La vie étudiante bridée de Justin
Fixé sur sa chaise de bureau, derrière son écran, Julien Malherbe est un étudiant de la génération Covid.
Publié le 27-03-2021 à 06h00
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Il y a un peu plus d’un an, le gouvernement Wilmès annonçait le premier confinement. Comment aviez-vous perçu cette nouvelle?
Au départ, on nous avait annoncé un confinement de trois semaines. Donc au début, on était contents, car on considérait ça comme des congés. Et puis, on se rend vite compte que la situation va durer et que c’est tout notre univers qui va être bouleversé. Les trois semaines du début sont devenues des mois et les écrans ont remplacé les professeurs. On se rend alors compte que les cours en distanciel, c’est très compliqué. Nos amis nous manquent, l’ambiance des salles de classe mais aussi les échanges entre nous.
Aujourd’hui, le quotidien d’un étudiant quel est-il?
On se lève le matin, on prend notre PC, on se connecte, on reste 8 heures devant notre écran et puis, on soupe et on va se coucher. Le lendemain, il sera déjà temps de revivre la même journée. Finalement, le plus difficile c’est que notre espace de vie devient notre espace de travail. On ne dissocie plus vie privée et vie estudiantine. Réinventer l’école en 2021, c’est ça. Plus aucun contact social à part par écran interposé. Les professeurs se sont bien adaptés et restent à notre écoute mais ça reste lourd pour nous de suivre les PowerPoint, avec les problèmes informatiques qu’on rencontre parfois. Le plus difficile par rapport à notre situation d’avant, c’est qu’on n’a plus de repères temporels. On n’a plus de rythme scolaire. Au fur et à mesure, on se démotive.
Comment s’organisent les stages pratiques? Tous les étudiants ont pu en trouver un?
On a tous trouvé un lieu de stage mais ça a été plus compliqué pour certains que pour d’autres. Un parcours du combattant. Maintenant on a eu beaucoup de temps pour s’y préparer. Le problème, c’est qu’au départ, l’école nous imposait une expérience professionnelle en présentiel mais c’était clairement impossible. Beaucoup d’entreprises refusaient. Donc finalement on a pu le faire en distanciel. Ça nous permet au moins de sortir un peu de notre routine et de voir d’autres choses.
Depuis plusieurs mois, les étudiants se rassemblent et se regroupent. Quel est votre regard vis-à-vis de ces actions? En tant qu’étudiant à l’ère Covid, quelles sont vos revendications?
Je n’étais pas à la Boverie à Liège mais j’aurais bien voulu y être! Je comprends que certains se rassemblent parce qu’on a besoin de retrouver un peu de vie sociale. Alors oui, des regroupements dans des parcs, pourquoi pas. Après tout ils sont en extérieur par petit groupe et je pense que ce sera à chacun d’en assumer les conséquences et de se responsabiliser. C’est évidemment dur pour tout le monde mais il faudrait lâcher un peu du lest. On a 20 ans et on a la sensation qu’on nous enlève un peu de notre jeunesse. Moi personnellement, je ne me plains pas mais je pense qu’il est temps de prendre en compte nos besoins également. Je pense qu’à certains égards on peut parler de jeunesse ratée pour certains. Quand je repense à l’année de mes 18 ans qui a été sans doute ma plus belle, je ne voudrais pas la revivre en cette période. Je plains ceux qui «fêtent» leur majorité cette année. Me dire que ce que moi j’ai fait à leur âge, ils n’ont plus le droit de le faire, je trouve ça juste horrible et déprimant.
Quel bilan tirez-vous de cette année particulière?
Moins d’apprentissage en distanciel qu’en présentiel. J’ai aussi envie de parler de décrochage car si ça ne me concerne pas, je sais que c’est le cas pour beaucoup. Mais dans les choses plus positives, cette année m’aura aussi permis de me rendre compte que j’étais capable de m’adapter.
Dans 1 an et demi, vous serez sur le marché de l’emploi. Avez-vous des craintes pour votre parcours professionnel en tant «qu’étudiant Covid»?
Oui clairement, c’est ma plus grande crainte. Je pense que c’est une réalité et que certains employeurs ne voudront pas nous engager. Je sais que certains seront attentifs parce qu’ils considèrent que nous aurons eu notre diplôme dans un «Kinder surprise». Or, ce n’est pas vrai. On apprend différemment, car on est sans cesse obligés de s’adapter. Et puis, on aura bien approfondi tout ce qui concerne le numérique et le digital!
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