Éviter un autre Fukushima, même en Belgique
Dix ans après la catastrophe, l’écologiste Samuel Cogolati propose trois mesures à appliquer en Belgique. Avez-vous vos pilules d’iode?
Publié le 11-03-2021 à 07h00
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Le Japon a beau être lointain, la catastrophe de Fukushima ne doit pas empêcher la Belgique de tout prévoir. Même le pire.
C'est dans cette optique que le député fédéral Samuel Cogolati (Écolo-Groen) propose une série de mesures. «L'idée n'est pas d'effrayer la population, assure-t-il. Mais même si c'est hautement improbable, le risque zéro n'existe pas». La Belgique dispose de sept réacteurs, à Doel et à Tihange, auxquels s'ajoutent deux centrales toutes proches: Borssele (Pays-Bas) et Chooz (France). Dans la foulée de la catastrophe de Fukushima, «beaucoup de choses ont changé. L'Allemagne a décidé de sortir du nucléaire, par exemple. En Belgique, reconnaissons qu'on a adapté toutes les règles». Le plan d'urgence nucléaire a d'ailleurs été actualisé pour la dernière fois en 2018.
La Belgique est censée sortir du nucléaire en 2025, sous réserve d'une confirmation fin de cette année. Mais cela ne fera pas se volatiliser le risque. «Il faudra compter sur un démantèlement d'une vingtaine d'années», sans oublier que les déchets sont stockés en surface encore pendant un siècle au moins.
Dès lors, Samuel Cogolati avance «trois pistes d'action concrètes pour tirer les leçons de Fukushima», de même qu'un appel à la portée internationale.
1.Exercice grandeur nature
«On dénombre 20 centrales nucléaires dans un rayon de 100 km» autour de la Belgique, détaille Samuel Cogolati. Proche d'Anvers et avec plus de 9 millions d'habitants dans un rayon de 75 km, «Doel est la centrale européenne avec le plus grand nombre de riverains à proximité. Tihange occupe la cinquième place avec 5,7 millions d'habitants concernés». Sachant que la métropole anversoise, par exemple, devrait être évacuée en cas d'accident nucléaire à Doel, il convient de préparer au mieux cette évacuation, selon le député. Il propose un exercice grandeur nature, une sorte de grand test du plan d'urgence belge, une fois passée la crise du coronavirus. «Cela pourrait aider les services de police, les hôpitaux, les pompiers et la population en général à mieux se préparer.»
2.Pilules d'iode
Prendre un comprimé d’iode stable permet d’éviter à l’iode radioactif, libéré en cas d’accident nucléaire, de se stocker dans la glande thyroïde et, de ce fait, d’augmenter le risque de cancer. En Belgique, la dernière mouture du plan d’urgence prévoit que l’ensemble de la population doit pouvoir disposer de ces pilules, disponibles par boîtes de quatre en pharmacie.
Cependant, en interrogeant le Centre de crise et l'Agence fédérale de contrôle nucléaire le 23 février dernier, Samuel Cogolati a appris que depuis la dernière campagne de 2018, seules 722 926 boîtes ont été distribuées. «Cela ne pourrait donc servir qu'à un peu moins de 3 millions de personnes.»
Où sont les autres boîtes? «Il y en a 1 389 860 de la campagne de 2018 qui sont stockées chez une firme de transport pharmaceutique. Et 725 760 datant de 2010 sont dans les armoires de la protection civile», s'étonne Samuel Cogolati, qui rappelle que les pilules n'ont en principe qu'une durée de vie de 10 ans.
«Vu la chute drastique en 2020 – en raison de la crise sanitaire – de retraits de comprimés d'iode en pharmacie, j'appelle le gouvernement fédéral à relancer une campagne d'information pour sensibiliser les gens», sans attendre 2023 comme prévu. «Il faut protéger les 11 millions des Belges, d'autant plus que les stocks existent et peuvent être distribués gratuitement.»
3.Revoir le plan
La prochaine mise à jour du plan d’urgence nucléaire est prévue en 2023, mais Samuel Cogolati souhaite qu’il soit adapté rapidement, en tenant compte de la réalité d’une crise sanitaire telle que celle que nous traversons. Un tel contexte accroît le risque: personnel des centrales touché par la pandémie, évacuation plus difficile à réaliser, hôpitaux déjà très sollicités, etc.
4.Eaux radioactives
Au-delà des mesures propres à la Belgique, Samuel Cogolati invite notre pays et l’Europe à s’opposer à une décision que pourrait prendre le Japon prochainement, à savoir déverser en mer 1,23 million de m d’eaux radioactives stockées depuis la catastrophe.