Arrêt de la centrale nucléaire de Tihange 2: « Ne plus entendre le bruit de turbine en salle des machines sera le plus symbolique »
Philippe Dengis a été engagé en 1988 à la centrale de Tihange 2. Il regrette la mise à l’arrêt d’un outil qu’il a piloté durant 25 ans.
Publié le 31-01-2023 à 06h00 - Mis à jour le 31-01-2023 à 07h53
Si ce ne sont trois années à Tihange 1, Philippe Dengis (58 ans) a fait toute sa carrière au sein de la centrale de Tihange 2. En 1988, il débutait par le laboratoire de chimie pour ensuite "grimper les échelons" jusqu’à la fonction de chef de quart au service de conduite en salle de commandes. Depuis 1998, il a 8 ou 9 personnes sous sa responsabilité. Entretien avec un passionné.
Philippe Dengis, quel sentiment vous anime à l’approche de mardi ?
On a pu s’y habituer progressivement puisqu’on sait depuis 2003 que l’arrêt est programmé. On a pu s’imprégner de cette idée. Là, on arrive au pied du mur, et pour nous c’est triste. Dans mon cas, je pilote Tihange 2 depuis une trentaine d’années. Une centrale que l’on connaît bien. Que l’on sent toujours en bonne santé, fiable et valable techniquement. Pour nous, c’est un peu dur de devoir l’arrêter. Mais donc, voilà, on savait qu’il y avait une échéance.
Quel a été votre état d’esprit en 2003 quand la loi sur la sortie progressive du nucléaire a été votée ?
C’était vraiment un gros coup de massue sur la tête. On voyait les centrales avec un bel avenir devant elles. On comprenait bien l’idéologie. Chacun a son point de vue et c’est légitime. Mais pour nous techniciens qui travaillions ici depuis de nombreuses années, on ne voyait pas de raison objective de les arrêter. C’était un gros choc à l’époque.
Quand avez-vous pris conscience qu’on arrivait à la fin ?
Lorsqu’on a eu malheureusement les arrêts de Tihange 2 en 2012 et 2015 en raison de ce qu’on a appelé les défauts de cuve dus à l’hydrogène, on a eu à un moment donné le sentiment que quoiqu’il arrive, le politique n’allait pas prolonger Tihange 2. En cumulé, on a eu autour de 30 mois d’arrêt où les gens ont pu se poser beaucoup de questions. Ce n’est pas parce qu’on a pu intégrer l’idée depuis, qu’on n’est pas choqué quand cela arrive. On en parle tous les jours avec les collègues. Le 31 janvier arrive et on va se retrouver un peu désarçonné. L’arrêt du réacteur et ne plus entendre le bruit de turbine en salle des machines sera le plus symbolique.
Vous serez présent en salle de commandes mardi à minuit ?
Non. Je serai en semaine de récupération. C’est un regret. J’aurais apprécié en faire partie.
De quoi est fait votre avenir à titre personnel ?
On nous a présenté diverses possibilités. On a demandé d’y réfléchir. Et de proposer trois choix avec une gradation. En premier, j’ai souhaité continuer à piloter, mais à Tihange 3 qui est relativement semblable à Tihange 2 au niveau de la logique de conception et d’exploitation. Il faudra passer des examens et l’habilitation. Je vais d’abord participer à la mise à l’arrêt définitif de Tihange 2 jusqu’au mois de septembre pour lancer une série d’opérations.
Être impliqué dans le démantèlement ne vous intéressait pas ?
Ce qui me passionne, c’est de piloter une centrale nucléaire. En plus ici avec le petit challenge d’apprendre à Tihange 3. Cela m’a motivé.