Les serpents de Thibault ne plaisent pas aux voisins
Thibault Piscitello a une passion depuis qu’il est enfant: les reptiles. Une passion qui prend des proportions un peu trop grandes au goût du voisinage…
Publié le 10-03-2017 à 09h43
«Moi, mon idole, ce n'est pas un chanteur, c'est un éleveur de reptiles français, Nicolas Hussard», sourit le jeune homme âgé de 18 ans. Bercé par une famille qui adore les animaux, le Claviérois Thibault Piscitello a plutôt dirigé sa passion vers les reptiles, des bêtes «incomprises» qu'il admire pour leur attitude, leur couleur et leur physique plutôt «préhistorique».
À 11 ans, il a eu son premier «dragon barbu». « Puis je me suis lié d'amitié avec le gérant d'un magasin spécialisé en reptiles à Ciney.» Et depuis lors, petit à petit, serpents et lézards sont devenus ses colocataires. Car oui, toutes ces bêtes vivent dans sa chambre. «C'est plutôt mon lit qui est dans leur chambre», rit le jeune homme. Chaque pan de mur de sa chambre est constitué de terrarium, chaque espèce, chaque reptile ayant le sien, relié à son thermostat propre mis à 30° en moyenne, et tous ont leur propre fiche de maintien.
« Ses reptiles, c'est sa vie, sourit sa maman, Anne Genot. Depuis qu'il est sorti de ses études en soins animaliers l'année passée, il travaille comme asphalteur dans le seul et unique but de payer les soins, l'entretien, tout le matériel pour ses serpents et lézards. » Mais la maman n'est pas inconsciente et tient à le préciser. «Moi aussi j'ai des enfants, la sœur de Thibault a 10 ans. La première condition quand Thibault a commencé à s'y intéresser, c'était évidemment que toutes ces bêtes sont inoffensives. Je ne le laisserai pas faire n'importe quoi, quoi que mes voisins en pensent. »
Un permis pour être «en ordre»
Et puisque la passion de Thibault s'étendait et que le jeune homme avait quand même eu des cours de législation lors de sa formation, il a fallu se poser la question d'un permis à demander à la Commune, obligatoire à partir du moment où on détient ou veut détenir un certain nombre de reptiles et certaines espèces en particulier. Thibault a donc fait la demande à la Commune de Clavier et une enquête publique a été lancée… tout comme une pétition dans le voisinage contre les animaux de Thibault. «Cela fait dix ans que j'habite à Clavier, à Bois-et-Borsu exactement. Je n'avais jamais eu de problème de voisinage jusque-là. Mais du jour au lendemain, ça a dégénéré», s'attriste la maman de Thibault.
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Thibault et sa maman savent que c'est de la peur. «Une voisine est venue nous trouver, c'est la seule. Elle nous a dit qu'elle avait peur et nous a demandé pour comprendre et voir ce qu'il en était. Elle n'a pas signé la pétition.» Car non, il n'y a pas eu de serpents qui se sont échappés, non il n'y a pas de risque que ça arrive, non il n'y a pas d'élevage de rats en parallèle pour nourrir des serpents gigantesques. «Ce sont des craintes infondées.»
Alors suite à l'avis défavorable de la Commune, la famille de Thibault a introduit un recours chez le ministre Di Antonio pour avoir gain de cause. «J'aimerais que quelqu'un qui s'y connaît vraiment vienne voir mes installations», déclare le jeune homme, sûr de lui. Son matériel, c'est du matériel de professionnel. Il y a des fermetures sur tous les terrariums et sa chambre est fermée avec un cadenas. «Ce ne sont pas des bêtes que l'on promène, elles aiment qu'on les laisse tranquilles. Je les sors et les mets dans des boîtes quand je nettoie le terrarium. Les serpents, je les nourris avec des rats ou des souris congelés que je vais chercher à la pièce au magasin une fois par semaine. Les lézards, ça mange de la salade. Je pourrais même les embêter – et il joint le geste à la parole en poussant sans vergogne le serpent qu'il avait à ses côtés – ils ne feront rien.»
Le ministre a dit qu’il se prononcerait dans les vingt jours sur le sort des animaux de Thibault. Celui-ci espère réussir à le convaincre avec son professionnalisme. Car s’en séparer serait un véritablement déchirement pour l’adolescent qui a déjà dépensé plus de 10 000€ pour eux.

«Nous n’avions pas assez de réponses»
Lorsque Thibault s’est présenté à l’administration communale pour demander un permis d’environnement il y a environ deux ans, la Commune a dû se prononcer après l’enquête publique qui avait été lancée.
« Suite à l’enquête publique, une pétition a tourné dans le village de Bois-et-Borsu et plus de cent signatures ont été récoltées », explique Philippe Dubois, le bourgmestre de Clavier.
Lors du permis, le jeune homme demandait la permission de posséder une quarantaine de reptiles dont il avait listé les espèces… Certaines espèces qui, par leur nom – python, caïman – avaient de quoi effrayer les non-initiés. «Ce qui posait problème aux riverains et à la commune, c'était l'absence de réponse à des questions cruciales comme: que mangent ces animaux? Où vont les déjections? Que se passe-t-il s'ils s'échappent? Le but est-il d'en faire du commerce?», continue le bourgmestre. L'avis rendu était donc défavorable et le jeune homme est parti en recours chez le ministre Di Antonio avec ces fameuses réponses. «Non, je ne vends pas mes animaux. C'est un plaisir personnel de pouvoir observer et soigner ces reptiles en milieu captif. La sécurité de détention est optimale, et si je tenais à m'absenter, plusieurs personnes sont aptes à s'en occuper. Je suis tout à fait disponible pour un contrôle…», répète le jeune homme, sûr de son coup.
Lors du conseil communal de mardi, l'opposition a tenu à savoir où en était la décision du ministre. «S'il ne se prononce pas, ce sera l'avis de la Commune qui prévaut. Dans ce cas, il faudra faire appel à des policiers spécialisés pour évacuer les reptiles en cas de besoin… », déclare le bourgmestre.
Son rêve? Travailler là-dedans
Évidemment, le rêve de Thibault est de travailler dans le milieu des reptiles. «J’aimerais ouvrir une ASBL pour soigner les reptiles qui sont mal soignés dans des familles qui ne savent pas s’en occuper, des bêtes qu’on trouve même sur internet à donner parce qu’on ne sait qu’en faire.»
Ce qui tient vraiment à cœur au jeune homme, c’est de réussir à ce que les gens qui craignent les reptiles, qui ont de faux préjugés sur eux, les comprennent un peu mieux. «Les gens ont peur de l’inconnu. Ils pensent que les reptiles sont tous dangereux et agressifs. Plus tard, j’aimerais informer les gens sur le monde des reptiles, rétablir la vérité sur ces animaux.»
Ce qui serait encore mieux, ce serait évidemment de travailler dans un parc animalier spécialisé dans les reptiles et former les gens sur tout ce qu’il sait à leur sujet, des choses qu’il a apprises tout seul. Mais en attendant, Thibault continue à travailler dur dans le bâtiment afin de continuer à financer sa passion, bien conscient qu’il a encore la chance de vivre chez ses parents, des parents compréhensifs qui le soutiennent dans sa passion envers et contre tout.
Son préféré? Le voici: un superbe iguane vert:
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