Les Sœurs Brontë, la Congolaise Gemba “exposée” à Tervueren ou Gisèle Halimi reçoivent une rue à leur nom à Koekelberg

La Commune de Koekelberg a voté la modification de 4 noms de rue sur son territoire, autour de Simonis. Ils sont très symboliques.

Les sœurs Brontë, écrivaines , l'avocate féministe Gisèle Halimi ou la femme congolaise Gemba, exposée à Tervueren en 1897, reçoivent des rues à leurs noms à Koekelberg.
Les sœurs Brontë, écrivaines , l'avocate féministe Gisèle Halimi ou la femme congolaise Gemba, exposée à Tervueren en 1897, reçoivent des rues à leurs noms à Koekelberg. ©National Portrait Gallery/Belga-AFP/Domaine Public

Plusieurs rues de Koekelberg changent de nom. La commune du nord de Bruxelles veut ainsi davantage féminiser son espace public. Le Conseil Communal a validé ces modifications ce 17 avril 2023. Les élus koekelbergeois se sont prononcés à l’unanimité en faveur de ces changements.

Ces changements s’avèrent spectaculaires. Ainsi, alors que le film “Emily” est à l’affiche dans les cinémas du monde entier, la rue des Braves va devenir rue Sœurs Brontë, du nom des trois fameuses autrices britanniques. Celles-ci ont en effet vécu à Bruxelles au début des années 1840. “Elles ont visité Koekelberg plusieurs fois”, assure le communiqué du conseiller communal Robert Delathouwer (Vooruit), à l’initiative.

Les sœurs Charlotte, Emily et Anne Brontë, portrait du peintre Patrick Branwell Brontë en 1834 (National Portrait Gallery).
Les sœurs Charlotte, Emily et Anne Brontë, ici portraitisées par leur frère, le peintre Patrick Branwell Brontë en 1834, auront une rue à leur nom à Koekelberg. © Giancarlo Costa / Bridgeman Images

Ensuite, Renée Douffet donne son nom au segment de l’actuelle rue Herkoliers qui donne sur Simonis. Il s’agit d’une résistante koekelbergeoise, reconnue “Juste” par l’Institut Yad Vashem. Elle a sauvé une amie juive en lui fournissant notamment des faux papiers.

Pour la Belgique et Bruxelles, le nom de l'avocate féministe Gisèle Halimi reste associé à l’affaire dite du “procès d’Aix-en-Provence”: en 1974, Halimi y défend les jeunes Bruxelloises Anne Tonglet et Araceli Castellano, victimes d’un viol collectif à Marseille. Première victoire, les trois auteurs sont condamnés à la prison. Ensuite, l’affaire aboutira à la modification du droit français: en 1980, le viol y devient un crime puni de 15 ans de réclusion.
L'avocate féministe Gisèle Halimi a défendu les jeunes Bruxelloises Anne Tonglet (2e à g.) et Araceli Castellano (à d.), victimes d’un viol collectif à Marseille. ©Belga / AFP

La célèbre avocate féministe Gisèle Halimi donne pour sa part son nom à une partie de la rue de l’Armistice. La Franco-Algérienne défend les indépendantistes algériens et a longtemps milité en faveur du droit à l’avortement. Pour la Belgique et Bruxelles, son nom reste associé à l’affaire dite du “procès d’Aix-en-Provence” : en 1974, Halimi y défend les jeunes Bruxelloises Anne Tonglet et Araceli Castellano, victimes d’un viol collectif à Marseille. Première victoire, les trois auteurs sont condamnés à la prison. Ensuite, l’affaire aboutira à la modification du droit français : en 1980, le viol y devient un crime puni de 15 ans de réclusion.

En 1897, le "zoo humain" de Tervueren a exposé plusieurs "villages" congolais reconstitué dans ce qui deviendra l'Africa Museum. Gemba y a perdu la vie. La Commune de Koekelberg lui rend hommage en rebaptisant de son nom la rue qui héberge l'usine des chocolat Godiva.
En 1897, le "zoo humain" de Tervueren a exposé plusieurs "villages" congolais reconstitués dans ce qui deviendra l'Africa Museum. Gemba y a perdu la vie. La Commune de Koekelberg lui rend hommage en rebaptisant de son nom la rue qui héberge l'usine des chocolat Godiva. ©Domaine public/Alphonse Gautier

Dernier changement, peut-être le plus symbolique de tous, également dans la rue de l’Armistice : la partie de cette voirie où est implantée l’usine Godiva va devenir rue Gemba. Cette femme est peu connue : il s’agit d’une des personnes congolaises qui ont été “exposées” au zoo humain de Tervueren lors de l’expo universelle de 1897. 267 Congolais devaient peupler ces “villages” reconstitués dont 4 périront durant le voyage et 7 durant l’exposition. Madame Gemba en fait partie. Comme Ekia, Kitukwa, Mpela, Zao, Samba et Mbange, qui ont été commémorés en novembre 2022. À nos confrères de La Libre, le Bourgmestre Ahmed Laaouej (PS) et le conseiller communal Delathouwer se félicitent de la portée de cette modification : en modifiant les dénominations de quelques numéros de rue, l’image de Gemba sera exportée dans le monde entier puisqu’elle sera désormais associée aux chocolats Godiva.

Et quid du boulevard Léopold II?

Jusqu'ici, sur 71 artères, Koekelberg ne possédait que deux rues et espaces publics dédiés à des femmes: il s'agissait du parc Elisabeth et de la rue du parc Elisabeth, du nom de la reine des Belges, épouse d'Albert Ier. Les autorités voulaient donc aller un pas plus loin. "La féminisation de l’espace public n’est pas accessoire", commentent de concert Ahmed Laaouej et Robert Delathouwer. "Et il ne faut pas minimiser sa dimension symbolique. Elle est aussi l’occasion de rappeler des faits historiques, politiques et sociaux marquants".

Dans La Libre, Laaouej voit aussi dans ces quatre modifications une réponse au status quo quant au nom du boulevard Léopold II. On sait que les mentions du second roi des Belges dans l'espace public ont rencontré de vives oppositions ces dernières années, et particulièrement à Bruxelles. Un temps évoqué, le rebaptême de l'artère transitant par Koekelberg, Molenbeek et Bruxelles a finalement été abandonné. C'est le tunnel du même nom qui a été rebaptisé Annie Cordy. Et Laaouej s'est déjà prononcé contre l'idée d'en faire de même en surface. Ce qu'il réitère: "Le sujet divise les gens, avec des arguments valables des deux côtés. Nous avons préféré poser un acte de pédagogie active, qui doit rassembler", appuie-t-il auprès de nos confrères de La Libre. "Si on fait disparaître Léopold II de l'espace public, quelle mémoire va-t-on conserver du passé colonial belge, très mal enseigné?"

À en croire le communiqué de la Commune de Koekelberg, ces noms ont été choisis après un processus "d'un peu plus de 2 ans". C'est le conseil local pour la féminisation des voies publiques qui les a arrêtés. Cet organe propre à la commune de Koekelberg se compose "de personnes issues de la société civile et du monde académique et comprend une majorité de femmes. Il est présidé par le Bourgmestre Ahmed Laaouej". Une vingtaine de noms avaient été dégagés desquels ont été sélectionnés les 4 personnalités présentées.

Dans la suite, la Commune assure qu'elle accompagnera les riverains concernés dans les démarches administratives nécessaires au changement d'adresse.

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