Charleroi danse : la nouvelle création d'Olivier Tarpaga en création mondiale.
Once the Dust settles, Flowers bloom est à voir, ces vendredi et samedi, 20 et 21 janvier, aux Ecuries, boulevard Mayence. Rencontre avec un chorégraphe qui apprécie Charleroi.
Publié le 16-01-2023 à 21h23 - Mis à jour le 16-01-2023 à 21h24
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C’est une promesse lancée à l’Humanité: une fois que la poussière retombe, les fleurs éclosent. Voici comment on peut traduire le titre de la dernière création du chorégraphe burkinabé Olivier Tarpaga. La résidence artistique carolorégienne de sa compagnie est en cours, le rendez-vous avec le public aura lieu ces 20 et 21 janvier, à 20 heures. Réservations recommandées, dès maintenant, au 071 20 56 40 et via ticket@charleroi-danse.be.
Olivier Tarpaga, le titre de cette nouvelle œuvre est assez métaphorique, que pouvez-vous en dévoiler ?
La poussière, ce sont tous ces obstacles imposés, qui empêchent l’humain d’évoluer. L’extrémisme religieux, le fondamentalisme qui bride surtout les femmes. Sans me réclamer d’être moi-même féministe, je suis opposé à tout ce qui empêche les femmes de prendre leur destin en mains. On peut facilement se dire que ce sont elles, les fleurs qui vont fleurir, quand cette poussière sera retombée.
Avez-vous longtemps réfléchi avant de vous attaquer à ce sujet ?
Oui et non. Cette pièce s’est imposée à moi de manière quasiment accidentelle. En fait je travaillais à ce qui aurait dû être ma grande chorégraphie joyeuse et solaire. C’est un projet qui reste en cours mais j’ai ressenti la nécessité d’aborder d’abord cette question du fondamentalisme religieux qui touche le Burkina aujourd’hui, mais aussi bien d’autres endroits du monde.
Qu’est-ce qui vous a amené à ce constat ?
J’ai eu l’occasion de retourner à Kaya, mon village d’enfance, au Burkina. J’ai voulu me recueillir sur la tombe de mon père, visiter sa maison. Et l’ambassade américaine (Olivier Tarpage possède la double nationalité burkinabé et américaine-NDLR) me l’a grandement déconseillé. Car si le village lui-même est sécure, ses alentours sont quadrillés par des djihadistes et un camp ONU y abrite de nombreux réfugiés. C’est finalement l’ambassadeur français qui m’a permis, avec son escorte militaire, en 4x4 blindés, d’entrer dans le camp de réfugiés.
Qu’avez-vous ressenti, en découvrant l’endroit ?
J’étais à la fois conscient du privilège d’être inclus dans cette délégation militaire et diplomatique tout en ressentant une crainte légitime, vu le déploiement de forces. Mais, surtout, quand je suis rentré dans le camp et que j’y ai découvert les gens, les femmes, les enfants, j’ai craqué, et j’ai pleuré. Mais, attention, pas de tristesse. J’ai pleuré parce que j’ai vu les jeux, les ateliers, les personnes qui chantaient, qui dansaient. J’ai vu la vie qui survit. C’est ce rendez-vous avec la réalité qui a été le moteur de Once the Dust settles, Flowers bloom.
Donc, si le sujet abordé est grave, le public peut s’attendre à des moments joyeux ?
Bien sûr, c’est un sujet triste mais avec mes danseuses et danseurs, nous avons voulu l’exprimer sous toutes ses approches, pas que les larmes. Il y a des moments de groupe, des solos et des duos. Cela dit, en Afrique, nous pleurons nos morts, nous les pleurons beaucoup. Mais après les pleurs, nous célébrons la personne. Sans déceler nécessairement chaque mouvement, le public comprendra certains rôles: dans chaque grande famille africaine, il y a toujours un membre qui pardonne mais qui veut assouvir sa vengeance quand même ; il y a toujours une personne qui retrouve la paix mais refuse de quitter le deuil malgré tout, par exemple. Ces messages passeront aussi par le recours aux chaussures, très présentes sur scène.
Les chaussures ?
Oui, dans beaucoup de sociétés humaines, on voit ses chaussures avant de voir l’être en entier. Dans l’entrée des maisons, sur le pas des lieux de culte, par exemple. Alors, sans en dire trop non plus, je peux dévoiler que cette chorégraphie démarre sur une explosion de chaussures, que les danseuses et danseurs vont d’abord ramasser avec frénésie, avant que le calme ne se réinstalle.