La police recrute ses propres aspirants
Les zones de police ont désormais la main sur le cheminement de recrutement. Deux jeunes policiers témoignent.
Publié le 22-02-2022 à 06h00
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Ashley et Florian ont intégré le service intervention de Charleroi, qui compte 212 policiers opérationnels voici quelques années. Ils témoignent.
Ashley et Florian, comment et pourquoi avez-vous décidé de devenir policiers?
Ashley: Pendant mes humanités, j’avais étudié la comptabilité, je me destinais à une formation de secrétaire. Mes stages en entreprise m’ont définitivement convaincue que je n’étais pas faite pour rester derrière un bureau toute la journée. J’avais envie d’action sur le terrain. J’ai donc passé ma sélection puis rejoint l’académie de Jurbise pour suivre le cursus.
Florian: Pour ma part, je rêvais d’un job combinant le social et le judiciaire. Mon père était policier à Charleroi. Je lui ai emboîté le pas…
La zone de police de Charleroi, c’est un choix par défaut ou une vraie demande?
A et F: Oui, c’est une demande! Dans une grande ville, le travail à l’intervention offre une grande diversité de tâches, ce n’est jamais la routine. En arrivant le matin, nous ignorons quelle sera notre journée: accident de roulage avec dommages corporels, différend conjugal ou de voisinage, scène de coups, vol par effraction, meurtre… Nous allons là où l’urgence le réclame.
Votre formation vous a-t-elle bien préparé au métier de policier?
F: Je dirais qu'il y a quand même un décalage entre la théorie et la pratique. En académie, on ne nous a, par exemple, jamais dit que nous passerions 60% de notre temps à l'administratif. Parfois, c'est très lourd à gérer.
A: Cela explique que des suspects quittent parfois la tour de police avant que nous ayons terminé les PV. C’est le prix du manque de moyens de la police, et de la justice en général. Cette réalité-là est, par contre, parfaitement intégrée.
Quel est votre plus mauvais souvenir en intervention?
A: Sans nul doute, le décès d’un enfant dans un accident de la route. Sa mère hurlait, je l’entends encore. C’est émotionnellement très, très dur. On m’a proposé l’aide d’un psychologue, mais j’en ai parlé avec des collègues et cela m’a apaisée.
F: Lors de mon stage à Châtelet, j’ai vu un garçon de mon âge mourir après l’éclatement d’un pneu qu’il était occupé à gonfler sur une jante. Il a fallu aller avertir sa famille. Nos gradés s’en sont chargés avec des psychologues.
Comment s’organise la prise de fonctions au quotidien?
F: À notre arrivée, pour le service, nous passons nous changer et nous nous équipons, en ce compris nos armes. Puis nous participons à un débriefing où nous sommes informés de ce qui s’est passé. Après avoir pris possession des clés de notre véhicule d’intervention, nous sommes en contact radio avec nos supérieurs qui nous attribuent des missions. Il peut n’y en avoir que deux ou trois. Mais aussi, dix à quinze, cela dépend des jours et de la situation en ville.
Travaillez-vous toujours en binôme?
A: Oui, sauf période de congé ou absence pour maladie. L’esprit d’équipe est important dans notre job. On soutient le binôme quand on sent une faiblesse, un problème, même d’ordre privé. Nous sommes plus des partenaires que de simples collègues.
Quelles sont, selon vous, les qualités requises pour assurer ce métier et ses nombreuses missions?
A et F: La faculté d’adaptation, le sens de la psychologie, l’écoute et la résilience. Il faut bien sûr aimer le contact avec les gens mais sans tomber dans le travers de l’assistanat. Des citoyens voudraient en effet qu’on fasse tout à leur place, remplir des documents, effectuer des démarches, etc. Ce n’est pas notre rôle. Il faut parfois de l’audace, aussi, et c’est souvent après coup que nous prenons conscience des risques que l’on a pris!