Charleroi: le point sur le futur plus grand réseau de chaleur de Wallonie
Partager la chaleur produite par l’activité industrielle ou présente dans les sous-sols: c’est tout l’enjeu du projet.
Publié le 08-03-2023 à 14h06 - Mis à jour le 08-03-2023 à 16h21
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Alors que dans le cadre des travaux de rénovation urbaine du chantier Charleroi DC (district créatif), sur fonds européens Feder, la Ville-Haute s’équipe de canalisations pour chauffer ses principaux bâtiments publics, l’échevin Xavier Desgain en charge de la Transition écologique vient de présenter le projet de réseau d’énergie thermique que porte son collège communal PS-C +-Écolo pour le quartier Porte Ouest, à Marchienne-au-Pont, principalement: il s’agira du plus grand réseau du genre en Wallonie.
Basé sur la récupération de la chaleur produite par les acteurs industriels (sidérurgie notamment), complété par une exploitation de la géothermie, il vise à alimenter en chauffage l’équivalent de 25 à 40 000 logements, avec une puissance de 80 à 120 mégawatts. Pour concevoir et développer cet outil, la Ville de Charleroi a désigné le bureau d’études Resolia. Créé en 2021, Resolia regroupe un pool multidisciplinaire d’experts spécialisés en ingénierie des réseaux d’énergie thermique. Objectif: identifier des sources de production de chaleur et développer une infrastructure performante.
Au-delà de l’intérêt économique, sur fond de fluctuation des prix et d’instabilité des marchés, la volonté est de prendre une part active dans la décarbonation. Rappelons-le: la Wallonie a adopté un plan Climat qui lui impose de réduire de 85 à 95% ses émissions de CO2 à l’horizon 2050. Avec ce réseau de chaleur, le potentiel d’économie à Charleroi qui s’est calquée sur les mêmes ambitions est de 200 000 tonnes par an.
Comme le souligne Pierre Baijot, CEO de Résolia, la Wallonie est prête à relever le défi. Un cadre légal a été mis en place par arrêté du gouvernement adopté en juillet dernier. Il faut aussi observer que la Belgique est l’un des pays à la traîne en matière de réseaux de chaleur. Elle est devancée par tous ses voisins. Tout est à faire pour résorber ce retard.
Un contexte idéal
Le quartier Porte Ouest est idéal pour la mise en œuvre de ce projet. Sur une superficie semblable à celle du centre-ville avec au sud, le technopole Villette et au nord la centrale électrique Engie d’Amercœur, le territoire concentre en effet des industries productrices de grosses quantités de chaleur comme Industeel Arcelor-Mittal ou Thy Marcinelle, de nouveaux acteurs de la production d’énergie comme les projets Colombus ou Karno, mais aussi de futurs utilisateurs potentiels comme le Quartier du Futur de la Défense nationale, le Campus Confluence (pôle d’excellence des clean tech) ou l’usine de microsatellites d’AérospaceLab.
L’idée, c’est d’interconnecter ces opérateurs pour partager l’énergie disponible, plutôt que de la rejeter dans l’air. Et de mettre ces gisements de chaleur à la disposition de quartiers et bâtiments en construction: les buildings du Left Side Business Park, l’A6K-E6K et le coworking de l’association Ikoab-Koeckelberg dans l’ancien hôtel des chemins de fer de la SNCB, la Zebrarena de Marchienne-au-Pont… et toutes les opportunités qui s’offriront dans ce périmètre et en dehors.
Stratégie et calendrier
Un des défis majeurs de la création du réseau de chaleur, c’est son phasage au redéploiement économique du territoire. Tous les projets d’investissement annoncés le sont dans un délai de 3 à 5 ans. Resolia doit avancer assez vite pour répondre aux exigences de calendrier. Selon son CEO Pierre Baijot, les premiers éléments du réseau devraient être mis en place d’ici deux ans, ce qui représente un tour de force. Il faut en effet mobiliser les financements, obtenir les permis, désigner les auteurs de projet, préparer les marchés publics de travaux et les attribuer, et enfin concrétiser le réseau de chaleur sur le terrain en le couplant à des chantiers d’impétrants ou de réfection de voiries. La mission de Resolia consiste à poser les bases du futur réseau d’énergie thermique de Charleroi. Les premières analyses ont démontré qu’un potentiel de chaleur d’environ 100 MW provenant des gisements existants pouvait être opéré, pour des besoins estimés entre 20 à 40MW. Avec un surplus de 60 à 80 MW à répartir entre les quartiers résidentiels. Resolia espère pouvoir déposer son premier rapport avant l’été prochain…
En pratique
Comment va-t-on agir en pratique ? L’évolution du développement de la Porte Ouest complique évidemment la planification, puisque de nouveaux besoins apparaissent et s’ajoutent aux existants. Dans ce cadre, il faut donner au réseau la capacité de continuer à s’étendre, cela à différentes échéances.
Après l’étape de l’identification des fournisseurs et des consommateurs de chaleur, il convient de définir des critères d’évaluation des scénarii qui auront été retenus. Ces critères seront à la fois d’ordre économique, environnemental et juridique, afin notamment de garder la maîtrise de l’outil et des prix. Resolia qui s’inspire d’expériences à l’étranger devra enfin accompagner la Ville dans l’élaboration d’un cahier de charges en vue de la désignation d’un développeur et opérateur de réseau.
Concrètement, pas de premier coup de pelle avant un à deux ans. Le projet espère susciter l’intérêt de nouveaux acteurs privés et publics locaux. Au final, il renforce l’écosystème, au profit des habitants. Sa circularité en fait un moyen d’action en faveur du climat. "Ce qui rencontre les engagements politiques pris dans notre projet de ville pour la mandature", souligne Xavier Desgain. Quel coût et à charge de qui ? L’étude de Resolia permettra d’y voir plus clair. Patience…