Réforme cadastrale à Charleroi: le projet divise les élus
Le MR et le PTB dézinguent le projet de réforme cadastrale que porte la majorité communale de Charleroi.
Publié le 22-06-2022 à 22h00
C’est peu de dire que le projet de réforme cadastrale inscrit dans le nouveau plan de gestion de Charleroi divise le conseil communal. Au sein de l’opposition, le MR et le PTB tirent à boulets rouges et bleus sur cette proposition qui va plomber les finances des ménages. D’autres élus de la minorité se montrent plus modérés (lire ci-dessous). Cheffe de groupe PTB, Pauline Boninsegna avance le chiffre d’un coût de 10 millions d’euros pour les propriétaires à l’horizon 2027. "Car au-delà des cinq millions de recettes supplémentaires attendues par la Ville, il faut en ajouter cinq autres que vont se partager la Wallonie et la province de Hainaut" , assure-t-elle.
Le député MR Denis Ducarme accuse le bourgmestre d’être saisi d’une poussée de rage taxatoire. "Une forme de schizophrénie entre un Paul Magnette Dr Jekyll qui avec sa casquette de président du PS dit vouloir renforcer le pouvoir d’achat des Belges, et un Paul Magnette Mister Hyde qui avec sa casquette de bourgmestre veut faire contribuer ses concitoyens davantage au déficit de sa ville. Et quand je dis ses concitoyens, je ne parle pas que des propriétaires. À Charleroi, son projet de péréquation cadastrale va engendrer des augmentations de loyers qui seront répercutées sur les locataires, ainsi qu’une hausse à la fois des charges pour les commerçants et des droits d’enregistrement réduits pour certains candidats à une acquisition immobilière. Une fois encore, la classe moyenne sera en première ligne pour éponger l’ardoise. Magnette et son équipe gèrent les finances publiques comme des bras cassés" , assène-t-il.
La pilule ne passe définitivement pas. "Et le timing est particulièrement mal choisi, sur fond d’explosion des prix de l’énergie et de flambée des coûts de consommation!"
Dans le cadre de la perception du précompte immobilier, l’actualisation de la matrice cadastrale permet d’adapter le calcul du précompte à la réalité urbanistique et à l’évolution des quartiers.
Plusieurs communes ont décidé de recruter un indicateur-expert provincial pour mettre à jour les données patrimoniales. Et c’est là que le bât blesse: le chef de file MR de Charleroi qualifie de "fallacieux" l’argument d’équité fiscale avancé par l’échevin des Finances Thomas Parmentier. En fait, la mesure ne va servir qu’à renflouer les comptes en déficit de la commune. Même analyse politique du PTB. Pauline Boninsegna et son groupe combattront fermement ce projet… aux côtés du MR. Appelée à réagir, la majorité tripartite PS-C +-Écolo réserve la primeur de sa réplique au conseil communal, dont la prochaine séance publique a lieu ce lundi 27 juin. Elle n’en pointe pas moins plusieurs sophismes et contre-vérités dans les offensives de l’opposition PTB et MR.
Le revenu cadastral, c’est l’indice de valeur locative d’un bien immobilier sous déduction de ses charges d’entretien. Cet indice permet de définir le revenu immobilier sur lequel le citoyen est taxé. Pour le déterminer, deux facteurs entrent en ligne de compte: d’une part, la localisation de l’immeuble (proximité d’une gare, d’un centre urbain, etc.), de l’autre, ses caractéristiques matérielles, c’est-à-dire son confort et son équipement (salle de bains, extension de superficie, piscine, etc.).
Ce sont ces éléments que Charleroi veut actualiser pour une fiscalité plus juste. Les communes ont l’obligation de le faire, nous dit-on dans la majorité. Selon quelle méthodologie? Précisément, le conseiller communal DéFI Jean-Noël Gillard l’ignore à ce stade. Il attend d’en savoir plus à ce propos. Si une commission communale préparatoire au conseil s’est tenue ce mercredi 22 juin, il demandera des éclaircissements en séance publique du conseil. "Je ne veux pas m’opposer par principe , annonce-t-il. Mais pour me positionner, je dois au minimum tout savoir et tout comprendre. En d’autres termes, je reconnais à la tripartite communale un certain courage politique. Pour autant, je ne lui signerai quand même pas un chèque en blanc."
Nicolas Kramvoussanos (indépendant) estime pour sa part nécessaire une actualisation du cadastre. "La dernière adaptation date de 1975, il y a presque un demi-siècle" , note-t-il. Or, la ville, le bâti, les quartiers ont changé, cela impose de tout remettre à plat. Des propriétaires ont rénové leurs bâtiments, ils les ont agrandis, parfois sans permis, il est logique qu’ils paient plus cher. Mais dans d’autres périmètres, des diminutions de l’indice de référence se justifient, c’est un travail d’examen au cas par cas. "Le déficit budgétaire s’approfondit. On en est aujourd’hui à 70 ou 80 millions d’euros sans les aides wallonnes, demain la facture grimpera à cent millions. Avec les voitures et le travail, le foncier est un levier d’action. La réforme me paraît souhaitable et utile, pour reprendre une expression récente de Paul Magnette." , conclut-il.