Une affaire de violences conjugales aux assises de Bruxelles : “Oui, j’ai vu des traces de coups sur le corps de mon amie Luciana”
Luciana Mbote, une femme de 33 ans, est accusée d’avoir volontairement tué son compagnon en juin 2021 à Ixelles. C’est une dispute conjugale qui a scellé le sort du compagnon violent, poignardé dans le cou. Une affaire dans laquelle une femme apparemment battue se retrouve devant les juges pour s’être défendue.
- Publié le 25-04-2023 à 13h14
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Les avocats de la partie civile ont soutenu, ce mardi 25 avril, devant la cour d’assises de Bruxelles, que l’accusée est indépendante et ne se laisse pas faire, loin de figures telles que Jacqueline Sauvage et Mireille De Lauw, des femmes battues qui ont été jugées aux assises, la première en France, la seconde en Belgique, pour avoir tué leur mari.
Dans ce procès, Luciana Mbote, âgée de 33 ans, est accusée d’avoir volontairement tué son compagnon, Fabrice Kayembe Makolo, le 4 juin 2021 à Ixelles, à la suite d’une dispute. La victime est décédée après avoir été poignardée dans le cou.
”La thèse 'suicidaire' livrée par l’accusée est incompatible avec les constatations de l’expert légiste. Sa version des faits ne correspond notamment pas à la trajectoire de la lame observée par le médecin”, a plaidé Me Antoine Matz, avocat de la partie civile. “L’utilisation par madame d’une arme dangereuse sur une zone du corps vitale permet d’établir qu’elle a dû savoir que cela pouvait causer la mort, qu’elle a donc accepté les conséquences mortelles de son geste. Madame Mbote est présentée par de nombreuses personnes et par elle-même comme une femme indépendante, qui ne se laisse pas faire, et qui sait ce qu’elle veut. Elle est connue pour coups et blessures sur ses ex-compagnons. Nous ne sommes pas face à une Jacqueline Sauvage ou une Mireille De Lauw. C’est une escalade de violence dans le chef de madame qui a mené au meurtre”, a affirmé le pénaliste.
”C’était un fils, un frère et un père”
”S’il y a des zones d’ombre dans le dossier, c’est parce que l’accusée ment tout le temps”, a enchaîné son co-plaideur Me Eddy Kiaku. “De plus, elle n’a fait preuve d’aucune remise en question, d’aucune compassion. Fabrice méritait de mourir, c’est ce que j’ai compris. Mais vous, jurés, vous devrez examiner ce dossier sans sentiment, uniquement sur base des éléments objectifs, qui ne permettent pas de douter sur l’intention homicide”.
Enfin, Me Hélène Alexandris, le troisième conseil de la partie civile, a demandé aux jurés d’écarter la thèse des coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention et celle de la légitime défense ou de la provocation, qui seront plaidées par la défense. “La victime a été présentée comme un sans-abri, un toxicomane, un alcoolique et un pervers narcissique. C’était un fils, un frère et un père de quatre enfants et personne n’avait le droit de lui ôter la vie”, a-t-elle insisté auprès des jurés.
Un compagnon “de plus en plus agressif”
Ce lundi 24 avril, une amie de l’accusée a déclaré, lundi, devant la cour d’assises de Bruxelles, que celle-ci lui avait confié que son compagnon était de plus en plus agressif avec elle. À la question de savoir si elle a assisté à une scène de violence, la jeune femme a affirmé que non, mais a déclaré avoir vu des traces de coups sur le corps de son amie.
Cette amie de l’accusée, avec qui elle travaillait au Peplum, un bar à champagne qui se trouvait au rez-de-chaussée de l’immeuble où vivait Luciana Mbote avec Fabrice Kayembe Makolo, a été entendue lundi par la cour. “Au début, tout se passait bien entre Fabrice et Luciana, puis, petit à petit, il a commencé à l’enfermer psychologiquement, à être de plus en plus agressif dans ses paroles, puis en gestes”, a-t-elle déclaré.
