Ce lundi midi, les trains le franchissent
Fin (spectaculaire) d’un chantier de 220 jours calendrier: un nouveau pont, opérationnel dès ce lundi, orne la ligne 150 Tamines-Aisemont.
Publié le 28-08-2017 à 06h00
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En attendant depuis 24 heures ce spectaculaire et rare moment, ils auront eu l’occasion de refaire au moins dix fois le monde, de discuter de la santé du gamin, des dernières vacances, des bonnes résolutions de la rentrée et au passage, peut-être, des prodiges de la technologie.
Attendus vendredi au cours de la journée, c’est finalement samedi matin que le levage et la dépose d’un pont ferroviaire sur deux culées de béton se sont lentement déroulés. Une manœuvre herculéenne croisant l’acier et l’intelligence humaine, chronophage par le seul poids de cet ouvrage de génie civil: plus ou moins 360 tonnes d’acier qu’il a bien fallu soulever, déplacer et ajuster sur deux piles de béton. Une opération délicate qui a déjoué toutes les prévisions horaires et sur laquelle les équipes se sont finalement couchées, vendredi soir, prises de court par la nuit.
Cette superstructure, assemblée par la société Franki, est sortie le 16 août des ateliers de Techno Métal Industrie (TMI) de Seilles (Andenne) pour être acheminée par la Meuse et la Sambre jusqu’à Tamines, sa destination finale. Pour ces mensurations-là, 54 m sur 6,50 m, La voie fluviale s’imposait comme la seule voie possible de transport.
Le client est Infrabel, la filiale de la SNCB qui gère l’infrastructure du réseau ferré. Celle-ci procède au remplacement des ouvrages d’art qui ont traversé au moins un siècle, élégants et typiques témoins d’une autre époque, bardés de rivets, mais devenus trop coûteux à entretenir.
Ainsi en était-il de ce pont enjambant la Sambre, un peu plus loin que la rue de l’Abattoir.
Sur place, la multinationale Sarens a dû sortir l’équipement lourd, une grue titanesque aux articulations puissantes qu’elle a vissée à une plate-forme flottante.
Samedi, vers 9 heures, on n’entend qu’elle: sa progression centimètre par centimètre, son approche hyper-calculée de la cible, l’énorme pont pris dans son crochet et ses filins.
«La manœuvre prend du temps parce qu'il s'agit d'une charge énorme posée sur l'eau, et l'eau se déséquilibre assez vite, on doit sans cesse compenser les barges en les remplissant d'eau ou les vidant en fonction des mouvements de la grue», explique l'ingénieur responsable d'Infrabel Mathieu Cleremans.
La manutention et les ajustements précis du tablier sur ses deux appuis de béton, s’ils prennent des plombes, rassasient au moins tous les photographes: la scène n’est pas que lente, elle remplit généreusement le cadre, se laissant capturer tranquillement, sans téléobjectif, avec le concours d’une lumière vive et voilée de cinéma.
Vers midi, le pont est quasi placé mais, interrogé sur l’heure de fin, l’ingénieur déconcerte, il parle d’encore trois heures de travail, pour bien stabiliser l’ouvrage et, ensuite, le décrocher de la grue.
Le métallique se règle au millimètre mais le béton dit-il, au centimètre. Il reste un jeu de 3 ou 4 cm à ramener à zéro.
«Ma femme dit toujours que c'est les derniers centimètres qui comptent», dit en riant un second ingénieur.
D’ultimes et longs réglages que le public n’aura eu ni le temps ni l’envie d’attendre.
Les travailleurs de Sarens et Infrabel ont vécu sans spectateurs et sans gloire la fin de cette prouesse humaine et technologique.