Mario Notaro revient sur ses années auprès des Zèbres: «John Collins nous prenait pour des hommes préhistoriques» (vidéo)
À bientôt 72 ans, Mario Notaro raconte l’évolution d’un métier et d’un club qui le passionnent toujours.
Publié le 20-05-2022 à 12h07 - Mis à jour le 20-05-2022 à 12h09
La démarche est chaloupée, le sourire chaleureux et l’intonation chantante. En ce mardi matin de mi-mai, à l’heure d’un café serré, Mario Notaro porte une chemise manches courtes ajustée et des lunettes de soleil bien nécessaires pour contrer ce soleil généreux.
À 71 ans, l’homme revit après une crise sanitaire qui l’a miné. Il peut désormais profiter d’une douce retraite en transition. Celui que l’on a régulièrement surnommé – et qui s’est lui-même surnommé – le "pompier de service", allusion aux nombreux postes qu’il a occupés au Sporting, d’entraîneur intérimaire à conseiller sportif, livre un regard prudent mais lucide sur l’évolution d’un sport et d’un club qui le passionnent toujours autant. Même s’il les suit aujourd’hui plus en tant que spectateur qu’acteur.
Mario, vous êtes officiellement retraité mais on vous voit encore régulièrement à Charleroi, aux entraînements et aux matchs. Vous avez du mal à décrocher?
«Le Sporting a toujours eu du respect à mon égard durant mes 27 ou 28 années au club. Il a compris que j’aurais du mal à arrêter du jour au lendemain pour aller à la pêche. Ce que je fais à Charleroi, je le fais encore avec passion. La direction me permet d’arrêter calmement, petit à petit, et de pouvoir passer plus de temps en famille, notamment en créant un poste qui n’existait pas avant. On pourrait appeler ça conseiller technique.»
Jusqu’à quand voudriez-vous l’exercer?
«Je vais en discuter en fin de saison avec les dirigeants. Je ne veux pas être totalement inutile ou dérangeant. Si je reste, il faut que je puisse encore apporter un petit quelque chose.»
Concrètement, quel est votre rôle au quotidien?
«Je ne suis plus actif sur le terrain. Jusqu’à la saison dernière, j’accompagnais le groupe dans son horaire, presque du matin au soir, et j’intervenais ponctuellement dans certaines situations et discussions. Cette saison, j’ai pris du recul. Je pense que cela arrange tout le monde. Je suis encore là, mais plus en retrait, et disponible si on me demande mon avis. J’estime que l’expérience que j’ai acquise peut parfois empêcher un certain emballement, dans un sens comme un autre.»
Décider, cela vous manque?
«Non, pas spécialement. Le staff est tellement élargi qu’il y a assez de personnes pour débattre et trancher.»
Quand vous voyez l’hommage rendu à «Bello» (le magasinier du club qui s’en ira en fin de saison), vous arrive-t-il de penser au jour de votre départ?
«D’abord, je tiens à dire que je suis très content pour ‘Bello’. Il mérite cet hommage, comme toute sa famille, pour toutes ses années de travail précieux dans l’ombre. Je ne pense pas que j’aurai besoin d’un tel hommage mais, dans ma tête, je n’y suis pas encore donc je n’y pense pas trop.»
Que pensez-vous du virage très jeune qu’a pris la direction en confiant le poste de T1 à Edward Still, âgé de 30 ans au moment de sa nomination l’été dernier?
«C’est une bonne chose dès l’instant où on ne remet pas tout en question. Et ce, même si le football a évolué. La façon de jouer, le pressing, la vitesse d’exécution, et surtout les paramètres à prendre en compte… Edward Still maîtrise son sujet, son staff également.»
La vitesse de cette progression vous surprend-elle?
«Pas vraiment. Je vais vous raconter une anecdote. Quand John Collins est arrivé à Charleroi (NdlR: il a été entraîneur de décembre 2008 à juin 2009) et qu’il a comparé nos méthodes avec ce qui se faisait déjà en Angleterre, il nous prenait pour des hommes préhistoriques. Donc oui, il fallait que la Belgique évolue aussi. Il y avait de la demande et il y a donc eu de la recherche.»
À différents niveaux…
«Selon moi, là où les progrès sont énormes, c’est au niveau des stats et de la vidéo. Quand j’ai commencé à entraîner, je devais découper les images moi-même, je les collais bout à bout et cela prenait un temps fou! Aujourd’hui, on a des outils modernes, donc pourquoi ne pas s’en servir? Au niveau physique aussi tout a changé. Quand j’entraînais, je ne connaissais pas la vitesse VMA de mes joueurs, pas plus que leurs pulsations cardiaques ou leur état de forme, donc j’établissais les groupes de course simplement par mon ressenti, pas avec les données. Et que dire du médical? À mon époque, quand on se blessait au ménisque, notre saison était pratiquement foutue. Aujourd’hui, si tout va bien, on peut rejouer trois ou quatre semaines après. Les diagnostics sont plus précis et l’encadrement est plus complet, plus présent.»
Les datas ne dénaturent-elles pas le football?
«Il y a un décalage de génération entre les jeunes entraîneurs débutants et moi, évidemment. Cela va peut-être vous surprendre mais je considère que les datas ont le mérite d’exister. Qu’elles doivent exister. Aujourd’hui, on a un tas d’informations pratiquement en direct, on sait voir et revoir des actions sous plein d’angles différents. C’est dingue.»
Mais ça ne remplace pas un coach, un homme qui sent son vestiaire, si?
«Non, mais on ne parle presque plus du même métier. Avant, l’entraîneur entraînait. Maintenant, il faut dire ‘manager’, ‘people manager’ou je-ne-sais-quoi. Un T1 moderne doit avoir des connaissances dans tous les domaines qu’il utilise, mais il doit aussi savoir déléguer. Mais fondamentalement, les règles du sport sont les mêmes et les bases du coaching valent toujours.»
Auriez-vous aimé être entraîneur en 2022?
«Oui, cela m’aurait plu. Je suis un homme de relations. Or, quand un club grandit autant et que le nombre de personnes dans et autour du staff augmente autant, il y a forcément un tas d’avis qui se confrontent. Et il faut alors un management intelligent, avec des valeurs, pour gérer ça.»
Et auriez-vous aimé être joueur en 2022?
«Financièrement, oui (sourire). Pour les infrastructures aussi. Mais des choses me manqueraient. À l’époque, on menait un rythme de vie très différent si vous voyez ce que je veux dire… (sourire). Et ça, je ne voudrais pas l’échanger.»