elle va, en fait, se positionner sur la législation sur laquelle s’appuie le jugement. Si elle estime que les choses doivent être revues, elle condamne alors le pays pour que les règles soient changées."
Au sein de l’agence immobilière, on a réponse à tout, on justifie tout. Les témoignages sont faux, les concurrents déloyaux, les sanctions rendues disproportionnées. Qui a raison ou tort ? L’IPI, lui, a en tout cas tranché.