Charleroi: une prostituée disculpe son proxénète devant le tribunal

Durant trois ans, Ninel est suspecté d’avoir forcé sa compagne à se prostituer et d’avoir profité de la situation aux dépens de cette dernière.

l.c.
 Les déclarations sont changeantes mais le parquet n’est pas convaincu.
Les déclarations sont changeantes mais le parquet n’est pas convaincu. ©Belga 

Le 14 octobre 2020, les services de secours du 101 reçoivent un appel pris très au sérieux. Au bout du fil, Daniela prétend avoir subi des coups de la part de Ninel. La jeune femme originaire de Roumanie va encore plus loin et accable son compagnon. "Elle confirme que depuis 2011, elle se prostitue pour subvenir aux besoins de sa famille restée en Roumanie. En 2017, elle a commencé à se mettre en couple avec le prévenu, qui l’a obligé à se prostituer et à remettre l’argent de son travail. Elle a peur de le quitter, car la famille en Roumanie est menacée", lance le substitut Henry en guise de contexte.

De Saint-Symphorien à Charleroi, la jeune femme écume de nombreux appartements pour ses activités. Mécontent, Ninel aurait le jour des faits asséné une pluie de coups de poing et de pied à la jeune femme, quand il a appris que cette dernière avait l’intention de le quitter et qu’elle venait d’envoyer de l’argent à sa famille restée au pays. "Elle affirme également que le prévenu a commis une tentative d’extorsion en lui laissant un ou deux jours maximum pour payer le loyer d’un appartement de 2 000 €. Elle dépose aussi un certificat médical, attestant d’une incapacité de travail de six semaines en raison d’une fracture aux côtes."

Le 25 juillet dernier, Ninel est finalement localisé en Allemagne et remis aux autorités judiciaires belges deux mois plus tard. Poursuivi pour proxénétisme, traite des êtres humains, coups et blessures et tentative d’extorsion, le trentenaire nie les accusations formulées par sa désormais ex-compagne. Durant la relation, il jure au contraire avoir demandé à sa compagne d’arrêter ses activités. Il précise que l’argent de la prostitution revenait uniquement à Daniela. "Mutuellement, comme dans tout couple, on s’est avancé de l’argent. Mais je ne l’ai jamais forcée à se prostituer", affirme l’homme détenu.

Et surprise, au moment de prendre la parole pour son dommage, Daniela confirme les propos tenus par Ninel avec un "tout ce qu’il a dit est vrai." Peur de représailles, menaces, ou simple vérité ? Difficile à dire. La jeune femme, qui avait déjà écrit un courriel à la police pour retirer sa plainte, persévère et explique au tribunal avoir dénoncé son compagnon "par vengeance". "Je voulais lui faire du mal en raison de ma jalousie. Mes copines du milieu m’avaient conseillé de déclarer qu’il m’exploitait. Après 48 heures, je me suis rendu compte que ce n’était pas bien ce que j’avais fait. Je voyais noir, je ne voyais plus rien. Les coups constatés sur moi proviennent en réalité d’une bagarre de rue."

Protéger le prévenu

Face à ses déclarations, le parquet n’est pas dupe et confirme la culpabilité de Ninel. "Les déclarations sont effectivement changeantes, mais elle ne fait ça que dans l’unique but de protéger le prévenu. Ce serait faux de dire que le prévenu n’intervenait pas dans la prostitution de la victime", souligne le substitut Henry en s’appuyant sur l’antécédent judiciaire de Ninel, condamné en 2012 en Espagne pour des faits similaires.

Du côté de la défense, un acquittement est plaidé pour Ninel. Même si ce dernier "a le look d’un mac", ce n’est pas pour autant qu’il en est un, insiste M Stephan Jans. Jugement dans deux semaines.

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