Fermeture de la centrale nucléaire de Tihange 2 | « C’est le flou à propos du démantèlement », affirment deux syndicalistes
Les responsables du syndicat Gazelco ont obtenu des garanties pour la phase de la mise à l’arrêt définitif, soit environ 5 ans. Mais ils s’interrogent sur l’après-2028.
Publié le 30-01-2023 à 06h00 - Mis à jour le 31-01-2023 à 07h52
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Symboliquement, la rencontre avait été fixée à Tihange IV, l’établissement horeca situé en bordure de la nationale 90, à quelques dizaines de mètres du site nucléaire. Pendant une heure, Vincent Franco, président francophone du secteur Gazelco, et Anthony Dilda, président Gazelco à la centrale nucléaire de Tihange, y ont évoqué la fermeture de l’unité 2 du site hutois. Et forcément, ils s’inquiètent du sort réservé aux quelque 1 000 travailleurs tihangeois. S’ils ont bien obtenu des garanties pour les prochaines années, ils se montrent plus dubitatifs pour l’après-2028. Entretien.
Ce mardi à 23 h 59, la centrale nucléaire de Tihange 2 sera déconnectée du réseau. Avez-vous prévu une action ?
A. D.: La direction a décidé d’organiser une cérémonie d’hommage ce prochain vendredi. Mais nous n’y sommes pas favorables. C’est une fête déguisée. De notre côté, nous réfléchissons encore à ce que nous allons faire.
Contrairement à une entreprise « classique », il faut rappeler que cette fermeture ne s’accompagne pas de perte d’emplois.
V.F.: Aujourd’hui, il y a une grosse centaine de personnes qui travaillent uniquement sur Tihange 2 et des centaines d’autres qui travaillent conjointement sur les trois unités. C’est vrai qu’il n’y aura aucune perte d’emplois sur base d’un accord national datant de 1962 pour la commission paritaire 326 du gaz et de l’électricité. Ce texte garantit, en cas de fermeture d’un site ou d’une unité, un reclassement dans une des entreprises de la commission paritaire 326. En théorie, le personnel tihangeois d’Engie-Electrabel pourrait donc aller travailler chez Luminus, Lampiris, Ores, Fluxys, Elia… Mais d’une part, nous avons obtenu en 2020 un accord garantissant que les plus de 45 ans (NDLR: environ la moitié des CDI) pourront rester sur le site tihangeois jusqu’à leur pension et, d’autre part, nous avons la garantie que chacun gardera son emploi durant la mise à l’arrêt définitif (M.A.D.) de Tihange 2. Durant cette phase, les agents de conduite, les rondiers, le service maintenance, le service de surveillance du combustible et les services administratifs vont continuer à faire un travail identique à celui d’aujourd’hui.
Et après ?
A.D.: Cette mise à l’arrêt définitif doit durer plus ou moins cinq ans, nous dit-on. Ensuite viendra le démantèlement proprement dit. De combien de personnes la direction aura-t-elle alors besoin ? Va-t-elle faire appel à des sous-traitants étrangers ? Pensez-vous qu’un gars qui possède un diplôme d’études supérieures aura envie de casser du béton avec un marteau-piqueur ? Dans deux ans, c’est Tihange 1 qui va fermer. Et là aussi, il faudra reclasser des travailleurs. Nous avons obtenu qu’il n’y ait aucun licenciement ou aucun reclassement dans une entreprise extérieure tant qu’on ne sait pas exactement comment va se dérouler le démantèlement.
V.F.: Au final, je pense que la direction a une idée bien précise de la manière dont toutes les opérations vont se dérouler, mais elle préfère entretenir le flou. C’est un avis personnel.
Ce flou concerne aussi les sous-traitants, non ?
V.F.: Il faut savoir qu’il y a en permanence plus ou moins 500 personnes externes qui travaillent sur les trois unités. En période de révision, ça pouvait grimper jusqu’à bien plus de 1 000 personnes extérieures.
A.D.: Il ne faut pas tourner autour du pot: on va vivre le même cataclysme social que pour Arcelor-Mittal à Seraing même si, ici, ça va s’échelonner dans le temps.
Votre conclusion ?
A.D.: Ça fait 20 ans que la loi sur la sortie du nucléaire a été votée. Aujourd’hui, on y est, et c’est l’improvisation qui règne.
V.F.: Au risque de me répéter, on attend de la direction qu’elle soit claire avec nous. Concernant le démantèlement, on se pose encore des questions sur le nombre de travailleurs qui seront conservés. Et le démantèlement, c’est demain.