Michel Teheux fêtera son jubilé à Huy: «Je rêvais de devenir architecte d’intérieur»
Michel Teheux va fêter son jubilé le week-end prochain à la collégiale de Huy. L’occasion d’une rencontre avec un curé pas tout à fait comme les autres.
Publié le 22-06-2022 à 06h00 - Mis à jour le 22-06-2022 à 08h53
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C’est une personnalité hutoise qui va célébrer son jubilé. Le 27 juin prochain, il y aura 50 ans que Michel Teheux était ordonné prêtre à l’église Saint-Pierre de Waremme. Homme de foi, passionné, comme il le dit lui-même, "par les relations plurielles à établir entre cultures et spiritualités" , celui qui est aussi président des Fêtes Septennales depuis trente ans, proposera deux moments de partage ce prochain week-end (voir ci-contre). L’occasion était donc belle de le rencontrer. Entretien.
Quand avez-vous pris conscience que vous vouliez devenir prêtre?
Oh, ça ne tombe pas comme ça du ciel (sourire). Issu d’une famille catholique, comme presque tout le monde à l’époque, j’ai quitté Berloz avec ma famille pour venir habiter à Waremme à l’âge de 9 ans. J’étais enfant de chœur, j’ai toujours été dans les jupes des curés, si j’ose dire, et toujours très sensible à la liturgie. Je me souviens que le curé de la paroisse de Saint-Michel à Longchamps me faisait diriger les chants de toute l’assemblée paroissiale à 10 ans. La première fois que j’ai évoqué mon souhait de devenir prêtre, c’est vers l’âge de 14-15 ans. Mon professeur, lui-même prêtre, au collège Saint-Louis à Waremme m’a répondu: “Termine d’abord tes humanités, et puis tu verras si la question reste”. Au fond, toutefois, je rêvais de devenir architecte d’intérieur, au grand dam de mon père qui me voyait ingénieur, ou ingénieur architecte, à la limite. Mais calculer la résistance du béton ne m’intéressait pas du tout, c’est la décoration qui me bottait! À la fin des humanités, la question s’est reposée, et je suis entré au séminaire. D’abord pour les deux premières années, à Saint-Trond, et puis à Liège. Rapidement, on m’a fait comprendre qu’il faudrait faire des études. Mais je ne voulais absolument pas devenir professeur. À l’époque, la moitié du clergé était encore dans l’enseignement. Par ailleurs, je n’ai pas vécu un séminaire “cocooning”. Dans la foulée de mai 68, on était en plein questionnement. Des seize francophones entrés au séminaire à Saint-Trond, nous n’avons été que quatre, tous originaires de Hesbaye, à être ordonnés prêtre. Je voulais alors revenir à la campagne, mais l’évêque m’a demandé de faire des études.
C’est ainsi que vous vous êtes retrouvé à Paris.
Oui, à l’Institut Catholique de Paris.Je devais y rester deux ans, mais au final, j’y suis resté cinq ans, obtenant un doctorat en théologie de la liturgie et des sacrements et un autre en Sciences Sociales des Religions. Ce fut une époque formidable, très enrichissante. Je dis toujours que je suis allé à Paris par obligation, mais aussi que j’en suis revenu par obligation pour être nommé à Saint-Denis à Liège où je suis resté de 1977 à 1984, avant d’arriver ici à Huy, où je suis donc depuis 38 ans.
Vous sentez-vous encore un peu hesbignon?
Disons que je me sens à la fois prêtre des champs et prêtre des villes. J’ai besoin d’avoir une assemblée de fidèles, des racines, Mais je meurs si je ne fais que ça. Certains confrères disent: “Teheux, fais ce qu’il veut, il est toujours en vacances”. C’est vrai, oui, j’organise des pèlerinages (NDLR: depuis 1973, il est allé 158fois en Terre Sainte) , et je suis aumônier sur des croisières. Je sais que je détonne mais je n’ai jamais eu de remise au pas de mon évêque. J’en ai connu quatre jusqu’à présent. Un jour, l’un d’eux m’a dit après avoir vu un de mes spectacles: “J’ai bien aimé le texte, mais tout le reste m’a distrait”. Je lui ai répondu en souriant: “S’il n’y avait pas eu tout le reste, l’église aurait été vide.”
Quelque part, vous fêtez vos noces d’or avec Dieu…
(Rires).Pas avec Dieu, mais avec l’Église. Avec l’ordination presbytérale, vous êtes appelé à “faire marcher la baraque”. Je n’ai pas une vocation personnelle, je suis appelé à un service. C’est très différent d’une vocation monastique. Me soucier de la liturgie, de faire passer le message, c’est mon boulot. Oui, être prêtre, c’est un boulot. Même si je sais que certains tiquent quand je dis ça.
En 1977, 29,4% desBelges affirmaient avoir une pratique dominicale, contre moins de 4,5% un demi-siècle plus tard. Estimez-vous que les prêtres font mal leur boulot, alors?
(Rires) L’Église est une entreprise, et notre génération de prêtres est en train de gérer la faillite de l’Église comme on la concevait il y a 50 ans. Parmi les 14 églises dans l’unité pastorale hutoise, certaines communautés sont en soins palliatifs. Depuis le Covid, nous avons perdu un tiers de pratiquants. Cette situation n’est pas propre à Huy, elle est générale. Certains pratiquants ont pris l’habitude de suivre la messe à la télévision le dimanche matin. L’eucharistie, c’est le rassemblement. Or, celui-ci n’existe pas vraiment lorsque c’est du virtuel.
Quand vous parlez de soins palliatifs, votre comparaison est très dure, non?
Oui, si on compare l’Église à un hôpital, j’ai la charge du service des soins palliatifs, mais j’ai aussi la charge, et le devoir, de développer la maternité ou la chirurgie. Le problème de l’Église, c’est qu’elle investit seulement dans les soins palliatifs. J’ai le devoir de trouver de nouvelles manières de “faire église”.
D’où votre implication dans de multiples projets (expositions, spectacles, etc)?
Oui, c’est exactement ça. Je mène des projets dans des directions totalement différentes, mais ce n’est pas décousu. Ce sont les circonstances de la vie qui font que c’est comme ça.
Vous êtes aussi connu à travers le «Jardin du Curé», c’est-à-dire cette exposition de décoration de Noël que vous organisez dans votre presbytère. À quand remonte la première édition?
Cette idée est arrivée alors qu’il fallait renflouer les caisses de l’ASBL après les Septennales 1991. En moyenne, 1200personnes nous rendent visite chaque année. Le record, ce fut 3000 visiteurs lors du 10eanniversaire pour lequel nous avions aussi pu exposer les jouets du palais royal.
À 74 ans, avez-vous encore des rêves?
J’aimerais que le spectacle des Nocturnales soit joué à Paris (voir ci-contre). Nous avions trouvé un accord pour qu’il soit joué à l’église Saint-Merri. Mais divers problèmes et le Covid ont fait capoter le projet. Paris, c’est en suspens.
Avez-vous peur de la fin, de la mort?
J’ai déjà failli mourir il y a 5 ans. Victime d’un malaise place Saint-Séverin, je suis tombé. On m’a rattrapé avec des électrochocs, et je n’en ai gardé aucune séquelle. La mort, je n’y pense pas. Ce n’est pas la fin qui me pose question, mais bien le comment de la fin. C’est la question de la souffrance, ou de la diminution, surtout intellectuelle, qui m’interpelle. Mon rêve, ce serait de tomber mort en célébrant la veillée pascale.