Dans trois ans, Bruxelles boira son premier whisky Tipsy Tribe: “Si tu sais brasser une bonne bière, tu sais distiller un whisky” (vidéo)
La brasserie Tipsy Tribe, à Koekelberg, met un whisky en tonneau ce 9 mars. C’est un petit événement : il s’agira du premier whisky bruxellois. Rendez-vous dans trois ans pour déguster ce breuvage inspiré des bourbons américains.
Publié le 08-03-2023 à 17h46 - Mis à jour le 22-03-2023 à 10h25
”Si tu sais brasser une bonne bière, alors tu sais distiller un whisky”.
Ça tombe bien : à Koekelberg, Daniel Fastenau brasse blanches, IPA et triples dans les cuves de Tipsy Tribe, la brasserie qu’il a cofondée avec Aylin Fastenau, sa femme. Dès le départ, le couple a cette idée bien précise d’y mitonner des spiritueux.
Ce 9 mars fera date chez Tipsy Tribe : Daniel et Aylin mettent pour la première fois leur distillat en tonneau. Le liquide, onctueux et translucide, n’a pas encore sa robe cuivrée : il faut le laisser maturer trois ans dans les barils de chêne pour qu’il puisse être dégusté. “Ça sera alors le tout premier whisky bruxellois”, avance fièrement Aylin. L’ambition est de s’inspirer des bourbons américains.

Tout part des céréales: de l'orge et du froment maltés comme pour la bière, et des pétales de maïs.
Le liquide qui patiente avant d’aller dormir dans le bois fumé vient d’une double distillation que Daniel a supervisée pendant deux semaines. “Tout part des céréales : de l’orge et du froment maltés comme pour la bière, et des pétales de maïs”. Pour un alcool inspiré du bourbon, la recette embarque 51 % de maïs. “Je brasse 500 litres de bière de 8 à 10°, mais sans houblon : ses propriétés aromatiques et amérisantes ne conviennent pas au whisky”.
Du chêne américain

Après 10 jours de fermentation, Daniel lance la distillation. Il doit savamment couper “tête” et “queue” de distillation qui peuvent causer faux goûts et gueule de bois, pour ne garder que le “cœur”. C’est là toute la science du distillateur. “50 litres donnent 15 litres à 40 %. Quand j’obtiens à nouveau 50 litres, je relance le processus. Ce qui sort, c’est le whisky : un liquide autour de 80 % qu’on coupe à l’eau”. Tipsy Tribe utilise l’eau bruxelloise, filtrée pour obtenir un profil proche de celui de la côte est des USA, berceau du bourbon. “Ce qu’on mettra en tonneau chiffre 58 %”, qui s’accroîtront avec l’évaporation, ce qu’on appelle “la part des anges”. “On coupera encore avant la mise en bouteille pour viser les 40 %”.

Les tonneaux portugais où vieillira ce whisky sont en chêne américain. “Le bois est vierge. C’est obligatoire si on veut imiter le bourbon. Ça offre des arômes de caramel, de vanille, de bois, de cuir, avec un petit côté fumé”, énumère Daniel. Qui prévoit au whisky au seigle et pourrait ensuite faire confiance à un fabriquant belge qui lui fournirait du bois noir-jaune-rouge. “Ça donnerait autre chose, on serait curieux d’essayer”, glisse le natif du Nevada. Le Bruxellois réutilisera de toute façon ses fûts pour couver des bières : elles y hériteront les saveurs terreuses et boisées du whisky.
Nous maitrisons le processus de A à Z. Alors que beaucoup de distilleries achètent leur alcool et ne font que le mettre en tonneaux.
La Fierté de Tipsy Tribe est légitime d’offrir à la capitale son premier whisky et d’emboîter le pas des artisans américains toujours plus nombreux à produire bières et spiritueux. D’ailleurs, Aylin ne badine pas avec les mots. “Nous maîtrisons le processus de A à Z. Car beaucoup de distilleries achètent leur alcool et ne font que le mettre en tonneaux. Mais ça, c’est comme aller au supermarché acheter un cake et le garnir de fruits à la maison”.

Le whisky belge, histoire récente
Certaines étiquettes belges émergent dans le monde du whisky depuis une décennie. C’est bien sûr le cas de The Belgian Owl. La bible du whisky de l’Américain Jim Murray a épinglé plusieurs fois le breuvage de Fexhe-le-Haut-Clocher comme meilleur whisky d’Europe. Et, dernièrement, lui a même décerné la 5e place mondiale. Citons aussi Lambertus à Raeren, les gammes des distilleries Filliers et Biercée, ou celles des brasseries du Mont-Saint-Jean à Waterloo ou du brasseur malinois Het Hanker.

Reste que notre pays, quoique pourvu en tourbières, n’entretient pas une longue tradition avec les single malts et autres blended. “En Belgique, on distillait plutôt des genièvres”, confirme Daniel. “C’est dû à l’équipement. Il ne permettait pas d’apurer les saveurs de céréales et d’alcool fort des distillats. On y ajoutait donc des herbes. Et la baie de genévrier, c’était ce qu’on trouvait de plus aromatique en Belgique et aux Pays-Bas. Mais aujourd’hui, on peut produire de la vodka partout dans le monde, soit un alcool au goût très neutre”. Et donc un rhum ou tout autre spiritueux aux saveurs herbacées.
Le bourbon qui inspire le couple Fastenau, il vient ne vient pas d’Écosse ou d’Irlande, mais bien sûr des États-Unis. “L’histoire du bourbon est ancrée au Kentucky et au Tennessee. Ce sont les Écossais qui y ont apporté le whisky dans les montagnes des Appalaches”.
