L’activiste Jérémy emprisonné en Suisse: "Ses notes personnelles volées dans sa cellule par la justice"
Le ministère public de Genève assure que les conditions de détention du jeune activiste environnemental "Jérémy" sont proportionnelles aux faits qui lui sont reprochés.
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- Publié le 03-06-2023 à 07h00
- Mis à jour le 09-06-2023 à 11h38
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Le sort du jeune activiste environnemental, emprisonné en Suisse et que ses défenseurs appellent " Jérémy ", sera fixé le 15 juin, selon une information de nos confrères de la RTS (Radio Télévision Suisse). Entre-temps, la pétition qui tourne depuis deux semaines, lancée par la famille qui espère voir le jeune "Jérémy" libéré, a réuni près de 1 500 signatures. Et ce vendredi, une énième manifestation se tenait dans la capitale suisse. "On va remettre la pétition à la procureur générale de la république à Genève ce samedi", annonce le Donceelois Grégory De Rudder, parrain du jeune qui informe qu’il y a du neuf. "Mon neveu est placé, depuis cinq jours, dans une nouvelle cellule qu’il partage avec un seul autre détenu (NDLR: jusqu’alors, il partageait sa cellule avec cinq autres détenus) . Je pense que la Suisse n’apprécie pas trop qu’on se mêle de ses affaires et qu’on en parle dans la presse étrangère…"
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Toutefois, comme nous en informe le Donceelois, des carnets personnels ont été dérobés à Jérémy par la justice. "C’est une violation de ses droits, dit-il. Ici, clairement, c’est de la torture psychologique." Et selon une note juridique du cabinet d’avocat, qui détaille cet épisode, ce sont des gardiennes de prison qui ont "profité de l’absence de Jérémy pour fouiller sa cellule et s’emparer de ses cahiers, que Jérémy utilisait pour préparer sa défense et où il transcrivait les comptes rendus des entretiens avec ses avocats. Cette mesure, jamais vue à Genève, est grossièrement illégale."
Des notes personnelles qui ont ensuite été transmises à la procureure, qui a ordonné le séquestre sans en informer le jeune détenu. "Ce n’est que lors d’une consultation du dossier pénal que les avocats ont pu comprendre que les cahiers que Jérémy ne trouvait plus étaient aux mains du ministère public", lit-on dans la note.
"Le principe de proportionnalité est respecté"
Concernant les conditions de détention du jeune, le ministère public de Genève, que nous avons contacté, explique tout d’abord que "le tribunal des mesures de contrainte, la Chambre pénale de recours et le tribunal fédéral ont tous retenu qu’aucune mesure n’était susceptible à ce stade de pallier le risque élevé de collusion. Toutes ces autorités ont également retenu qu’en l’état, la détention du prévenu respecte le principe de proportionnalité", réagit ce dernier par la voix de son chargé de relations médias, Olivier Francey.
Et celui-ci ajoute: "Lorsque le prévenu est fortement soupçonné d’avoir commis un crime ou un délit et qu’il existe un risque de fuite, un risque de collusion ou un risque de réitération, le ministère public est compétent pour proposer au tribunal des mesures de contrainte et d’ordonner sa mise en détention. Il appartient ensuite à ce tribunal de le décider. Le tribunal peut prononcer en lieu et place des mesures de substitution. Cette décision du tribunal est ensuite susceptible d’être contestée auprès de l’autorité de recours (NDLR: Chambre pénale de recours de la Cour de Justice) , puis auprès du tribunal fédéral."
"Jérémy" est-il sacrifié pour servir d’exemple ?
Selon la note juridique de l’avocat que nous avons pu nous procurer, les preuves recueillies par les services de police et de la justice genevois l’auraient été de façon illégale. "L’étude du dossier de procédure démontre que la détention de Jérémy est fondée sur un enchaînement de preuves récoltées illégalement, parfois même en cachette, par la police et le ministère public. Ceci en partie à cause du fichage abusif de Jérémy en raison de ses engagements politiques."
Des images de vidéosurveillance d’une entreprise privée, "qui filmait illégalement le domaine public", ont également été utilisées pour convoquer le jeune activiste concernant la réalisation d’un tag sur le mur d’un centre commercial. "Or, il ressort du dossier que le tagueur n’est pas Jérémy, qui se trouvait simplement sur les lieux. Aucun soupçon n’existe donc à son encontre." Mais, comme le dit encore la note juridique, le jeune Belge qui a fait usage de son droit au silence s’est vu, "en représailles de la police, être traité comme prévenu et son ADN prélevée". Il a alors été condamné pour "dommage à la propriété".
Mais ce que précise la note, c’est qu’alors que l’instruction pour le tag a été officiellement clôturée et qu’aucune trace génétique n’a été saisie sur les lieux, "le ministère public ordonne quand même l’établissement du profil ADN de Jérémy et son inscription dans le registre national. Et c’est illégal. Cette décision ne peut s’expliquer que par une volonté du ministère public de disposer de l’ADN des personnes soupçonnées d’infractions à mobile politique, même de très faible gravité."
"Un procureur d’extrême droite pas en charge du dossier"
La décision d’établir l’ADN ne contient d’ailleurs aucune motivation et "a été signée par un procureur membre d’un parti d’extrême droite et qui n’était pas en charge du dossier. Cette ordonnance n’a pas été notifiée à l’avocat de Jérémy et n’a même pas été versée au dossier de la procédure, probablement dans le but de cacher au militant qu’il avait fait l’objet de ce fichage illégal", ajoute encore la note juridique, qui précise que ce n’est qu’après sa récente arrestation, un an plus tard, que cette décision d’établir un profil ADN est apparue pour la première fois au dossier…
Aussi, on peut encore lire qu’à la suite de l’incendie des véhicules dans la carrière de Holcim, "une correspondance est établie entre le profil illégal d’ADN de Jérémy et une trace génétique retrouvée sur les lieux. Il s’agit là du seul élément permettant de soupçonner la présence de l’activiste au moment des faits."
Ce qui interroge également, c’est la connaissance du numéro de téléphone de Jérémy par la police genevoise avant même l’identification de ce dernier. "Or, le contrat d’abonnement a été établi au nom d’un membre de la famille qui ne porte pas le même nom." Un détail qui laisse supposer que le jeune, tout comme d’autres activistes probablement, "a fait l’objet d’une surveillance secrète par la police genevoise". Selon le document encore, c’est "face à la fragilité de son dossier" que le parquet a décidé de dérober les carnets de note de Jérémy dans sa cellule.
D’aucuns sont convaincus que le jeune activiste belge est sacrifié par la justice suisse pour servir d’exemple.