Un vaisseau amiral pour le biocampus de Charleroi
Dans un peu plus de 30 mois, le Biotech 5 ouvrira ses portes sur le site de l’aéropôle à Charleroi Gosselies. C’est l’histoire d’un projet du plan catch ressorti opportunément des tiroirs. Flash-back.
- Publié le 13-12-2022 à 20h51
- Mis à jour le 13-12-2022 à 20h55
C’est parti. Sur le parc d’activités économique de l’Aéropôle, à Gosselies, le coup d’envoi de la construction du Biotech 5, un incubateur d’entreprises du secteur biotech et pharma intégrant le centre de formation EU Biotech Campus, vient d’être donné ce mardi en présence de pas moins de cinq ministres, dont plus de la moitié du gouvernement wallon.
Comme l’ont rappelé d’entrée de jeu le directeur général de l’intercommunale Igretec, Renaud Moens, et son adjointe, Nathalie Czerniatynski, en charge du développement territorial et stratégique, il s’agit d’un programme immobilier de 25 000 m2 de bureaux, laboratoires, salles de formation et espaces modulables. "Sa mise en œuvre va doubler notre offre locative sur le site, qui passera à 60 000 m²."
70 millions€
Construit dans le périmètre immédiat de l’Institut de biologie et de médecine moléculaire de l’ULB, le bâtiment emblématique fera fonction de repère. Il constitue le nouveau jalon d’un campus du XXIe siècle, avant la construction d’une réplique un peu moins imposante de 16 000 m², le Biotech 6. Fonction: amplifier la mise en réseau des acteurs de l’innovation et la recherche, renforcer l’écosystème local.
D’une durée d’un peu moins de trois ans, les travaux doivent se clôturer au deuxième semestre 2025. Composé de quatre volumes de hauteurs différentes (de rez + 3 à rez + 6) dont trois réservés aux entreprises, l’ensemble immobilier disposera de deux niveaux de parking en sous-sol.
Porté par la société anonyme Sodevimmo née de l’association d’Igretec et de la Sofipôle (une filiale de la SRIW) élargie au groupe Ethias, le projet a bénéficié d’un financement du plan national pour la reprise et la résilience ainsi que du plan de relance wallon: il représente un investissement de 70 millions€ cofinancés par la Wallonie et l’Europe. Le bureau d’études d’Igretec s’est chargé de la conception complète. Les architectes ont opté pour une maçonnerie en briques blanches aux arêtes arrondies. L’entreprise Bemat a un délai de 30 mois pour édifier l’ensemble.
6 000 emplois en perspective
Le président PS de la Wallonie, Elio Di Rupo, et son vice-premier MR en charge de l’Économie, Willy Borsus, ont souligné le rôle prépondérant du secteur biotech/pharma au sud du pays, où le nombre de sites d’entreprises a quasi triplé en l’espace de 10 ans pour atteindre 150. Dans le même temps, l’emploi a enregistré une croissance de 35%: ce sont ainsi 17 500 travailleurs directs qui sont actifs dans cette économie en plein boom. "Une économie qui a positionné notre région sur la carte mondiale de la biotech/pharma, et qui offre des perspectives de carrière à des jeunes en recherche de sens", selon Borsus.
Formation, formation et formation: ce sont les trois grandes priorités de Charleroi, a conclu le bourgmestre Paul Magnette qui a rappelé que dans les 3-4 années à venir, plus de 6 000 emplois nouveaux allaient être créés. "Il faut réveiller le goût des sciences et des arts, sans penser qu’il est réservé à l’élite."
C’est en cela que le projet de Biotech 5 représente une excellente nouvelle pour Charleroi.
De la biotech school au centre européen de formation des sciences du vivant
Le projet de biotech school a germé à partir de 2018 au sein de la delivery unit du plan Catch, deux ans après l’annonce de la fermeture de Caterpillar. Le think tank était à l’époque dirigé par un certain… Thomas Dermine.
C’est avec sa casquette de secrétaire d’État à la Relance et aux Investissements stratégiques que ce dernier a fait évoluer cette ébauche vers l’EU biotech Campus, intégré sur 5 000 m au sein du futur bâtiment. Centre de formation à la pointe doté d’un accélérateur d’entreprises, l’infrastructure vise à former les talents de demain, mais aussi à accompagner des start-up et PME dans leur croissance pour en faire des acteurs du marché international.
Production, supply chain, maintenance sont des métiers qui offrent des opportunités d’emploi à un public non diplômé du supérieur. Comme l’a rappelé la ministre wallonne Christie Morreale, en charge de la Formation, 80% des besoins du secteur se concentrent dans ces filières. Sachant que 2 400 nouveaux postes seront créés en 2022, et près de 10 000 directs et indirects dans les années à venir, cela aide à mieux prendre la mesure de l’investissement.
L’EU Biotech campus se présentera comme une plateforme multi-opérateurs, spécialisée dans la formation de talents. De cette manière, l’outil est appelé à devenir l’un des porte-drapeaux de la biotech et du pharma en Europe, complémentairement à l’offre des institutions d’enseignement, de formation et des centres de compétence, a souligné son président, Frédérick Druck, secrétaire général de Bio.be/Essenscia.
Une success story carolo
Les arbres qui tombent font plus de bruit que ceux qui poussent. L’image, empruntée par Thomas Dermine au dico des citations universelles, résume bien l’évolution de l’emploi à Charleroi, où les 2 000 postes perdus avec fracas chez Caterpillar, voici cinq ans, ont été lentement mais complètement compensés par la création de nouvelles activités.
Élément central de l’Aéropôle souvent présenté comme la Biotech Valley wallonne, le Biopark a participé à cette évolution, avec en 2021 plus de 3 200 emplois, 90 acteurs biotech, 3 instituts de recherche et 1,5 milliard€ de chiffre d’affaires. La présence d’acteurs majeurs du marché lui confère aujourd’hui une dimension internationale et une haute visibilité. Et dire qu’il y a 25 ans, l’eldorado économique ressemblait encore à un champ de patates…
Si l’image de Charleroi reste encore attachée aux charbonnages, à la sidérurgie et à l’industrie verrière, le Pays noir ne doit pas avoir de nostalgie: il accueille désormais les usines de demain dans des secteurs de pointe. À côté du biotech et du pharma, des projets comme celui d’Aerospacelab, avec sa megafactory pour la construction de satellites, sont là pour le rappeler.