Des crânes de l’époque coloniale vendus aux enchères à Uccle… avant que l'hôtel de ventes ne décide de les rapatrier
Trois crânes humains liés au passé colonial belge devaient être vendus par l’hôtel Vanderkindere à Uccle. Voyant la polémique enfler, ce dernier va finalement les rendre aux pays d'origine. Une manifestation est prévue ce mercredi à 18 h 30 devant le point de vente.
Publié le 30-11-2022 à 20h45
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”Un crâne de Bangala anthropophage aux incisives taillées en pointes, un crâne du chef arabe Muine Mohara décoré d’un bijou frontal, et un fragment de crâne collecté au “Figuier de la mort” dans le village de Bombia dans la province de la Mongala, en RDC.” Ces trois reliques macabres de l’époque coloniale ont été déposées à l’hôtel de vente Vanderkindere avec d’autres lots destinés à une vente le 14 décembre, provenant du même propriétaire privé.
Ce mardi soir, le collectif “mémoire coloniale” annonçait ses intentions d’ouvrir une action en justice et publiait un communiqué dénonçant “cette vente odieuse [qui] n’est que la énième expression de la déshumanisation issue de la colonisation qui se perpétue encore aujourd’hui. Des crânes, des dépouilles de Congolais sont encore aujourd’hui considérés comme des “objets de curiosité” que l’on peut exposer en ligne et physiquement, évaluer en argent et vendre aux enchères sans que cela n’interroge quiconque.”
LIRE AUSSI | À l’approche de Saint-Nicolas, la question du Père Fouettard en blackface revientMercredi matin, voyant la polémique enfler, l’hôtel Vanderkindere a finalement retiré le lot de la vente. “L’hôtel de ventes Vanderkindere tient sincèrement à s’excuser d’avoir proposé aux enchères un lot comprenant trois crânes humains liés au passé colonial belge, et c’est pourquoi ceux-ci sont impérativement retirés de la vente”, a indiqué l’hôtel de vente, avant finalement d’annoncer que les crânes seraient rachetés sur fonds propres (pour une somme estimée à environ 1.000 euros) et qu’un rapatriement serait organisé.
719 restes humains dans les institutions, peut-être plus chez les privés
Le collectif “mémoire coloniale” reste toutefois sceptique quant à la position adoptée par l’hôtel Vanderkindere et la monétisation des crânes. “Ça confirme que nous devons rester mobilisés, l’hôtel Vanderkindere n’est pas compétent pour prendre contact avec les gouvernements congolais et tanzanien”, et de demander la saisie par l’État belge afin d’établir la lumière sur les zones d’ombre du dossier : authentification des reliques, causes de la mort, descendance, et d’autres informations.
Depuis 26 ans que je tiens le marteau, c’est la première fois que je vois des ossements humains.
- Le commissaire-priseur de l'hôtel de ventes Vanderkindere
Au total, on recense déjà 719 restes humains officiellement enregistrés au musée des sciences naturelles, au Musée Royal de l’Afrique Centrale, à Tervuren ou à l’ULB. “Mais il est impossible de savoir combien d’ossements restent chez les particuliers, informe une membre du collectif mémoire coloniale. Tout était consigné mais on ne sait pas où ils se trouvent.” A l’hôtel Vanderkindere, “depuis 26 ans que je tiens le marteau, c’est la première fois que j’en vois”, se rappelle le commissaire-priseur. Il y a cependant fort à parier que ces reliques macabres et volées sont plus régulièrement offertes ou héritées.
L’hôtel affirme être dans son bon droit, car aucune législation n’interdit la vente d’ossements. Mais c’est justement ce que le collectif mémoire colonial dénonce. “La colonisation belge doit être reconnue comme un crime contre l’humanité. Le gouvernement doit interdire le recel des dépouilles et en faire une affaire pénale.”
Notons que la commission qui travaille sur la question devra rendre son rapport dans le mois. Le MR, l’Open-VLD, la N-VA et le Belang se sont déjà opposés à l’idée de formuler des excuses, rapporte le collectif.
Une manifestation aura lieu devant l’hôtel Vanderkindere à 18h30, ce mercredi.