Huy: «Notre planning prévoit la fin du démantèlement de Tihange 2 pour 2035-2040» (vidéo)
Mardi à 23h59, la centrale nucléaire de Tihange 2 sera définitivement déconnectée du réseau après 40 ans de production d’électricité en bord de Meuse hutoise. Le directeur Antoine Assice tiendra à être au côté des équipes pour ce tournant. " Les gars sont marqués. La machine, ils l’ont dans les tripes. "
Publié le 27-01-2023 à 06h00 - Mis à jour le 31-01-2023 à 07h50
Dans l’histoire du site nucléaire de Tihange, le Français Antoine Assice restera le directeur sous l’autorité duquel Tihange 2 aura été mis à l’arrêt le mardi 31 janvier 2023 à 23h59. Entretien.
Antoine Assice, que ferez-vous mardi peu avant minuit ?
Je serai présent en salle de commande de la centrale Tihange 2 à partir de 20h, ainsi que le CEO d’Engie-Electrabel. Car cela restera un moment particulier. Il faut être honnête, c’est émouvant.
Vous avez dû vous dire que vous alliez devoir relever un sacré challenge en prenant la direction du site en mars 2020.
De toute façon, être directeur d’une centrale nucléaire où que ce soit dans le monde est déjà un challenge à lui tout seul. Oui, j’étais effectivement informé que Tihange 2 allait s’arrêter conformément à la loi du 31 janvier 2003 sur la sortie progressive du nucléaire. C’est un challenge d’exploiter deux centrales en toute sûreté et de déclasser la troisième en toute sûreté également.
Quel est le travail du directeur dans la perspective de l’arrêt de Tihange 2 ?
Il faut regarder le travail en trois parties. Il y a une partie technique. Préparer d’abord la mise à l’arrêt, puis après faire l’enclenchement de l’ensemble des opérations de déclassement qui vont durer une bonne vingtaine d’années. Il y a une partie organisationnelle. À savoir mettre en place l’organisation nécessaire avec l’ensemble des équipes pour permettre le déclassement en toute sûreté. Enfin, une autre partie que j’estime extrêmement importante, c’est l’humain. Comment on prépare les équipes devant cette échéance qui est très importante pour elles. Nos gars sont touchés par cette affaire. Ils sont marqués. La machine, ils l’ont dans leurs tripes ! Et ils gardent en tête la sûreté nucléaire en toutes circonstances. On a vraiment à faire à de très bons professionnels qui sont conscients de la situation.
Certains postes deviendront-ils obsolètes, mercredi ?
Il n’y a aucun poste obsolète. Jusqu’à la fin de cette année, j’ai besoin de toutes les équipes de conduite qui pilotent le réacteur pour rester et continuer à surveiller ce qui va se passer. Comme le refroidissement de la piscine puisqu’on y aura mis le combustible, et tout ce qui tourne autour de la ventilation. Les autres vont pouvoir trouver un job à Tihange 1, Tihange 3 ou d’autres services.
Ce n’est pas nécessairement le même métier, la technique n’étant pas la même vu les évolutions technologiques d’une unité à l’autre.
Ces personnes vont avoir une formation qui permet de se recaler sur Tihange 3 et ensuite de passer l’habilitation pour avoir l’autorisation de piloter le réacteur. Là aussi c’est important.
Doel est un peu en avance avec le démantèlement de sa troisième centrale nucléaire entamé le 1er octobre 2022. C’est un laboratoire pour vous ?
Quand on travaille en centrale nucléaire, le premier point, c’est de prendre le retour d’expérience de ce qui se passe partout. J’ai demandé dans toutes les équipes d’avoir chacun des contacts avec son collègue de Doel. Toutes les semaines, je fais le point avec le directeur de Doel. Concernant le déclassement, on a des équipes qui travaillent en permanence ensemble. Doel ayant 6 mois d’avance, on sait où ils ont eu des difficultés. On en tient compte à Tihange pour ne pas refaire les mêmes erreurs. Cela peut être un truc simple comme la coupe d’un tuyau. C’est ce qu’on appelle l’amélioration continue. Des équipes sont aussi allées à la centrale de Fessenheim en Alsace pour récupérer leur expérience pour le nettoyage des circuits.
Les équipes sont prêtes pour mardi ?
Oui parce que cette première phase de mise à l’arrêt, nous la faisons à chaque révision. Entre 16h et 17h, elles vont commencer à baisser le niveau de puissance du réacteur par paliers pour arriver à minuit et l’arrêt de la production d’électricité sur le réseau.
Quelle sera la plus grosse difficulté dans tout le processus de démantèlement ?
Aujourd’hui, je n’ai pas identifié de point particulièrement difficile. Une des difficultés est de tenir notre planning précis pour la première phase. Pour vous donner un ordre d’idée, le démantèlement en lui-même commencera en 2026-2027. On aura besoin d’un permis de l’Agence fédérale de contrôle nucléaire. Tout cela se prépare aujourd’hui.
Quand le démantèlement sera-t-il terminé ?
Cette phase devrait prendre 10 à 15 ans et notre planning prévoit la fin pour 2035-2040.
Quand les Hutois ne verront-ils plus la tour de refroidissement de Tihange 2 ? Va-t-on attendre l’arrêt des 3 unités ?
Première chose. Ils ne verront plus de panache sortir le 1er février. On a engagé des études pour démonter la tour à partir de 2025 tout en respectant l’environnement, la sûreté nucléaire et la sécurité des personnes. On grignote la tour et on la descend ainsi comme on l’a fait aux Awirs, mais ce serait jusqu’au pied cette fois. Le but aussi est de libérer de la place pour le démantèlement de Tihange 1 après sa mise à l’arrêt en octobre 2025. On aura acquis deux ans d’expérience.
Le 3 février, vous marquerez le coup avec le personnel.
Oui, sans que cela soit une fête. Ce sera un hommage pour compléter l’émotion avec des projections sur la tour notamment et en présence d’anciens.