Arrêt de la centrale nucléaire de Tihange 2 : « C’est comme si on avait euthanasié mon chien en bonne santé » (vidéo)
La nuit dernière à 23 h 59, la centrale nucléaire de Tihange 2 a été définitivement déconnectée du réseau. Ce mercredi matin, environ 200 travailleurs ont bloqué l’accès au site hutois.
Publié le 01-02-2023 à 12h35 - Mis à jour le 02-02-2023 à 10h24
Les travailleurs de la centrale nucléaire de Tihange ont voulu rendu hommage à leur manière à l’unité 2, définitivement arrêtée.
Ils avaient annoncé une action symbolique, et ils ont tenu leurs promesses: les syndicats Gazelco et CNE ont bloqué l’entrée du site de la centrale nucléaire de Tihange ce mercredi matin, dès 6 h 30. Une action menée quelques heures à peine après la mise à l’arrêt définitive de l’unité 2, conformément à "la loi du 31 janvier 2003 sur la sortie progressive de l’énergie nucléaire à des fins de production industrielle d’électricité".
Au total, ce sont 150 à 200 travailleurs qui se sont rassemblés pour partager leur émotion et pour assister à la crémation d’un cercueil recouvert d’un drapeau à l’effigie d’Engie. "Cette cérémonie symbolise la mise à mort de Tihange 2", a expliqué Olivier Streel (54 ans), délégué Gazelco, et justement membre de l’équipe technique qui "a eu le déshonneur" de déconnecter l’unité du réseau. "Ce mardi soir, l’émotion était palpable. J’ai eu le sentiment d’assister à un grand gâchis."
À ses côtés ce mercredi matin, Jacques Adam, délégué CNE, se disait lui aussi très touché: "Je travaille à la centrale depuis 1983, j’y suis arrivé juste après le démarrage de l’unité 2, et je manque de mots pour évoquer mes sentiments. Les grandes douleurs sont muettes. Le général Douglas MacArthur disait que les batailles perdues se résument en deux mots: trop tard."
Employé en bord de Meuse depuis 1994, Marc Bertrand, représentant CGSLB au Comité pour la prévention et la protection au travail, était lui aussi présent sur le site mardi soir, peu après le moment historique. "Je voulais soutenir les équipes, j’y ai vu des travailleurs très marqués. L’un d’entre eux m’a dit: “C’est comme si on venait d’euthanasier mon chien qui était en bonne santé”. Personnellement, j’estime que des responsables politiques se sont comportés comme des terroristes. Ils ont semé la peur auprès de la population et ont profité de sa méconnaissance sur le sujet pour parvenir à leurs fins."
Parmi les travailleurs présents ce mercredi matin, des jeunes, des anciens, et des "ni jeune, ni vieux", comme Christophe (prénom d’emprunt), employé au service Care de la centrale depuis 2008.
« Dans mon équipe d’une trentaine de personnes, peu ont plus de 45 ans »
"On entend dire que les plus de 45 ans sont assurés de terminer leur carrière à Tihange, mais moi j’aurai bientôt 40 ans, et je m’interroge, confiait-il. Dans mon équipe composée d’une trentaine de personnes, ils sont d’ailleurs peu nombreux à avoir plus de 45 ans. Certains sont sous contrat jusqu’en 2025, mais après ? Que se passera-t-il lorsque l’unité 1 sera, elle aussi, mise à l’arrêt ? On nous dit que certains services externalisés vont être réinternalisés. Mais tout le monde sait que ça coûte moins cher de faire appel à des sous-traitants. Je suis donc sceptique, même si nous avons l’avantage d’être formés à la sûreté."
Ce mercredi, des employés de sous-traitants ont aussi assisté, en deuxième ligne, à la crémation. "Nous nous occupons des 37 ascenseurs et monte-charge du site", précisaient en chœur Stéphane, Michaël et Maxime, employés chez Schindler. Occupés sur le site depuis deux ans, les deux premiers ajoutaient: "Engie est un client comme un autre pour nous. Lorsque nous ne viendrons plus ici, nous irons ailleurs. Engie devrait toutefois encore avoir besoin de nos services à Tihange durant de nombreuses années."
+ d’infos dans L’Avenir Huy-Waremme de ce jeudi 2 février