Transhesbignonne: des réseaux de prostitution guettent les réfugiés, femmes et hommes
Certains réseaux de prostitution se nourrissent de la faiblesse des réfugiés. Et le couloir migratoire hesbignon ne fait pas exception. Les femmes et les hommes y sont exposés à des promesses jamais tenues.
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- Publié le 31-01-2022 à 07h00
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Des mafias en tout genre rôdent comme des vautours près des communautés en transit. Et le couloir migratoire hesbignon n’est pas épargné par cette réalité. En plus des réseaux de passeurs qui, moyennant paiement, permettent aux transmigrants de poursuivre leur voyage, on retrouve tout un microcosme mafieux faisant ses choux gras de la faiblesse des réfugiés.
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Depuis plusieurs années, le diocèse de Liège envoie sur le terrain de la transmigration des personnes en vue d’apporter aux transmigrants une assistance médicale via des maraudes. Aujourd’hui, celles qu’on appelle les "hospitalières" forment tout un maillon humanitaire et travaillent notamment avec la Plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés.
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"Les réseaux de prostitution tournent là où il y a des réfugiés. Ils recherchent les plus belles femmes et les plus beaux garçons", à qui ils promettent monts et merveilles, nous informe l'une de ces hospitalières, qui a souhaité garder l'anonymat. "On les voit, dans des camionnettes le plus souvent immatriculées en Allemagne ou aux Pays-Bas, qu'ils tournent. On voit ça en Hesbaye mais aussi un peu partout, même en France. Et partout leurs procédés sont les mêmes et très bien rodés."
«Payées une misère pour des shootings»
Une fois approchées, les personnes en transit "se voient promettre une aide, des papiers, un contrat de travail, une vie meilleure… Vu leur situation, les transmigrants ne sont pas en position de refuser. Mais toutes ces promesses n'arrivent jamais, bien évidemment", ajoute la bénévole, qui précise que ces réseaux de prostitution leur proposent de réaliser des shootings pour les lancer dans le mannequinat.
Elles deviennent alors des objets.
"Ceci via des agences de mannequins dont on ne sait pas vraiment d’où elles sortent. Une migrante qui est entrée dans un de ces réseaux nous a expliqué avoir été emmenée avec d’autres femmes dans un hôtel à Liège. Pour un shooting photo. Elles ont été placées en rang d’oignon pour être lavées, coiffées, maquillées, habillées… Et elles sont payées une misère, 300€, pour réaliser ces shootings dont les photos sont ensuite vendues à des magazines de mode. Elles deviennent alors des objets."
«Nous les ramassons à la petite cuillère»
Ensuite, de fil en aiguille, ces femmes atterrissent dans les filets de la prostitution de luxe. "Elles ne comprennent pas très bien comment cela arrive. En général, ça se fait de façon insidieuse: on leur dit qu'on ne peut plus les aider et on les redirige vers d'autres réseaux."
Elles reviennent à la case départ, sur la route migratoire.
Et ce n'est qu'après avoir été bien exploitées qu'elles se rendent compte s'être fait berner. "Là, elles déchantent quand elles comprennent s'être fait avoir et reviennent à la case départ, sur la route migratoire. C'est à ce moment que nous les ramassons à la petite cuillère, dans un état déplorable", autant physiquement que psychologiquement. "Elles se sentent trahies, salies…"
«Les hommes eux aussi approchés»
Les hommes en transit sont eux aussi alpagués par certains réseaux de prostitution, "mais plus discrètement. On sait moins de choses à ce sujet. Peut-être est-ce parce qu'il s'agit ici de réseaux de prostitutions gays et que c'est plus tabou? On ne sait pas. Mais on a le sentiment que c'est plus caché. Ce ne sont pas exactement les mêmes réseaux que ceux qui sollicitent les femmes, informe notre contact. Mais qu'elles soient liées à la prostitution, à la drogue ou au trafic d'êtres humains, les mafias s'entraident".
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Les enfants et adolescents, eux, cumulent les difficultés
Non, ils ne sont en général pas exposés comme les adultes aux différents réseaux qui rôdent sur la transhesbignonne, parce que souvent pris en charge. Mais les enfants et les ados rencontrent eux aussi bien des difficultés sur les chemins de la migration. "Est-ce qu'ils vivent plus difficilement le voyage? Je suis mal à l'aise de ramener cela à l'âge car ça dépend des caractères, lance la coordinatrice de la Plateforme citoyenne, Sophie Godefroid. Mais il est clair qu'en plus des difficultés habituelles aussi rencontrées par les adultes, ils en ont qui sont propres à leurs besoins d'enfants ou d'adolescents."
Et les plus jeunes trichent en général sur leur âge. "On ne sait pas vraiment quantifier le nombre de mineurs présents sur la route migratoire, car on ne leur demande jamais leur carte d'identité. Mais on voit bien que certains semblent très jeunes, même s'ils disent avoir 18 ans."
Ils craignent d’être emmenés en centre...
Pourquoi mentent-ils sur leur âge? Car si l'État sait qu'ils sont mineurs, il les considérera comme des MENA (Mineurs étrangers non accompagnés), "et ils seront emmenés en centre. Et ça, ça ne colle pas avec leurs réalités de vie et leur souhait", qui est avant tout de gagner l'Angleterre.