Économie sociale à Charleroi: un double anniversaire, entre fierté et inquiétude
Acteurs majeurs de l’insertion socioprofessionnelle à Charleroi, Le Germoir et Quelque chose à faire soufflent 40 bougies. Sur fond d’inquiétude.
- Publié le 23-09-2022 à 21h22
- Mis à jour le 23-09-2022 à 22h37
Quarante ans ! Les centres d’insertion socioprofessionnelle (CISP) Quelque chose à faire et Le Germoir se préparent à fêter quatre décennies d’action au service de la remise à l’emploi. Ce sera le vendredi 30 septembre prochain sur le site d’économie sociale de Monceau-Fontaines, à Monceau-sur-Sambre, ancien siège de charbonnage que les deux jubilaires ont contribué à transformer. Le site accueille aujourd’hui 17 opérateurs investis dans la formation, l’entrepreneuriat, l’environnement, le coaching et l’animation.
Si l’anniversaire leur offre l’occasion de remercier leurs équipes, stagiaires et partenaires, Le Germoir et Quelque chose à faire (QCàF) traversent une période de grande inquiétude. En cause: une perte de stagiaires. "Leur nombre est tombé entre 60 et 40% de celui que nous accueillions avant l’arrivée du Covid", confient Carole Duchateau, à la tête du Germoir, et Jacques Hocquet, le directeur de QCàF. "Nous constatons l’un et l’autre un double phénomène: une précarisation de nos publics cibles et un éloignement de l’emploi. Or, comme notre financement est calqué sur notre volume d’heures stagiaires, c’est l’anxiété."
Pour attirer de nouveaux inscrits, les deux CISP ont multiplié les actions de promotion: campagne d’affichage dans les bus TEC du réseau carolo, rencontres et animations au Resto du cœur. Des démarches qui n’ont, jusqu’ici, pas permis de compenser le déficit d’inscriptions.
"Ce n’est pas faute d’avoir fait preuve d’innovation sociale", souligne Jacques Hocquet. "Les formations plus courtes du Forem captent une partie de nos publics. Nous avons commencé à réfléchir à la façon de pouvoir proposer des contenus qualifiants sur des cycles moins longs, tout en maintenant l’accompagnement psychosocial qui nous différencie", ajoute Carole Duchateau.
En ces temps de crise où les prix de l’énergie explosent et ceux des matières premières flambent, que ce soit dans la construction ou l’horeca avec des hausses de 15 à 35%, il faut se résoudre à devoir augmenter les tarifs. D’autant que l’indexation automatique des salaires impacte aussi les coûts de revient. Le seul élément qui n’a pas encore connu de majoration, c’est l’indemnité d’un euro de l’heure octroyée aux stagiaires. « Alors que l’augmentation des carburants à la pompe peut constituer un frein à leur engagement. »
Le nombre d’inscrits est tombé à près de la moitié de ce qu’il était avant le premier confinement. "S’il y a un message à faire passer à nos autorités politiques, c’est celui d’adapter les bases de financement sous peine de mettre toute notre filière en danger de démantèlement, voire de mort." C’est dit.
Que la fête commence
Le 30 septembre, Le Germoir et Quelque chose à faire mettent les petits plats dans les grands pour souffler leurs 40 bougies. Au cours de leur histoire, ces entreprises d’économie sociale et de formation par le travail ont dû s’adapter à l’évolution des besoins du marché de l’emploi, des profils des stagiaires et des modes de financement.
L’après-midi, ludique, est l’occasion pour elles de présenter leurs orientations et projets actuels et futurs: elle s’articulera autour de trois temps forts. De 13 à 17 h, un jeu intitulé " Toujours vers le futur ", organisé par Didier Colart et Éric Hublart, de Charlerooms, attend plusieurs dizaines d’équipes de 4 à 6 joueurs. Elles seront appelées à résoudre une énigme liée aux activités de formation et d’insertion socioprofessionnelle en voyageant dans le temps. C’est ouvert à tous avec inscription obligatoire sur le site www.toujoursverslefutur.be avant ce lundi.
À 17 h, une prise de parole des responsables associatifs et politiques est prévue. Un buffet de verrines et préparations durables viendra dans la foulée. À partir de 19 h 30, place à la musique et à la danse avec un concert. "Un cadeau de remerciement à nos travailleurs, partenaires et stagiaires pour leur investissement."
Le Germoir, mode d’emploi
Toutes les femmes ont du talent. Toutes. Ce constat a servi de socle à la fondation du Germoir, il y a quarante ans, pour proposer des formations à celles qui n’avaient pas d’emploi. « Pas d’emploi, ça ne veut pas dire pas de compétences ni de talent, observe la directrice Carole Duchateau. Notre structure a donc mis en place deux filières: l’une de commis de salle et de commis de cuisine à partir de notre restaurant pédagogique et de notre sandwicherie où nous favorisons l’utilisation de produits en circuits courts ; l’autre de technicienne de surface et d’aide-ménagère. »
C’est ainsi à un public 100% féminin que le Germoir se consacre, avec une offre de formations qui débouche sur de vrais contrats d’emploi en fin de stage. "Pour coller au marché du travail et aux attentes de nos publics cible, nous avons entamé un partenariat avec la promotion sociale pour la validation des acquis. Nous avons raccourci la durée des cycles de formation, créé des passerelles et intensifié notre marketing social."
Certifié Iso 9001, le centre d’insertion socioprofessionnelle a entamé une démarche durable dans ses pratiques au quotidien. "Nous nous sommes inscrits dans le projet “zéro déchet”, et nous participons à la distribution de collations soupes gratuites et équilibrées dans des écoles de Charleroi et Farciennes."
Après l’édition d’un livre de Marcel Leroy retraçant l’histoire du Germoir, l’extension du restaurant doit se concrétiser l’an prochain. Il s’agit d’un bâtiment de 240 m2 dont la construction a été confiée à Quelque chose à faire. Cet espace permettra d’accueillir l’organisation de séminaires avec du catering.
De la filière qualifiante à l’immobilière sociale
Depuis sa création inspirée par l’œuvre de son fondateur, Roger Vanthournout, l’ASBL Quelque chose à faire vise l’insertion sociale et professionnelle des stagiaires par l’apprentissage d’un métier de la construction sur des chantiers réels. « Notre EFT est active sur trois bassins: à Charleroi sur notre site de Monceau-Fontaines, dans le Centre à La Louvière où nous avons repris l’activité de Contrepoint, et en Basse-Sambre à Auvelais où se concentre notre formation de technicien de maintenance en chauffage, explique le directeur de l’ASBL Jacques Hocquet. Nous fonctionnons avec 18 équipes comprenant chacune un formateur et 2 à 4 stagiaires. Nous disposons en outre d’une équipe pluridisciplinaire spécialisée en écoconstruction et en logements passifs. »
Depuis 2018, QCàF se double d’une coopérative immobilière à finalité sociale: SoLoginnov propose à la vente des biens qui ont fait l’objet de rénovations. Elle porte en ce moment trois projets de logements ou d’ensembles de logements à Tamines, Farciennes et Monceau-sur-Sambre. Comme Le Germoir, l’entreprise a mis en place des passerelles entre le préqualifiant et le qualifiant pour ouvrir les perspectives de ses stagiaires et permettre à celles et ceux qui le souhaitent de valider leurs compétences. Dans ce cadre, des modules challenge en électricité, plafonnage et toiture ont été testés au sein des différents lieux de formation.