À la rencontre d’Alexis et Alexandre, réfugiés ukrainiens à Faimes
Un an après le début de la guerre en Ukraine, Alexis et Alexandre prennent leurs marques à Faimes dans la famille de Laurent Gosuin, bien que l’adaptation ne se fait pas sans mal. Histoire d’une solidarité exemplaire.
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Publié le 24-02-2023 à 06h00 - Mis à jour le 24-02-2023 à 07h38
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Alexis (16 ans) et son papa Alexandre (63 ans), réfugiés ukrainiens, sont logés chez Laurent Gosuin à Faimes depuis le mois d’avril 2022. Un an après, quelle est leur réalité ? Sur le passé, les deux hommes restent pudiques mais le cœur, lui, parle… Ils ont le sourire et se montrent reconnaissants même si la communication se fait difficilement.
"Alexandre a fait plusieurs AVC. Il a du mal à retenir ce qu’il apprend. Il suit des cours de français mais il ne parle toujours pas un seul mot. On essaye de se comprendre avec nos téléphones et Google traduction, raconte le Faimois. On sait qu’ils viennent de l’ouest de Kiev et que la maman d’Alexis et sa sœur sont restées au pays. Ils ont leur dépendance dans la maison avec un salon, une cuisine et une chambre et on essaye aussi parfois de partager des moments ensemble. On leur propose des soirées jeux de société par exemple. Au départ, c’était difficile car dans leur culture, c’est toujours un donné pour un rendu. Ils pensaient toujours qu’on allait leur demander quelque chose en échange."
Yana, Ukrainienne de Bruxelles : “Après un an de guerre, les Ukrainiens rêvent juste d’un dîner en famille”Mais les deux Ukrainiens ont aussi découvert des plaisirs qu’ils ne connaissaient pas. "On a par exemple fêté Noël ensemble. Pour eux, c’était la première fois, s’attendrit le Faimois. Ils nous ont fait aussi un plat ukrainien."
Le sourire facile, l’air gêné, les deux hommes se montrent accueillants et chaleureux. Mais ils le savent, ils ne sont pas chez eux… Face au conflit qui s’enlise depuis le 24 février dernier, l’accueil de la famille faimoise, au départ prévu dans l’urgence, prend des allures de cohabitation à long terme.
Oleksandra Matviichuk : “En dix mois, nous avons recensé 31 000 crimes de guerre en Ukraine” (video)"On ne pensait pas que ça durerait aussi longtemps mais tout se passe très bien. Lorsqu’ils sont arrivés, on les a beaucoup encadrés mais ensuite ils ont pris leur indépendance car nous avons quatre enfants également. C’était donc compliqué de tout assumer. Ils se déplacent en bus pour leurs activités ou pour les cours d’Alexis, qui est scolarisé à l’athénée de Waremme. Il suit aussi des cours à distance en Ukraine."
Objectif: trouver un logement
Alexandre, qui bénéficie aujourd’hui d’un revenu du CPAS, et son fils souhaitent cependant rester vivre en Belgique et donc trouver un logement. Une recherche qui est devenue un véritable parcours du combattant. "Idéalement, on cherche du côté de Waremme car ils ont toutes leurs habitudes. Mais les logements sont très rapidement loués et si un propriétaire a le choix entre un résident belge et un Ukrainien, le choix se porte généralement sur la personne qui va rester le plus longtemps, regrette le père de famille faimois. Ils sont tous les deux assez volontaires. Alexis a par exemple trouvé des petits boulots dans la région où il réalise notamment des travaux d’entretien."
Héberger des exilés : une nouvelle réalité ?Malgré cette hospitalité, ces réfugiés qui ont fui les bombes ont dû, comme beaucoup d’autres Ukrainiens, s’adapter à une nouvelle vie, à un nouveau pays, une autre culture, loin de leurs habitudes, de leurs proches et de leurs racines. Une intégration compliquée lorsque les souvenirs du passé refont surface.
"Alexis nous a dit qu’il avait des idées noires. Il nous a montré des photos de son école qui était détruite. Je pense qu’il a des traumatismes et que c’est difficile pour lui d’en parler. Psychologiquement, il a dur. On a donc trouvé une psychologue qui parle russe pour l’encadrer, confie Laurent Gosuin. Il a quelques contacts à l’école avec d’autres Ukrainiens et on pensait que ça allait l’aider mais la sociabilisation reste malgré tout compliquée. Je pense que père et fils sont venus en Belgique pour ne pas qu’Alexis soit envoyé au front."
Alexis, champion de karaté
Mais lorsqu’on parle d’avenir, Alexis arrive tout de même à se projeter. "Je voudrais être biochimiste, écrit-il sur son téléphone. Ou alors coach de karaté. En Ukraine, j’étais champion dans ma catégorie et mon papa était coach de Judo. Je fais des entraînements ici à Waremme deux fois semaines et j’ai terminé à la 2e place lors d’une compétition." Pour ce qui est de l’avenir, Alexandre, lui, a une opinion bien tranchée sur la question. "Je veux qu’il reprenne mon invention. J’ai conçu un support pour dégainer plus rapidement et facilement un revolver. Je veux rester en Belgique pour lancer ma production."
Alexis fait la moue, on ne le sent pas complètement convaincu à l’idée de reprendre le flambeau de son papa. Entre père et fils, les points de vue divergent souvent et ce, peu importe le pays d’où l’on vient. Toujours via les smartphones, Alexis, Alexandre et Laurent tentent de se comprendre. Un exercice qui est loin d’être facile. Si cet investissement quotidien est parfois un poids pour les familles accueillantes, Laurent, lui, souligne d’abord la richesse de cette expérience humaine. "Je me dis que si la situation un jour devait s’inverser, j’aurais aussi envie d’avoir une main tendue."
La barrière de la langue
Entre le russe et le français, c’est un fossé qui sépare les deux langues. Malgré des cours adaptés et des heures de français, Alexis peine toujours à se faire comprendre. La solution privilégiée par la famille reste internet et Google traduction. Un outil pratique mais qui a ses limites également. Et pour avoir testé, les traductions laissent parfois à désirer… La barrière de la langue reste l’élément le plus compliqué entre les réfugiés et les familles qui les accueillent. Les visages et les sourires se font compréhensifs mais les conversations se finissent généralement en éclats de rire ou en dialogue de sourd…