Condroz : ils ont construit leur four à bois artistique pour y cuire leur création en terre glaise
José Strée de Ferrières, Claudine Bodson de Poulseur, et des amis plasticiens ont fabriqué leur four à bois pour y cuire leur création en terre glaise.
Publié le 17-05-2023 à 08h30 - Mis à jour le 17-05-2023 à 08h31
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Quand des passionnés d’art et d’artisanat s’unissent, ça donne des projets porteurs de sens. C’est le cas pour ces sept plasticiens de la province de Liège. Depuis 12 ans, près de Trois-Ponts, ils se réunissent autour de leur four à bois faits maison, une installation rare en Wallonie.
C’est lors des cours du soir de sculpture du Ferrusien José Strée (professeur en arts plastiques à l’institut Saint-Luc, conférencier et artiste) que lui-même et deux de ses élèves adultes, Jacqueline Roumez (de Trois-Ponts) et Claudine Bodson (de Poulseur), s’aperçoivent qu’ils partagent le même rêve: construire un four à bois pour y cuire leur création en terre glaise. Jacqueline propose l’emplacement dans son jardin, à Henri-Moulin (Lierneux) et ils discutent du projet en s’associant avec un autre couple, de Herstal, Marita Braet et Robert Pagura, et Guy Cox, le mari de Claudine. Trois ans plus tard, le four était construit. "Nous nous sommes unis pour financer ce four Boury (à flammes descendantes) de type Sazukenei, explique José Strée. Une dalle en béton a été coulée, sur laquelle le four a été construit au moyen de 3 000 briques réfractaires et comprenant une cheminée de 5 mètres de hauteur. Pour le faire fonctionner de manière optimale, beaucoup de tests ont été nécessaires." Depuis, à la belle saison, ils se réunissent plusieurs fois pour cuire leurs créations: des vases, des bols et des sculptures modelées, crues ou précuites, avec ou sans émaillage. Chaque année, de nouveaux artistes se joignent à eux. À leur connaissance, il n’y aurait qu’une dizaine de fours de cette grandeur en Wallonie.
Lancement des opérations
Comment fonctionne la "machine" ? Cinq stères de bois sont disposés à côté du four pour alimenter la cuisson. Le matin, les artistes préparent le four. Avec un enduit spécial, ils recouvrent les étagères en matériau réfractaire sur lesquelles les pièces seront déposées, pour éviter qu’elles n’y adhèrent en raison des coulées d’émail formées par les cendres de bois à haute température (12 500 degrés). "Nous remplissons alors le four avec les céramiques en laissant un fin couloir au milieu pour pouvoir lancer des bois fins quand la température atteindra 1 000 degrés." Après une journée d’enfournement (de quelque 200 pièces en moyenne), ils ferment la grande ouverture avec des briques réfractaires et allument le feu. "Pendant 5 à 6 heures, nous procédons à un petit feu en bas, dans le cendrier, pour éliminer l’humidité qui subsiste dans les pièces et dans le four. Ensuite, nous introduisons les bois de manière la plus droite possible par une bouche située au-dessus du cendrier." Les flammes sont alors forcées de descendre vers le cendrier, vont tournoyer autour des pièces, déposer un léger film de cendres qui, à 12 000 degrés, vont fondre, et créer une glaçure. "Je laisse mes pièces nues contrairement à mes amis qui appliquent une pose d’émaillage, ou d’engobes sur leurs pièces avant de les enfourner, dans l’espoir d’obtenir des effets de surface. Car tout va fondre, se mélanger et obtenir des glaçures magnifiques", détaille José.
Tout le monde se relaie
Les pièces de José Strée étant plus volumineuses, elles sont placées au fond du four. Plus elles sont éloignées du cendrier, moins la chaleur est forte. De 17 à 24 heures sont requises en chargement quasi continu jusqu’à ce que la température atteigne les 1 250 degrés attendus. Des petits cônes (appelés montres) ont été installés à côté des œuvres. En fondant, ils donnent une indication de température précise. "Tout le monde se relaie pour la cuisson jusqu’au terme. Il faut attendre trois jours pour ouvrir le four. C’est une véritable fête, nous découvrons enfin le résultat."
À côté de José Strée, Jacqueline Roumez renchérit: "L’événement est toujours très festif et convivial. Quand il ne pleut pas, pendant la cuisson, nous dressons une grande table près du four et tout le monde se régale en formule auberge espagnole. Même si c’est très éprouvant physiquement, c’est toujours très gratifiant."