”Si on construit la Friche Josaphat, toute zone verte est en sursis à Bruxelles” : les activistes mettent la pression sur le Gouvernement bruxellois

Des associations, dont Greenpeace, Natagora et Sauvons la Friche Josaphat, ont amené abeilles, criquets et oiseaux de la friche Josaphat sous les fenêtres des Ministres ce 2 mars 2023. Ils exigent encore une fois de sauver l’espace vert. Au Gouvernement, l’avis de tempête ne retombe pas entre PS et Ecolo.

Julien Rensonnet

Dans les milieux écologistes, on indique ce jeudi 2 mars que l’exigence d’un retour de la confiance n’avait jusqu’ici pas été rencontrée et que par conséquent les mandataires Écolo et Groen ne viendraient pas au gouvernement. Il a alors été décidé de tenir une réunion électronique à laquelle les Verts prendront part afin de ne pas “bloquer les décisions nécessaires”. Le PAD Josaphat n’est pas à l’ordre du jour.Natagora et Sauvons la Friche Josaphat, manifestent ainsi leur opposition au projet de logement prévu sur le vaste site en bordure de chemin de fer. “Nous exigeons des ministres la protection de cette zone”. Leur plan B est connu depuis 2021.

Alors que la tension entre PS et Ecolo reste nette à ce sujet (lire ci-dessous), les activistes mettent la pression. Pour eux, “la très riche biodiversité du site” n’est pas négociable. Sur la Friche Josaphat, “on retrouve en effet “plus de 1.200 espèces sauvages, dont plus d’une centaine d’oiseaux, autant d’abeilles sauvages et des libellules parfois très rares”, plaident les militants. Parmi ceux-ci, on peut citer faucon crécerelle, hibou des marais, anax empereur, fauvette à tête noire…, sans parler des renards ou grillons méditerranéens. Ainsi, un atlas de la biodiversité des abeilles sauvages élaboré par l’ULB classe la friche Josaphat comme 2e site le plus important à Bruxelles, et le 5e en Belgique. Au total 120 espèces d’abeilles (soit plus qu’au Zwin, pourtant 10 fois plus étendu), 112 espèces d’oiseaux, 33 espèces de papillons, 32 espèces de libellules ont été recensées depuis 2014 par le groupe de défenseurs de la nature. Comptage en cours.

Les activistes soulignent aussi que “la Friche est un espace ouvert de 25 hectares, très précieux pour absorber les pluies abondantes et limiter l’impact des canicules, deux phénomènes météos qui seront de plus en plus fréquents à l’avenir”. Or, pour rappel, la Région prévoit là-bas la construction de 1.200 logements, une école, un hall de sport et les voiries les reliant. Le texte bétonnant le projet est adopté en première lecture par le Gouvernement bruxellois. Mais Ecolo bloque toute avancée depuis mi-février, accusant le PS de vouloir passer en force. “Toute zone verte à Bruxelles est en sursis si on construit sur la friche Josaphat”, alerte Eric De Plaen, du collectif Sauvons la Friche Josaphat. “Si le Gouvernement bruxellois ne trouve pas qu’ici, la nature en vaut la peine, et qu’il faut rechercher d’autres localisations pour bétonner, alors aucun site n’est à préserver”.

guillement

Si le Gouvernement bruxellois ne trouve pas qu’ici, la nature en vaut la peine, et qu’il faut rechercher d'autres localisations pour bétonner, alors aucun site n’est à préserver.

Des militants de Sauvons la Friche Josaphat, Greenpeace et Natagora se sont réunis ce 2 mars 2023 pour mettre la pression sur le Gouvernement bruxellois, qui planifie des logements sur l'espace vert de Schaerbeek.
Les militants de Sauvons la Friche Josaphat, Greenpeace et Natagora ont amené la biodiversité du site au centre de Bruxelles. ©Sauvons la Friche Josaphat

Les manifestants s’en prennent directement à l’aile socialiste du Gouvernement bruxellois, accusée par les verts de vouloir passer en force. “Alors qu’une partie du gouvernement souhaite attendre la conclusion du PAD et suivre les procédures démocratiques normales, une autre partie veut à tout prix désigner, par des organismes d’intérêt public (OIP), un promoteur pour bâtir sur la partie du site la plus riche en biodiversité”, regrettent-ils, faisant référence aux actions du PS pour charger les différentes administrations (Fonds du Logement, la SLRB, la SAU et Citydev) de désigner les promoteurs. “En laissant ces instances prendre une telle décision, on nie à la fois la démocratie et la nature”, tonne Ruth-Marie Henckes, experte biodiversité chez Greenpeace. “Nous convions la nature ici ce matin, nous sommes très déçus que nos ministres ne le fassent pas”.

