Charleroi danse: la personnalité oubliée d'Ida Rubinstein au coeur d'un spectacle présenté ces 17 et 18 mars
Vendredi et samedi, Charleroi danse propose une pièce hybride et fascinante de Lara Barsacq. Entre féminité et documentaire.
Publié le 13-03-2023 à 10h33 - Mis à jour le 13-03-2023 à 12h40
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Lara Barsacq, née à Paris, a été artiste associée de Charleroi danse, en résidence pendant les années de pandémie. Elle revient, cette semaine, aux Écuries, avec sa pièce IDA don’t cry me love, créée en 2019 et qui, sous forme d’un trio, dansé mais aussi parlé, revient sur la personnalité partiellement oubliée d’Ida Rubinstein. Cette reprise s’inscrit dans le cadre des "Femmes de Mars", ce qui impose la première question de cette rencontre…
Lara Barsacq, Ida don’t cry me love, est-ce une pièce féminine ou une œuvre féministe ?
C’est d’abord une pièce joyeuse, ludique, qui met en avant le corps féminin, avec de la couleur, de la sensualité, une charge qui touche parfois à l’érotique mais toujours dans la liberté du corps. J’imagine que par ces aspects, on peut considérer que c’est aussi féministe. Ida Rubinstein l’était, en tout cas.
C’est la personnalité qui justifie cette création et la traverse ; pourquoi l’a-t-on tellement oubliée de nos jours ?
Pour diverses raisons, qui sont évoquées lors de moments de dialogue dans la pièce. Ida est devenue orpheline jeune, elle a dû quitter la Russie très tôt. Elle s’est reconstruite à travers la danse, et quelques grands personnages. Elle s’est notamment grimée en homme pour jouer saint Sébastien. En 1909, dans Salomé, elle finit nue sous un voile, ce qui fait scandale. Mais c’est aussi cet acte précis qui la fera engager dans les Ballets Russes et assurera son succès avec, chose rare à l’époque, des produits dérivés à son effigie. Mais c’est aussi ce qui entraînera sa censure par l’Église. Dans l’Entre-deux-Guerres, elle fréquente les salons culturels parisiens, elle est l’une des rares femmes à fréquenter ces cercles, où elle consacre une partie de sa fortune au mécénat. C’est notamment là qu’elle passera commande à Ravel pour qu’il compose son Boléro. Ida Rubinstein est riche, puissante, elle est juive, elle est lesbienne, ce sont suffisamment de raisons pour que son héritage ait été minimisé au fil du temps.
Voilà donc pour le fond, qu’en est-il de la forme de votre proposition ? À quoi le public peut-il s’attendre ?
C’est donc un trio, je danse avec Marta Capaccioli et, en alternance, Elisa Yvelin ou Marion Sage. Chacune a participé à la création de la pièce. Il y a une grande tenture, en fond de scène, qui évoque les décors des Ballets Russes. Personne ne quitte le plateau mais parfois, une interprète danse pendant que les autres partagent, en dialogue, des éléments de la vie d’Ida Rubinstein. Les deux fils rouges que j’ai voulu suivre, c’est à la fois de rester vulnérable même dans les moments de force, avec un peu de dérision et de légèreté, et à la fois d’être en équilibre sur ce moment de bascule entre le travail documentaire et l’imaginaire pur, là où le propos intime permet de toucher au discours universel.
Ida don’t cry me love est présenté ces 17 et 18 mars, à 20 heures. Tarifs et réservations via le site www.charleroi-danse.be.