Meurtre de Jessika Oliveira De Melo: "Il a choisi de suivre un processus morbide"
Pour l’avocat général Christine Pevée, Steven Di Salvo a bien assassiné son ex-compagne et mère de ses enfants le 22 juin 2020 à Berloz.
- Publié le 20-03-2023 à 14h40
- Mis à jour le 20-03-2023 à 14h41
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Steven Di Salvo a-t-il tué son ex-compagne Jessika Oliveira De Melo ? A-t-il commis un meurtre avec préméditation ? Voilà les deux questions auxquelles devront répondre les jurés ce mardi.
"La question numéro 1 est déjà tranchée puisqu’il est en aveu, introduit l’avocat général, Christine Pevée, lors de son réquisitoire devant la cour d’assises de Liège. Le meurtre est acquis et il n’y a pas de discussion sur ce point. Quant à la préméditation, elle est établie. Je n’ai pas changé d’avis. Je pense qu’il a tué de façon volontaire la mère de leurs quatre enfants. Quand on porte 49 coups de couteau, il est difficile de dire qu’on n’avait pas l’intention de tuer."
Pour le ministère public, il n’y a pas l’ombre d’un doute, le jury doit retenir l’accusation d’assassinat comme circonstance aggravante. "Ma thèse est qu’il la tue parce qu’il ne voulait pas imaginer sa vie sans Jessika. Il a dit mille fois qu’il préférait mourir plutôt que de vivre sans elle. Son frère a d’ailleurs vécu 15 jours chez lui parce que sa famille craignait qu’il ne se suicide. En attendant, il est là devant nous, bien vivant. Et elle, elle n’est plus là. C’est quelqu’un qui est déterminé et qui a choisi de suivre un processus morbide. On n’est pas face à quelqu’un qui a perdu les pédales. Ce n’est pas un crime passionnel mais un acte réfléchi", étaye Christine Pevée avant d’interpeller les jurés sur la violence des faits.
"Je voudrais attirer votre attention sur la détermination de Monsieur Di Salvo. On est face à quelqu’un qui donne 49 coups avec deux couteaux car le premier s’est cassé. Imaginez la souffrance de cette dame. On a un étranglement qui a duré entre 10 et 15 minutes. J’espère vraiment qu’elle est rapidement tombée inconsciente. On n’est pas non plus face à quelqu’un qui s’est rendu compte de ce qu’il venait de se passer et qui essaye de sauver la mère de ses enfants et celle qu’il aime plus que tout. Lorsqu’il donne les premiers coups, il pensait qu’elle était morte. Il va dans la salle de bains se laver les mains et entend du bruit. Il retourne alors dans la cuisine pour prendre un deuxième couteau et l’achever parce qu’il voulait qu’elle se taise."
"C’est toujours les autres"
Tout comme les avocats des parties civiles, l’avocat général relève que Steven Di Salvo est une personne "fragile de type borderline" mais aussi narcissique.
"Il vous dit des choses la main sur le cœur qui sont fausses. Il est incapable d’admettre qu’il est responsable de certaines situations qui dégénèrent. Dans son discours, tout allait bien dans le couple et il n’a pas compris que ça se termine. Il remet la faute sur le confinement et sur son ami qui avait des sentiments pour Jessika Oliveira De Melo. La dynamique est la même pour expliquer qu’il ne cherche pas de travail ou qu’il se lève tard. Peu importent les circonstances, ce n’est jamais lui le problème, c’est toujours les autres."
Christine Pevée pointe également du doigt sa personnalité jalouse, possessive et colérique, illustrant ses propos par le sms que Steven Di Salvo avait envoyé deux jours avant le meurtre à Jessika Oliveira De Melo.
Dans ce message, il espérait qu’elle trouve quelqu’un qui la "fracasse et lui mette sur la gueule". Enfin, toujours concernant la personnalité de l’accusé, le ministère public note qu’il "ne supporte pas de ne pas avoir le contrôle. Il n’imagine pas qu’elle soit sereine et heureuse sans lui alors que lui est si malheureux."
"La scène ne s’est pas déroulée comme il le dit"
Si l’accusé a reconnu avoir tué Jessika Oliveira De Melo, on est encore bien loin de la réalité pour l’avocate générale.
"Il reconnaît beaucoup et peu à la fois. Il avoue qu’il l’a tuée mais à chaque fois qu’on lui pose des questions précises, on n’a pas de réponses et on est dans le flou artistique. Il n’explique pas les choses fondamentales. Ça ne l’arrange pas d’expliquer parce que ça ne collera plus à ce qu’il a déjà dit. La scène ne s’est pas déroulée comme il le dit."
La raison principale qui pourrait le justifier ? "Le timing est impossible, reprend Christine Pevée. Il lui dit, la veille des faits, que la discussion va prendre du temps parce que le couple devait se mettre d’accord sur un certain nombre de choses comme la garde des enfants et les dettes. Et en 20 minutes, ils seraient d’accord sur tout ? C’est un intervalle de temps qui est ridicule et qui n’est pas corroboré par les faits, les différents éléments de l’enquête et les témoignages. Il passe ensuite le premier coup de téléphone à sa maman et il est resté en ligne avec elle plus longtemps que ce qu’il n’est resté chez lui. Les choses ne se sont pas déroulées comme il veut bien le dire."
En attendant, les jurés devront trancher sur les questions sans avoir toutes les réponses.
"On n’a aucune information concernant le couteau qui était disposé sur la table. Si on en croit sa version, c’est Madame Oliveira De Melo qui lui fournit l’arme du crime. C’est elle qui vient avec ce couteau parce qu’elle fait des sacs-poubelles. Je ne peux pas imaginer qu’elle l’ait amené avec elle. Ça n’existe pas ça. Je pense qu’elle n’aurait jamais pris le risque d’amener ce couteau sur la table alors qu’elle avait peur de lui et de ses réactions. On n’a pas non plus d’explications par rapport aux blessures ou aux lésions de saisies. Il a dû la retenir et elle a dû se défendre. Pas un mot sur ça. Elle a dû résister, crier, dire des choses. Il ne parle de rien. Elle a des lésions dans le dos mais il n’en parle pas non plus. Il y a sans doute eu un corps à corps et les faits ont été posés dans une autre dynamique que ce qu’il a décrit. C’est très dur d’entendre qu’il se souvient seulement de 4 coups de couteau mais pas des 45 autres et de toutes les autres lésions."
Et pour l’hypothèse du départ au Brésil, là aussi la question est tranchée pour Christine Pevée.
"Personne n’y croit. Je n’ai entendu personne dire qu’il y avait un doute. La première qui dit qu’elle n’y croit pas c’est sa maman. Tous ont dit que sa vie était en Belgique, qu’elle avait commencé à chercher du travail et un appartement. Et lui-même n’est pas constant par rapport à ça. Il ne précise rien."
Enfin, l’avocat général a pointé une phrase que la maman de l’accusé a confié au téléphone aux services de secours à 14 h 20. "Dans l’enregistrement, on entend que la maman est calme et posée à ce moment-là. Elle pensait surtout à sa belle-fille. Elle a dit aux secours que son fils lui avait confié que c’était la seule occasion car il ne saurait pas vivre sans elle."