Les collectifs rappellent que leur combat de longue date a accouché d’une pétition pour protéger la friche rassemblant plus de 20.000 signatures, que l’enquête publique sur le projet de PAD Josaphat a suscité 2.000 réactions négatives, et que plus de 1.000 personnes ont marché en mai dernier autour de la friche pour la protéger.

guillement

On nie à la fois la démocratie et la nature. Nous convions la nature ici ce matin, nous sommes très déçus que nos ministres ne le fassent pas.

Des militants de Sauvons la Friche Josaphat, Greenpeace et Natagora se sont réunis ce 2 mars 2023 pour mettre la pression sur le Gouvernement bruxellois, qui planifie des logements sur l'espace vert de Schaerbeek.
Des militants de Sauvons la Friche Josaphat, Greenpeace et Natagora se sont réunis ce 2 mars 2023 pour mettre la pression sur le Gouvernement bruxellois, qui planifie des logements sur l'espace vert de Schaerbeek. ©Sauvons la Friche Josaphat

”Le petit jeu d’Écolo ne peut plus durer”

Le gouvernement bruxellois se réunit donc en format électronique ce jeudi. Il s’agit d’une des suites du départ, le 16 février, des membres écologistes de l’équipe Vervoort, Alain Maron, Barbara Trachte (Écolo) et Elke Van den Brandt (Groen). Ces derniers ont refusé de s’asseoir à la table du Conseil des ministres régionaux. Motif : rupture de confiance sur le dossier de la Friche Josaphat. Charge au ministre-président Vervoort d’y remédier.

Pour rappel, la crise se cristallise bel et bien autour du dossier du Plan d’Aménagement Directeur (PAD) de la Friche Josaphat. La zone est une des rares réserves foncières significatives de Bruxelles, où le logement se heurte désormais à la limitation du territoire dans ses 162km2. Ce texte a été adopté en première lecture mais fait depuis lors l’objet d’un blocage. Les Verts souhaitent que l’on mette davantage l’accent sur la préservation des espaces verts, tandis que les socialistes veulent réserver une partie de la zone où la nature a repris le dessus, au logement.

Le PS souhaite que l’appel d’offres pour la construction de 500 logements soit soumis à validation des conseils d’administration des organismes pararégionaux dans les délais impartis, soit d’ici le 9 mars, dans le cadre d’une procédure engagée de longue date. Les Verts craignent un passage au forceps.

Entre-temps, le commissaire (écologiste) du gouvernement de la Société du Logement de la Région Bruxelloise (SLRB) a fait appel de l’approbation du CA jusqu’à la décision du gouvernement.

Écolo et Groen maintiennent leur absence

Dans les milieux écologistes, on indique ce jeudi 2 mars que l’exigence d’un retour de la confiance n’avait jusqu’ici pas été rencontrée et que par conséquent les mandataires Ecolo et Groen ne viendraient pas au gouvernement. Il a alors été décidé de tenir une réunion électronique à laquelle les Verts prendront part afin de ne pas “bloquer les décisions nécessaires”. Le PAD Josaphat n’est pas à l’ordre du jour.

guillement

Les projets de logements prévus sur la Friche Josaphat concernent 150 logements. Ils pourraient être "compensés" par plusieurs centaines de logements à finalité sociale supplémentaires sur le plateau du Heyzel.

Par voie de communiqué, la coprésidente d’Écolo Rajae Maouane réexige des gestes d'apaisement de la part du camp socialiste, notamment en retirant l'attribution du marché de l'ordre du jour du CA du Fonds du Logement, qui se réunit ce 2 mars 2023. "Nous sommes convaincus que de meilleures solutions existent à l'échelle régionale pour mettre à disposition des logements accessibles, tout en développant les espaces verts et de nature. Pour rappel, les projets de logements prévus sur la Friche Josaphat concernent 150 logements. Ils pourraient, par exemple, être "compensés" par plusieurs centaines de logements à finalité sociale supplémentaires sur le plateau du Heyzel", glisse la coprésidente verte.

Dans le camp socialiste, on s’agace de l’attitude d’Écolo. “Ils bloquent, ils provoquent une crise et n’apportent aucune proposition. Ce n’est pas responsable de ne pas se présenter en gouvernement. Le petit jeu d’Écolo ne peut plus durer.” Du côté PS on estime qu’il n’y a aucune raison de bloquer. “L’activation de la friche Josaphat est dans la déclaration de politique général, Écolo a validé le projet en première lecture et là, ils bloquent pour un simple acte administratif. Ils reportent le dossier depuis juin 2022”.

Belga et IPM

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