Projet pilote à la prison de Lantin : de la visioconférence pour faciliter les contacts entre détenus et avocats
L’avocat hutois François Dessy a travaillé avec deux autres sur un projet pilote (primé) lancé cette semaine à la prison de Lantin. L’idée ? Faciliter la communication détenus/avocats.
Publié le 22-02-2023 à 09h11 - Mis à jour le 22-02-2023 à 09h12
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Faciliter la communication entre les détenus et leur(s) avocat(s), c’est l’objectif du projet lancé concrètement cette semaine par trois avocats de la région: Mes François Dessy, Géraldine Falque et Patrick Lambotte (qui travaillent aussi pour l’Université de Liège, associée au projet). "Nos clients détenus pâtissent, comparativement aux autres clients jouissant d’une pleine liberté, d’un déficit flagrant de communication, entame Me Dessy. Le trajet de l’avocat pour atteindre la prison, les déplacements intra-muros pour gagner les parloirs, l’attente … sont à l’origine de vaines et décourageantes pertes de temps, ce qui conduit parfois à une raréfaction des contacts. La situation est d’autant plus préjudiciable au détenu qu’il est impossible pour l’avocat de le contacter téléphoniquement d’initiative tandis que le détenu qui veut contacter son avocat connaît, on le devine, des fortunes diverses."
Pour concrétiser leur projet, les trois avocats ont été en contact pendant des mois avec les autorités pénitentiaires de la prison de Lantin, où il sera testé "grandeur nature". L’idée étant de mettre en place au profit des détenus un système de connexion informatique sécurisée avec leurs avocats dans des plages horaires prédéterminées. Une façon de communiquer déjà éprouvée à Lantin pendant la crise du Covid. "La prison ayant conservé ces installations, notre alternative pourra en profiter, ce qui n’entraînera pas de dépenses supplémentaires", ce qui aurait constitué un obstacle à la concrétisation du projet.
Que pour les femmes dans un premier temps
Parce qu’il s’agit d’un projet pilote qui ne peut donc pas être développé à grande échelle avant d’être évalué, il a été décidé qu’il ne profiterait pour le moment qu’aux détenues de Lantin.
Trois avocats du barreau liégeois ont accepté de "tester" l’outil pendant trois mois et de rendre compte de leur expérience.
Leurs détenues ont désormais accès à un local (en zone cellulaire et non dans la zone des parloirs, ce qui fera aussi gagner du temps aux surveillants) où se trouve un PC pourvu d’une application de visioconférence. Pratiquement, grâce à une boîte mail ad hoc, l’avocat pourra réserver, même dans un court délai (24 heures minimum) sa plage horaire pour un entretien avec sa cliente, plutôt en fin de journée et début de soirée. C’est qu’à ce moment, le personnel n’est pas occupé avec les visites physiques aux détenues, par exemple.
Grâce à la participation active des autorités pénitentiaires de Lantin, et en particulier du directeur, Jean-François Colasse, tout, sur le papier en tout cas, semble avoir été balisé pour assurer des garde-fous à ces communications au-delà des murs de la prison: une ligne intranet sécurisée limitée au projet, la vérification triple des avocats au moment de leur connexion ou encore l’engagement (et la responsabilité) de ces derniers à se trouver seul de l’autre côté de l’écran.
Etendre l’initiative
Récompensé par le Prix de l’innovation du barreau de Liège-Huy, le projet vise aussi des objectifs secondaires: éviter un déploiement excessif d’énergie pour glaner une info qui peut être apportée en deux minutes par écrans interposés (prise de menus renseignements…), restaurer une forme d’égalité entre les détenus précarisés financièrement dont les possibilités téléphoniques sont limitées, permettre à un avocat (stagiaire sans voiture, malade ou immobilisé physiquement…) d’avoir quand même un contact avec son client, contribuer à procurer au détenu le sentiment d’accompagnement renforcé ou encore "nourrir la réflexion académique sur l’élargissement des contacts professionnels et familiaux en prison. Une étudiante en master de criminologie est du reste actuellement en stage à Lantin afin de consacrer son mémoire à la modernisation des contacts en prison."
En cas d’évaluation positive dans quelques semaines, le but est naturellement d’étendre cette possibilité d’échanges détenus/avocats à l’ensemble de la prison de Lantin et même aux autres établissements pénitentiaires du pays.