Inédit: une coopérative citoyenne introduit un recours contre le refus de permis d’un parc éolien, à Clavier
La coopérative Émissions zéro introduit un recours au Conseil d’état contre le refus de permis pour un parc éolien, celui de Bois-et-Borsu (Clavier). Une démarche inédite à double titre. C’est la première fois qu’une coopérative citoyenne introduit un tel recours. Et c’est la première fois qu’un parc éolien est sous le coup d’un recours en suspension, la coopérative évoquant l’urgence climatique et géopolitique. Le promoteur, Eneco annonce lui aussi introduire un recours.
Publié le 13-05-2022 à 14h18 - Mis à jour le 13-05-2022 à 15h47
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La coopérative citoyenne Émissions zéro a introduit vendredi un recours au Conseil d’état contre le refus de permis du projet éolien de Bois-et-Borsu (Clavier), dans le Condroz. Le projet, porté par le promoteur éolien Eneco, prévoit l’installation de quatre éoliennes dont deux sur la commune de Clavier, une sur la commune de Havelange et une sur la commune de Somme-Leuze.
Une éolienne citoyenne
Situées de part et d’autre de la nationale 63, les éoliennes qui y sont envisagées produiront jusqu’à 35790 MWh par an, soit l’équivalent de la consommation annuelle d’électricité de 9673 ménages wallons. Émissions zéro a conclu un accord avec la société Eneco et, en cas d’obtention du permis pour le parc, une des quatre éoliennes sera exploitée par la coopérative. "Nous sommes co-développeur du projet mais c’est la société Eneco qui introduit le permis", précise Bernard Deboyser, chargé de projet chez Émissions zéro.
Permis deux fois refusé
Le projet a été validé au niveau environnemental mais refusé pour des questions paysagères. "Le projet respectait les critères de protection et de préservation de l’environnement, de la faune et de la biodiversité et il avait d’ailleurs reçu un avis positif du Département de la nature et des forêts de la Région wallonne. Cependant, le permis a été refusé une première fois par les fonctionnaires de la Région, le 20 août 2021. Les motifs invoqués étaient basés sur des considérations très subjectives relatives, principalement, à l’intégration paysagère et l’impact sur le patrimoine", poursuit Bernard Deboyser.
Jurisprudence pour les autres dossiers éoliens?
Un premier recours contre cette décision a donc été introduit par la coopérative auprès des ministres concernés: Céline Tellier, ministre de l’Environnement, et Willy Borsus, ministre de l’Aménagement du territoire. Ceux-ci ont confirmé le refus de permis le 14 mars 2022, en invoquant des arguments similaires: "Nous n’acceptons pas cette décision, insiste le chargé de projet, alors que nous devons tout mettre en œuvre pour sécuriser nos approvisionnements en énergie. Mais surtout nous sommes étonnés qu’aucune pondération des intérêts ne soit faite entre l’impact du projet et les bénéfices en termes de production d’énergie renouvelable. Est-ce que le Condroz est différent des autres régions de Wallonie? Devons-nous expliquer aux habitants de la Hesbaye, de l’Ardenne ou du Pays de Herve, que leur paysage est moins important que celui du Condroz? Dans le document motivant le refus, le terme de préserver les “paysages du vrai Condroz” est repris à 24 reprises, sans que cette expression ne soit détaillée, objectivée. Nous sommes très inquiets car si on accepte l’argumentation de l’atteinte au paysage, toutes les demandes de permis pourraient être refusées pour de telles raisons purement subjectives", pointent le chargé de projet et le secrétaire Georges Geury.
Double première
La coopérative a donc introduit ce vendredi un recours au Conseil d’état contre le refus de permis pour le parc éolien de Bois-et-Borsu. Une première. "Les coopératives n’ont pas de juristes en interne comme les promoteurs éoliens, la procédure est lourde, longue, nécessite des avocats spécialisés. Et puis, habituellement, les refus concernant l’éolien sont liés à des éléments environnementaux, souvent vérifiables. Ici, la raison est paysagère, totalement subjective. On se doit de réagir", poursuit le chargé de projet.
Urgence climatique
C’est aussi la première fois qu’un projet éolien est sous le coup d’un recours en annulation et en suspension, en accéléré donc, la coopérative évoquant l’urgence climatique et géopolitique. "On espère que le Conseil d’état comprendra l’urgence de la situation dans un contexte de risque de rupture d’approvisionnement en énergie liée au besoin pressant en énergies renouvelables et accélérée par la guerre en Ukraine", insiste le chargé de projet.
La coopérative a opté pour cette procédure en suspension car en cas de simple recours en annulation, le délai d’attente avant qu’une décision soit prise est de deux à trois ans. "Ici, on peut attendre une réponse endéans les trois à six mois", précise l’avocat, Me Brusselmans.