Violence & son, le public carolo va se faire percuter
Montée par Jean-Michel Van den Eeyden, coproduite par l'Ancre et le théâtre de Poche, la pièce débarque à l'Eden, du 24 au 27 janvier. Avec Jean-Luc Couchard en père noyé d'alcool et de paradoxes.
Publié le 10-01-2023 à 17h13 - Mis à jour le 10-01-2023 à 21h00
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Liam est âgé de 17 ans lorsque sa maman décède ; il doit alors emménager avec son géniteur, qu’il connaît à peine et n’a jamais été un père pour lui. Ce dernier vit avec une petite amie, dans un logement modeste d’un Pays de Galles ravagé par la désindustrialisation. "Cette région en récession, ça fait aussi forcément penser à Charleroi, entame Jean-Michel Van den Eeyden, metteur en scène de la pièce. Le chômage, la misère, le manque d’horizon pour les jeunes, tout cela est en filigrane dans ce texte fort qui aborde des questions brûlantes de société". Signée, en anglais, par Gary Owen, Violence & son est ici traduite, pas transposée, pour en garder toute la charge émotionnelle initiale. "Le théâtre de Gary Owen explore les zones de gris, rien n’est tout blanc ni tout noir, comme dans nos vies à tous. Le cœur du propos, c’est notamment la question du consentement, pas uniquement sexuel, ainsi que l’atavisme familial qui reproduit, sous la caution du système patriarcal, des comportements de violence physique et psychologique. Avec ce constat que la notion de violence peut avoir quel que chose d’amusant, que les gros con nards alcooliques et violents peuvent avoir des aspects sympathiques".
Pour Jean-Michel Van den Eeyden, c’est certain, et son corpus théâtral, incluant Un Homme debout, Nés poumon noir ou La Route du levant, le prouve: "Un théâtre qui crée le débat et suscite réflexion et dialogue, c’est positif et souhaitable". Chaque représentation, du 24 au 27 janvier, à l’Eden, sera suivie d’un moment pour échanger: "Les premières soirées, au théâtre de Poche, à Bruxelles, qui coproduit avec nous, nous ont déjà révélé que les différentes générations n’avaient pas du tout les mêmes points de vue sur les différentes questions soulevées par la pièce".
Un casting qui va au charbon
Pour donner corps à ce texte fort, dans sa version française, Jean-Michel Van den Eeyden avait voulu travailler avec Philippe Jeusette dans le rôle de ce père peu digne. " Le rôle a été construit avec lui, il était partant et motivé ". Un accident cardiaque inopiné a terrassé le comédien à la fin de l’été dernier, plongeant toute l’équipe du projet dans le désarroi. " Il fallait tourner la page, pour remplacer Philippe Jeusette. Nous avions besoin de quelqu’un avec un autre physique, un autre type de jeu. J’ai pensé à Jean-Luc Couchard, avec qui j’ai fait mes études de théâtre ". Popularisé, au fil des ans, par Dikkenek et d’autres comédies françaises, le comédien apporte toute sa force à ce rôle: " Je ne regrette pas mon choix, souligne le metteur en scène. Mais c’est sûr qu’il faut un peu canaliser Jean-Luc pour qu’il ne rende pas son personnage trop sympathique ". Face à lui, Adrien De Biasi, Léone François et Magali Pinglaut apportent tous la justesse et l’intensité pour servir cette pièce qui ne laissera personne indifférent. La soirée du mercredi 25 janvier est complète, il reste quelques places pour les autres représentations ; c’est à 20 heures. Réservations via le site www.eden-charleroi.be.
Jusqu’à nouvel ordre, rencontrer le metteur en scène Jean-Michel Van den Eeyden, c’est aussi rencontrer le directeur de l’Ancre, théâtre royal. Difficile dans ces conditions de ne pas évoquer le grand dossier qui occupe, et préoccupe, l’équipe de la salle de la rue de Montigny: ces grands travaux d’architecture qui doit faire du petit théâtre de création, le grand centre scénique qui sied à la première ville de Wallonie. Les premières destructions de bâtiments étaient espérées pour ce mois de mars 2023: "Mais rien n’est moins sûr. Cela fait huit ans désormais que nous attendons le début de ce chantier, il serait temps que ça démarre mais ce n’est pas l’Ancre qui tient les rênes dans ce dossier". Le directeur confirme et poursuit: "Les réunions préparatoires ont toujours lieu, mais la flambée des prix des matières premières et d’autres facteurs conjoncturels nous amène désormais à un trou de 4 millions € dans le budget prévu. La Ville de Charleroi, malgré ses propres difficultés, a mis 2,8 millions €. Clairement, la piste qui doit se débloquer, c’est celle d’un financement par la Fédération Wallonie-Bruxelles".
Jean-Michel Van den Eeyden est obligé de reconnaître, avec amertume: "Ce trou dans le budget menace les aménagements prévus de notre maison dans la rue d’Assaut, qui doit servir aux résidences d’artistes. Or, un théâtre de création sans résidences d’artistes, ça manque de cohérence et de sens". Il insiste, en conclusion: "Le dernier grand chantier financé par le Fédération Wallonie-Bruxelles, à Charleroi, c’était l’extension du musée de la Photo, il y a 15 ans. Il est temps que la Fédé remette la main à la poche pour notre région, puisqu’elle le fait pour d’autres, ailleurs".