La maman de la victime: "Une partie à l’intérieur de moi est déchirée à jamais"
Le procès de Steven Di Salvo se poursuit devant la cour d’assises de Liège où les proches de la victime viennent de livrer les premiers témoignages.
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Publié le 15-03-2023 à 12h52 - Mis à jour le 15-03-2023 à 12h53
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"Jessika était une femme pleine de vie et qui avait beaucoup de rêves. Elle était douce. J’adorais l’entendre rire chez moi", s’est exprimée la maman de la victime devant la cour d’assises de Liège. Le 22 juin 2020, Steven Di Salvo avait tué sa compagne, Jessika Oliveira De Melo, parce qu’il n’avait pas supporté la séparation.
La voix franche, les idées claires, la Wavrienne de 48 ans a dressé le portrait de sa fille. "Je me suis mariée à 17 ans au Brésil et j’ai accouché de Jessika lorsque j’avais 19 ans. Son papa nous a quittées lorsqu’elle avait trois mois et j’ai pris mon courage à deux mains pour élever seule ma fille. Nous sommes venues vivre en Belgique lorsqu’elle était en 5e primaire avec son demi-frère, deux ans plus jeune qu’elle."
Steven Di Salvo et Jessika Oliveira De Melo se rencontrent en 2009 au centre médical pour adolescents Clairs Vallons. Ils se perdent de vue mais reprennent contact en 2013 et débutent leur relation le 1er janvier 2014. "Il était sa première relation. Elle venait de terminer sa rhéto en esthétique mais Steven s’était opposé à une 7e année, confie la maman de la victime. Il disait que ce n’était pas nécessaire. Pour lui, une femme devait rester à la maison et s’occuper des enfants. Elle était amoureuse et je ne savais pas quoi lui dire."
Rapidement, le couple voit naître son premier enfant en 2015. "Quand elle m’a dit qu’elle était enceinte, j’étais choquée. Elle avait arrêté ses études et lui ne voulait pas travailler car il disait qu’il gagnait mieux sa vie en restant au chômage. Ils n’avaient pas de situation stable, je trouvais qu’ils faisaient les choses à l’envers. Dans ma culture, on n’accepte pas l’avortement alors j’ai dit à Steven qu’il allait devenir mon fils mais qu’il devait travailler pour assurer l’avenir de cet enfant, ajoute-t-elle avant de s’adoucir en repensant à sa fille. Elle était magnifique quand elle était enceinte."
10 000 € de dettes
Pour la Wavrienne, les deux jeunes parents évoluent dans un univers mêlé d’instabilité et de violence. "Ils vivaient dans une maison qui n’était pas habitable. Il n’y avait pas de chauffage à l’étage et n’avait pas de sous pour payer le mazout. Il faisait très froid. Je priais pour qu’elle se sépare de lui. Un jour, j’étais chez eux pour passer la nuit avec les enfants. Je l’ai entendu péter un câble sur Jessika et l’insulter. Il s’est tourné vers moi en me disant “J’ai envie de foutre mon poing sur sa gueule”. Je suis intervenue pour le calmer. Je n’ai pas mis une fille au monde pour que quelqu’un la frappe."
Le couple se disputait au sujet de l’argent. D’après la maman de Jessika Oliveira De Melo, le montant des dettes s’élevait à 10 000 €. Un sujet qui avait poussé sa fille à mettre un terme à leur relation. "Au mois de mai 2020, elle m’avait dit qu’elle avait compris qu’il ne changerait pas et qu’elle pensait se séparer. Être face à la réalité de sa vie l’attristait. Lui ne faisait que jouer aux jeux vidéo."
"Elle ne voulait pas vivre au Brésil"
La maman s’est ensuite replongée dans ses souvenirs du 22 juin 2020. Ce jour-là, elle a vu sa fille pour la dernière fois. "Steven est venu la chercher le lundi vers 9 h. J’avais un mauvais pressentiment. Je voulais partir avec elle et l’accompagner. Elle m’a dit que non, qu’ils devaient régler leur séparation et que c’était la dernière fois qu’elle devait se rendre dans cette maison." Dans la voix de la Wavrienne, la colère se ressent au même titre que l’incompréhension. Sans effusion de larmes ou de sanglots, elle raconte ensuite l’arrivée de la police pour lui annoncer le décès de sa fille. "Une mère sent quand il arrive quelque chose à un de ses enfants. J’avais pressenti quelque chose. Quand j’ai vu la voiture de la police, je pensais que c’était l’agent de quartier pour la domiciliation de Jessika. La policière est entrée et elle m’a dit qu’elle devait me dire quelque chose de grave. Je pensais qu’ils avaient eu un accident. J’étais dans le déni. Elle m’a alors annoncé que ma fille avait été tuée par son compagnon."
Depuis le jour des faits, Steven Di Salvo justifie son accès de colère par la volonté de Jessika Oliveira De Melo de partir vivre au Brésil, son pays de naissance. Une version démentie par la mère de la victime. "Elle n’a jamais parlé de s’installer au Brésil avec les enfants. Ni à cette époque, ni au moment de leur séparation, ni le jour du drame, assure-t-elle. Nous y étions allées pendant un mois avant qu’elle n’accouche du deuxième enfant mais elle m’avait assuré ne pas vouloir y vivre."
"On regarde les étoiles dans le ciel en disant que c’est maman"
Et aujourd’hui ? Aujourd’hui, il y a tout à (re)construire. "Je sens l’odeur de ma fille sur les vêtements qu’elle a laissés le matin des faits. Une partie à l’intérieur de moi est déchirée à jamais mais je veux rester forte pour mes petits-enfants. Je leur donne tout mon amour. Je veux être là le plus longtemps possible pour eux et leur montrer le droit chemin. On regarde les étoiles dans le ciel en disant que c’est maman. Je suis la grand-mère mais je dois être la mère, le père, la psychologue de ces quatre enfants."
Aujourd’hui, les quatre enfants, âgés entre 5 et 7 ans, n’ont pas revu leur père. Certains ont envoyé un courrier ou un dessin en prison mais les rapports restent très limités. Ils ont d’ailleurs tous émis l’envie de changer leur nom de famille. "L’aîné avec qui Steven était le plus proche dit parfois qu’il lui manque. Parfois il le déteste, parfois il dit qu’il veut le tuer mais je recadre tout de suite en lui disant que ce n’est pas la solution. Il dit aussi qu’il veut un jour le voir et lui demander, droit dans les yeux, pourquoi il a tué sa maman."
Après plus d’une heure de témoignage, la maman de Jessika tente de terminer par une note positive, comme si elle s’y sentait obligée pour la garder en mémoire. "Au moins j’ai vu ma fille heureuse la dernière semaine de sa vie. Elle voulait reprendre ses études et ouvrir son institut. Elle avait perdu du poids et avait repris soin d’elle. Ça m’a fait tellement plaisir de la voir vivante, jolie et sereine."