Le Modavien Antonio Cimino façonne le cristal depuis 43 ans
Antonio Cimino est maître verrier aux cristalleries du Val Saint-Lambert depuis 1979. À 59 ans, il forme son successeur.
Publié le 10-03-2023 à 06h00
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"C e sont des granulés composés de sable blanc, silice, potasse, soude, fondants, plomb, mais aussi d’antimoine et d’autres composants qu’on ne peut pas divulguer. On dirait des Kellog’s", sourit Antonio Cimino, en nous montrant la matière première qu’il manipule depuis 43 ans.
À 59 ans, ce Modavien – il habite à Strée depuis 26 ans – est avec Jean-Michel Osowicki (Amay), un des deux derniers maîtres verriers des cristalleries du Val-Saint-Lambert à Seraing. "J’ai commencé à travailler le cristal à l’âge de 16 ans, se souvient-il. Les cristalleries employaient à l’époque quelque 180 personnes. Nous sommes encore aujourd’hui une quinzaine. En 1979, l’école ne m’intéressait plus, et j’ai tout de suite été fasciné en voyant cette matière en fusion. Je ne m’imaginais pas qu’on puisse la travailler. Je me souviens encore de mon premier jour: on m’a donné une fourche, et j’ai dû mettre des pièces dans un four à 430 degrés."
Depuis, ce sont des milliers de pièces qu’Antonio Cimino a façonnés, selon un procédé qui reste immuable. "Il s’agit d’abord de chauffer une canne (NDLR: l’ustensile avec lequel on tourne le verre) choisie en fonction de la pièce à réaliser. Si on opte pour une pièce colorée, il faut préchauffer un morceau de couleur. Par exemple, pour obtenir du rose, on rajoute de l’or. Ensuite, on va chercher le cristal dans le four chauffé à 1250 degrés pour des pièces fines, ou 1 100 degrés pour des grosses pièces de prestige. Commence alors la phase de tournage pour arrondir la boule de cristal suivie de celle durant laquelle on souffle dedans pour la creuser."
Antonio repasse ensuite la future pièce dans le four pour la réchauffer et la rendre plus malléable. "L’utilisation d’une mouillette, c’est-à-dire du papier journal plié et humidifié, permet de façonner le cristal selon la forme voulue. Une fois cette étape franchie, on détache la pièce de la canne et on la place dans un four à 430 degrés durant 12 heures."
Le four est ensuite éteint, et la pièce va progressivement descendre en température jusqu’à atteindre la température ambiante. "Si ça refroidit trop vite, ça éclate", précise Antonio qui maîtrise la technique sur le bout des doigts. "La seule fois où je me suis brûlé, c’est en cuisinant des champignons chez moi", sourit-il.
Du vase empire au Vélo de cristal d’Evenepoel
Aujourd’hui, le souffleur modavien, qui façonne une vingtaine de pièces par jour, réalise notamment des objets destinés à séduire une clientèle plus jeune. Comme des photophores ou des luminaires très colorés. Il crée aussi des objets décernés comme trophées lors de différents concours. Ce fut le cas avec les trophées Matière grise de vulgarisation scientifique décernés dans l’émission de la RTBF. Ou encore avec le Vélo de cristal remis à Remco Evenepoel. Mais la création dont Antonio est le plus fier, c’est le vase empire d’une valeur de plus de 30 000 €. "C’est une pièce qui a nécessité plus de 30 kg de verre. Il fallait trois personnes pour la porter."
Dans quelques années, Antonio Cimino rangera définitivement sa canne. Mais avant de mettre un terme à sa très longue carrière, il veut transmettre le flambeau.
"Depuis 8 mois, je forme Martin, notre jeune apprenti (23 ans). Je suis très motivé à l’idée de lui transmettre le savoir afin qu’il perpétue une tradition née ici au Val-Saint-Lambert en 1826. Par le passé, les maîtres verriers gardaient leurs secrets. Ils partaient même à la pension avec leurs outils. La transmission de savoir n’était pas évidente. J’ai dû chercher par moi-même. C’est aussi un métier très dur physiquement."
Tout en prodiguant des conseils à son jeune apprenti aqualien, le Modavien conclut: "Il y a très longtemps, un vieux souffleur m’a dit: “Le verre, c’est comme une femme, tu dois être doux avec lui, tu dois pouvoir le caresser.” C’est tellement vrai."