La belle histoire de la Brasserie Taymans : 6 frères ressuscitent la gueuze de leur bon-papa à Jette

La gueuze renaît au nord de Bruxelles : à Jette, la Brasserie Taymans est relancée par 6 frères, arrière-petits-fils du fondateur. Cette bière historique mâture en fûts, mais saison et IPA y coulent déjà. L’histoire est belle : tous les bénéfices sont reversés à des actions pour les jeunes de Molenbeek, où la famille a ses origines.

C’est une relique du XIXe siècle. Précieuse, donc. Elle date de cette époque pas si lointaine où Bruxelles comptait une brasserie dans chaque quartier ou presque. Avant que les grands industriels ne refroidissent les ardeurs des artisans. Derrière sa façade fraîchement repeinte de rouge, la Brasserie Taymans redonne donc du pétillant au quartier du Miroir, à Jette.

La brasserie Taymans est relancée à Jette par 6 frères, les petits-fils du dernier brasseur. Des lambics sont en fût, la gueuze est attendue pour 2024. Mais saison et IPA sont déjà en bouteille.
François Taymans. ©Julien Rensonnet
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Le lambic est en fût. L’an prochain, on pourra assembler notre première gueuze avec des lambics de 3, 2 et 1 an d’âge.

Dans les caves, on hume déjà les levures naturelles à l’œuvre dans quelques tonneaux de lambic. “Il est en fût. L’an prochain, on pourra assembler notre première gueuze avec des lambics de 3, 2 et 1 an d’âge”, se réjouit François Taymans, petit-fils du dernier brasseur du nom, Pierre. “Il disait que tout le paysage visible depuis le sommet de la cathédrale Saints-Michel-et-Gudule peut produire en fermentation spontanée”. Sous les voûtes de briques abandonnées en 1970, tout un bric-à-brac prend la poussière : planchettes destinées aux caissettes de bois, bardages publicitaires des charrettes à chevaux, règlements de travail précis au quart d’heure près, livre de comptes calligraphiés, antiques bouteilles au lettrage en surimpression blanche, paniers de service à gueuze, antiques sous-bocks… “On reçoit pas mal d’enveloppes timbrées de la part de collectionneurs”, sourit le copropriétaire.

La brasserie Taymans est relancée à Jette par 6 frères, les petits-fils du dernier brasseur. Des lambics sont en fût, la gueuze est attendue pour 2024. Mais saison et IPA sont déjà en bouteille.
Des lambics sont en fût, la gueuze est attendue pour 2024. Mais saison et IPA sont déjà en bouteille. ©Julien Rensonnet
La brasserie Taymans est relancée à Jette par 6 frères, les petits-fils du dernier brasseur. Des lambics sont en fût, la gueuze est attendue pour 2024. Mais saison et IPA sont déjà en bouteille.
Les vestiges du passé brassicole familial se dévoilent dans les caves. ©Julien Rensonnet
La brasserie Taymans est relancée à Jette par 6 frères, les petits-fils du dernier brasseur. Des lambics sont en fût, la gueuze est attendue pour 2024. Mais saison et IPA sont déjà en bouteille.
François Taymans. ©Julien Rensonnet
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Mon grand-père a été exproprié: les autorités considéraient qu’une activité industrielle était impossible en ville

L’histoire est belle. C’est une résurrection. Derrière les armoiries figurant les clefs de saint Pierre jettoises et le buis de chauffage pour les cuves s’avancent les 6 petits-fils du dernier brasseur : Laurent, Jean-Marc, François, Benoit, Robert et Joseph. Tous frères ! Leur arbre généalogique les prédestinait : ils comptent des aïeux dans les familles Taymans, mais aussi chez celles qui dirigèrent les brasseries Haecht et Timmermans. “La première brasserie Taymans se situe à Molenbeek, chaussée de Gand, en 1892. Suite au mariage de nos arrière-grands-parents, elle déménage à Jette en 1902”, relate François Taymans.

Des traces du passé brassicole restent visibles en bordure du parc Garcet : des deux maisons de briques rouges aux toitures pentues, où reste accrochée la date de 1906, sortaient les carrioles de livraison. 15 ouvriers y bossaient. “On brasse 800 litres aujourd’hui. Mais mon grand-père produisait 12 fois plus”. Ça ne rigole pas : “il était concurrent de Vanden Stock et sa brasserie Belle-Vue. Les fûts étaient entreposés par plateaux sur les 350m2 des bâtiments”. La bière était produite en face, le long du parc : l’usine est démolie dans les années 70. “Expropriation : on n’était pas loin de la maison communale. Les autorités considéraient qu’une activité industrielle était impossible en ville”.

La brasserie Taymans est relancée à Jette par 6 frères, les petits-fils du dernier brasseur. Des lambics sont en fût, la gueuze est attendue pour 2024. Mais saison et IPA sont déjà en bouteille.
Au meilleur de l'activité, Pierre Taymans employait une quinzaine d'ouvriers pour produire ses gueuzes et krieks. ©Julien Rensonnet

De Washington à Jette

Les mentalités changent. Et les 6 frères emboîtent le pas à la grosse douzaine d’artisans qui, en 2023, font revivre la bière dans Bruxelles. “On décide de relancer il y a 5 ans. Nos parents sont décédés. C’est une raison de faire vivre leur mémoire. Ils nous ont transmis cet esprit de partage, de vivre-ensemble. Nous sommes assez soudés”. Et pour cause : le sextet grandit à… Washington. Leur papa est macro-économiste à DC. Entre eux, ils parlent anglais. Avec l’accent américain. “Papa n’aurait pas été heureux s’il avait dû reprendre la brasserie”, pense son rejeton. “Notre bon-papa a lâché la mort dans l’âme. On était attachés à lui. On se souvient encore de toutes ses histoires de brassage”. Comme l’anecdote qui voit le brasseur cacher ses moteurs dans les fûts durant la 2e guerre mondiale, “pour ne pas que les Allemands les trouvent”.

La brasserie Taymans est relancée à Jette par 6 frères, les petits-fils du dernier brasseur. Des lambics sont en fût, la gueuze est attendue pour 2024. Mais saison et IPA sont déjà en bouteille.
François Taymans. ©Julien Rensonnet

Notre bon-papa a lâché la mort dans l’âme. On était attachés à lui.

Brassage, com, marketing, finance : chaque frère contribue à la renaissance selon son expertise. “Et on brasse ensemble le soir ou le week-end”. Pas uniquement via les bacs refroidisseurs, installés au clair d’un vitrail d’origine : pour faire patienter Jette, les Taymans vendent déjà une saison et une IPA. “Tous les bénéfices sont versés au Fonds André et Jacqueline Taymans de nos parents, via la Fondation Roi Baudouin. Il vise à l’intégration sociale à Molenbeek, où nous avons habité”. Des écoles de devoir, un projet de théâtre sur “les héros du quotidien” ou des clubs de sport en bénéficient. Verra-t-on bientôt le logo de la brasserie sur des vareuses de foot?

La brasserie Taymans est relancée à Jette par 6 frères, les petits-fils du dernier brasseur. Des lambics sont en fût, la gueuze est attendue pour 2024. Mais saison et IPA sont déjà en bouteille.
Les bénéfices de la brasserie Taymans sont reversés à des actions sociales à Molenbeek. ©Julien Rensonnet
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