Le verre dans tous ses éclats au Bois du Cazier
La 2e Biennale du verre se tient jusqu’à dimanche soir au Bois du Cazier. Petit aperçu de 34 artistes de talent, rigoureusement sélectionnés.
Publié le 21-05-2022 à 06h00
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La 2eBiennale du verre de Charleroi propose, pendant tout ce week-end, un très bel aperçu de l’art verrier contemporain, de Belgique et d’Europe. Aux côtés de leurs œuvres, 34 artistes verriers sont présents au Bois du Cazier, prêts à partager leur art, leur passion et leurs techniques innombrables. Au cœur de leur activité, la création et l’esthétique bien sûr, mais aussi une dimension philosophique et métaphysique, ainsi que, pour plusieurs d’entre eux, des interpellations sur les problèmes cruciaux de notre temps.
Le prochain «focus»
Dès l’entrée, impossible de manquer les créations du Français Jean-François Lemaire (Grand Est). Empreintes de temps, du chaos à la lumière, élévation: trois thématiques qui sont l’objet de ses cogitations récentes. La première matérialise un instant figé, un peu comme l’ambre peut fixer un insecte. La deuxième rappelle une sorte de carotte de glace, preuve d’une vie qui commence par le bas de celle-ci. La troisième évoque la recherche d’une relation terrestre-céleste "qui exprime que l’humain a besoin de ses racines culturelles, familiales, pour se développer" .
"Ce qui m’intéresse, insiste l’artiste, c’est l’alchimie du verre: au départ, c’est toujours du sable, qui peut être transparent, coloré, opaque, avec des aspects différents. On peut passer du chaos à la lumière, avec la dimension philosophique que comporte celle-ci."
Déjà invité à la 1rebiennale, Jean-François Lemaire aura l’honneur du prochain "Focus d’artiste" du Musée du verre, en septembre prochain. "Je suis déjà ravi de revenir à Charleroi. Et ce sera pour moi un honneur d’être invité personnellement dans un tel musée. Pour moi, c’est une première!"
Le Covid-19 «vitrifié»
Dimension philosophique également pour l’œuvre d’un autre Français, Pascal Lemoine, éducateur de formation, plutôt rebuté au départ par la verrerie classique. S’il estime importante la technique, "il faut aussi écouter la matière" , dit-il, la création étant surtout question d’émotion, avec un rapport charnel, "davantage du côté de l’estomac que de la tête" . Ses créations, en verre soufflé à la base, évoquent les métamorphoses. Il laisse les erreurs s’exprimer, formant au final un tout cohérent. "C’est de l’erreur, du hasard que jaillit la création" , dit-il.
Les ravissants collages de verre au chalumeau de Corinne Joachim, associés à une céramique un peu primitive, touchent aussi aux dimensions terrestres et célestes de notre humanité. Jean Gazdac, pour sa part, interpelle sur l’outil dont il a remplacé une partie par un cristal bleu de cuivre, où contraste la solidité du métal avec la fragilité de l’esthétique du verre, "confrontation d’un monde connu et d’un présent qu’on ne connaît pas" .
Qualité en hausse
Avec James Lethbridge, on aborde la nature, et plus précisément ses parties microscopiques. Si la base, en verre soufflé, rappelle des formes parfois classiques, les éléments étirés à la pince peuvent évoquer, entre autres, le tristement célèbre coronavirus. Une technique parfaitement maîtrisée qui a valu au Britannique une sélection pour le mondialement renommé Cobourg Glass Price.
Venue de Suisse, Priska Jacobs traduit superbement dans ses œuvres la fonte des glaciers due au réchauffement climatique et scelle dans le verre des visions sous-marines de lacs de montagne où baignent d’énormes blocs de glace.
Et de son côté, la Brabançonne Chantal Delporte poursuit son travail sur les périls qui menacent la nature en mettant à l’honneur, de façon magistrale, l’ancienne technique du verre églomisé, qui sert parfaitement son propos.
Pour sa deuxième édition, la Biennale a encore rehaussé le niveau de qualité. Le choix s’est fait sur base de 70 candidatures, avec un renouvellement de 66%. Les paramètres essentiels étaient la maîtrise technique et une dimension artistique ou artisanale reconnue, tout en veillant à la variété et à l’accessibilité au plus grand nombre, insiste Catherine Thomas, conservatrice du musée. Bagatelles Créations et l’atelier de vitrail Tiffany de Dominique Houdard en témoignent.