Charleroi : icônes d’une Corée sans clichés
Le choc est multiple. Le travail de Stéphan Gladieu peut bluffer, amuser voire déranger. À découvrir les yeux grands ouverts.
Publié le 31-01-2023 à 11h15 - Mis à jour le 31-01-2023 à 11h16
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Cloisonnée, cadenassée, secrète, inaccessible, la Corée du Nord est au cœur de bien des fantasmes occidentaux, nourris avant tout par le choix de société de ce pays à part, où l’individu se dissout quasiment entièrement dans le collectif. Si le titre de l’exposition présentée au musée de la photographie, jusqu’au 21 mai, ne souffre aucune interprétation, c’est Corée du Nord, le travail du photographe français Stéphan Gladieu peut, lui, ouvrir les pistes de lecture et de compréhension.
L’artiste entame: "J’ai eu la chance de pouvoir entrer en Corée du Nord pour ce travail photographique, j’y ai effectué cinq voyages en trois ans. Certes, il y a eu à chaque fois une très grosse préparation avant chaque voyage, pour pouvoir accéder aux lieux choisis mais une fois dans ces lieux, je n’ai pas subi trop de contraintes pour prendre les clichés que je voulais".
Un premier regard sur les photos grand format étalées sur les murs de l’ancienne chapelle révèle immédiatement l’approche voulue par l’homme derrière l’appareil: il n’y a ici que des portraits, des Nord-Coréens de tout âge, de tout genre, en uniformes de travail, d’armée, d’école, parfois en costume, rarement en tenue plus informelle. Toutes et tous fixent l’objectif, plongent leur regard, par le truchement du tirage, dans le regard du visiteur, Carolo ou autre.
Stéphan Gladieu insiste sur cette démarche: "On le sait, en Corée du Nord, les photos sont collectives, le portrait individuel n’existe quasiment jamais. J’ai donc voulu capter les citoyennes et citoyens nord-coréens dans ce que j’appelle des portraits-miroirs. J’y joue aussi avec les codes de l’icône religieuse, en plaçant le sujet au centre, de manière frontale, avec des couleurs qui rendent le tout facile à voir et à comprendre". Le recours au flash accentue la présence humaine, en marquant nettement la différence entre l’avant-plan et le décor, souvent pétri de l’imagerie dictatoriale communiste. Xavier Canonne, directeur du musée de la photographie, souligne: "La force et l’originalité du travail de Stéphan Gladieu, c’est d’avoir pu travailler librement, simplement accompagné par un guide officiel. En échangeant avec les personnes photographiées, il est parvenu à éviter à la fois la simple propagande mais aussi l’écueil du photojournaliste qui se pose en héros parce qu’il a réussi à" voler "trois clichés à la sauvette". Avec, au final, une leçon indéniable: les êtres humains sont tous les mêmes, même en Corée du Nord.