Amay: une opération de haut vol pour protéger les oiseaux des lignes haute tension (vidéo)
Durant une semaine, des techniciens de haut vol ont placé des balises avifaunes sur la ligne haute tension Les Awirs-Ampsin. Un dispositif pour éviter les collisions d’oiseaux.
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Publié le 17-05-2023 à 12h10 - Mis à jour le 18-05-2023 à 15h01
Solidement harnachés dans la nacelle suspendue à une trentaine de mètres de haut au-dessus du plan d’eau voisin du camp militaire d’Amay, les deux techniciens de maintenance s’affairent pour placer les balises avifaunes sur le câble haute tension. Quarante mètres au-dessus d’eux, l’hélicoptère leur permet d’avancer progressivement le long de cette ligne de 70 000 volts qui relie Les Awirs à Ampsin. Une rouge puis une blanche, une balise sera ainsi fixée tous les 20 mètres.
C’est depuis lundi dernier que, pour le compte d’Elia, gestionnaire du réseau haute tension en Belgique, la société Airtélis procède à ce travail qui, en une semaine, aura permis d’installer entre 3 et 4 kilomètres de ce balisage. Un dispositif qui permet de réduire les risques de collisions d’oiseaux avec les câbles (voir ci-dessous).
"Nous travaillons avec Natagora et Natuurpunt afin d’identifier les zones les plus à risque pour les oiseaux et c’est là que nous installons un tel balisage", indique Jean Fassiaux, porte-parole d’Elia. Depuis 2011, 140 kilomètres de balisage ont déjà été installés sur les 200 kilomètres prévus pour 2030 au plus tard.
Pour périlleux que puisse paraître ce travail, c’est sans danger assure Christopher Djezza. "Sinon, on ne le ferait pas", rigolait le technicien d’Airtelis juste avant le décollage effectué aux abords du lac de la Gravière d’Amay. "En fait, tous les risques sont maîtrisés, dit le technicien." Grâce à des combinaisons conductrices (qui fonctionnent selon le principe de la cage de Faraday), les techniciens peuvent même travailler sur une ligne qui reste sous tension. "On le fait en France mais les procédures ne le permettent pas encore en Belgique, explique Bruno Baronian, responsable commercial Europe pour Airtélis. Mais nous allons faire prochainement des essais pour que ce soit possible aussi en Belgique."
Ce qui faciliterait ce type de travail, confirme Jean Fassiaux: "Car ici, nous avons dû couper l’alimentation de la ligne et trouver d’autres solutions d’approvisionnement en électricité."
En ce milieu de semaine, les techniciens de haut vol ont achevé le balisage du dernier tronçon de ligne qui surplombe la Meuse en direction de Tihange. La semaine prochaine, ils poursuivront leur travail du côté d’Anvers où ils doivent cette fois installer du balisage aéronautique (de grosses boules qui permettent d’éviter les collisions avec avions et autres appareils) sur 30 kilomètres de ligne haute tension.
Amay : Une opération de haut vol pour protéger les oiseaux des lignes haute tension
Une réduction importante des collisions mortelles
Placées tous les 20 mètres sur chacun des trois câbles de la ligne haute tension, ces balises avifaunes sont de grosses torsades en plastique, rouges ou blanches placées en alternance, qui s’enroulent sur le câble. Elles permettent aux oiseaux de repérer visuellement les câbles et ainsi d’éviter une collision mortelle. Sous l’effet du vent, ces balises entre également en vibration, ce qui permet aussi aux oiseaux de détecter le danger et de changer de trajectoire de vol.
Elia travaille en collaboration avec les associations environnementales Natagora et Natuurpunt afin d’identifier les zones les plus à risques. Il s’agit des couloirs de migration, mais également des zones proches de réserves naturelles. C’est d’ailleurs le cas à Amay avec la zone balisée cette semaine puisque le lac de la Gravière est un important site de nidification, notamment pour de nombreuses espèces migratrices. Un monitoring effectué par Natagora/Natuurpunt a permis d’identifier les espèces les plus sensibles aux collisions: oies, hérons, cormorans, pics, limicoles (de petits échassiers type bécasses, vanneaux, pluviers,…).
Jusqu’à 500000 oiseaux tués mais c’est moins que par les chats….
Il y a en Belgique 5000 kilomètres de lignes haute tension. « C’est une évaluation difficile, mais on estime entre 100000 et 500000 le nombre d’oiseaux tués par collision sur ces lignes », dit Jean-Yves Paquet, ornithologue et directeur service étude Natagora. Si le nombre est énorme, il faut toutefois le relativiser, dit-il. « Le nombre d’oiseaux tués par les chats est bien plus important. » En outre, la mortalité causée par ces lignes est moins problématiques quand elle touche des espèces abondantes. En Flandre par exemple, les mouettes en sont souvent victimes. « A Oudenaarde, avant qu’on installe ce type de balisage, les gens voyaient tomber des mouettes tous les jours dan leur jardin… » Dommageable évidemment, mais moins grave que lorsqu’il s’agit de courlis cendré, une espèce plus rare et qui est parfois victime de ces lignes en Wallonie.
En Belgique, 30 000 carrés d’un kilomètre de côté ont été identifiés comme étant à risque et sont ou seront équipés de balises avifaunes. Selon Elia, ce dispositif permettrait d’éviter entre 75 et 95% des collisions. En 2018, des bénévoles de Natuurpunt avaient effectué 11 recensements sous la ligne à haute tension de Noordschote, en Flandre occidentale, à la recherche d’oiseaux qui l’auraient percutée. Il n’y avait à l’époque pas encore de balisage. Les bénévoles avaient alors découvert 113 oiseaux morts. Le même exercice a eu lieu après le balisage de la ligne en 2021. Résultat: Natuurpunt n’a découvert que 6 oiseaux morts.