Fermeture de la centrale nucléaire de Tihange 2 | « On avait dû peindre les sapins pour la venue du roi Baudouin » (vidéo)
Francis Maillart a fait partie de la dizaine d’ingénieurs qui ont lancé Tihange 2. Il se souvient.
Publié le 28-01-2023 à 06h00 - Mis à jour le 31-01-2023 à 07h51
Retraité depuis 2008, Francis Maillart (75 ans) fut l’un des premiers ingénieurs à travailler sur le site tihangeois. "Après mes études à Louvain, avec une spécialisation en nucléaire, j’ai fait partie dès 1974 de l’équipe de démarrage de Tihange 1. Ensuite, lors de la construction de Tihange 2, on m’a donné la responsabilité de sa conduite. Avec une dizaine d’ingénieurs, nous avons engagé du personnel et nous l’avons formé. Les futurs opérateurs ont ainsi vu arriver toutes les pièces. Ils connaissaient le bâtiment de la centrale par cœur au moment de la première criticité (NDLR: première fois que le réacteur peut rester en autoproduction) en octobre 82. Ensuite, des essais ont duré plusieurs mois avant la mise en service industrielle d’un outil qui comptait quatre salles de commandes." Et qui était donc à l’époque plus moderne que Tihange 1.
"Tihange 2 fut effectivement doté d’une innovation: l’ultime secours bunkerisé. Il s’agissait d’un système de surveillance du pilotage qui s’enclenche automatiquement s’il constate une anomalie dans les commandes du premier niveau. Ce système permet par exemple à la centrale de continuer à fonctionner durant trois heures, même en cas de chute d’avion. On considérait que ce laps de temps devait permettre de reconstituer des équipes pour reprendre des commandes."
De ses vingt-neuf années en bord de Meuse, entrecoupées par un séjour au siège central à Bruxelles, Francis Maillart conserve quelques anecdotes. "Je me souviens de la venue du roi Baudouin en 1974. Des sapins avaient été fraîchement plantés autour du bâtiment. Mais ils n’avaient pas repris. Nous avions alors reçu l’instruction de les peindre en vert au pistolet. Ils étaient tout beaux pour la visite, mais ils ont rapidement crevé par la suite ! Autre fait amusant: des vaches paissaient toujours sur le futur site de Tihange 3 lors de la construction du bâtiment à réacteur de Tihange 2, Un jour, celles-ci avaient brisé les clôtures et étaient entrées dans le bâtiment à réacteur en construction. Nous avons dû aller chercher le fermier pour qu’il fasse évacuer son bétail."
À quelques heures de l’arrêt définitif, l’ingénieur bruxellois à la retraite, domicilié depuis près de 50 ans sur les hauteurs de Tihange, est forcément quelque peu ému. "L’outil, tel qu’il est aujourd’hui, est nickel. Je n’en ai pas le moindre doute. Je vous donne mon avis personnel: c’est un gâchis de le stopper. Il répond aux exigences de sûreté et il a suivi l’évolution des réglementations depuis sa conception. De chez moi, je vois la tour de refroidissement de Tihange 2. Lorsqu’elle aura disparu de l’horizon, ça va me faire un pincement au cœur."