Traces de coups
À la question de savoir si elle avait assisté à des gestes violents de Fabrice Kayembe Makolo, l’amie de l’accusée a répondu par la négative. “Je l’ai vu être malsain mais jamais violent. Il avait un don pour paraître bien”, a-t-elle dit. Elle a précisé qu’elle avait néanmoins vu des traces de coups sur le corps de Luciana Mbote.
”J’ai essayé de la dissuader de poursuivre cette relation et je lui ai conseillé d’y mettre fin, mais elle pensait tout le temps que ça irait mieux. Elle l’aimait. Il s’excusait et elle pardonnait”, a encore dit le témoin. “Luciana a un côté forte tête, et en même temps c’est quelqu’un de fragile. C’est quelqu’un de bien à qui il est arrivé de mauvaises choses”.
”Quelqu’un voulait la tuer”
”J’ai appris, en décembre 2020, que ma sœur était menacée, que quelqu’un voulait la tuer”, a aussi déclaré, ce lundi 24 avril 2023 devant la cour d’assises de Bruxelles, la sœur de Luciana Mbote. Elle a affirmé qu’elle ne savait alors pas encore que l’auteur de ces menaces était Fabrice Kayembe Makolo, avec qui sa sœur était en couple.
”Ma sœur est quelqu’un qui sait ce qu’elle veut, qui est affirmée, mais elle manque aussi de confiance en elle. Elle est parfois naïve dans ses analyses et elle n’est pas toujours très rationnelle”, a déclaré la sœur de l’accusée.
Celle-ci a poursuivi en expliquant que sa sœur était en danger à cause de la victime. “J’ai appris, en décembre 2020, que ma sœur était menacée, que quelqu’un voulait la tuer”, a-t-elle dit. “Elle était dans une situation dangereuse à cause d’un homme qu’elle fréquentait dans son travail et qui était sans-abri et toxicomane”, a-t-elle poursuivi, précisant qu’elle avait appris par la suite qu’il s’agissait d’un homme avec qui sa sœur était en couple, soit Fabrice Kayembe Makolo.
Selon elle, cet individu a proféré ensuite des menaces à l’encontre de la famille de Luciana, soit elle-même, sa sœur, et leur petit frère. “Ma sœur m’a dit qu’il l’avait menacée, lui disant qu’on serait en danger si elle le quittait”.
Le rappel des faits
Le 4 juin 2021 vers 03h50, le corps sans vie de Fabrice Kayembe Makolo, un homme âgé de 39 ans, a été découvert dans un appartement rue de Livourne à Ixelles, par la police appelée sur place. La compagne de cet homme, Luciana Mbote, était présente et en état de panique, occupée à secouer la victime pour tenter de la réveiller.
Fabrice Kayembe Makolo est mort des suites d’un coup de couteau porté dans le côté gauche du cou, qui a sectionné la carotide et la veine jugulaire. Selon le rapport toxicologique, il était sous l’influence de cocaïne et de cannabis.
Une dispute
D’après la dernière déclaration de Luciana Mbote, qu’elle a maintenu devant la cour, une dispute a éclaté entre son compagnon et elle et ce dernier a saisi un couteau, menaçant de se le planter dans le cou. Elle a ensuite tiré sur la main de son partenaire pour éloigner le couteau de sa gorge, tandis qu’il tirait dans l’autre sens. Lorsqu’elle a lâché la main de celui-ci, la lame a transpercé le cou. Quelques instants plus tard, Fabrice Kayembe Makolo a perdu connaissance.
Néanmoins, dans une première déclaration spontanée à la patrouille de police intervenue sur les lieux, l’accusée avait déclaré que le trentenaire était tombé et s’était cogné la tête. Elle avait rapidement donné une seconde version, affirmant avoir pris un couteau, avoir repoussé son compagnon et l’avoir “touché” au cou.
Plusieurs plaintes
L’accusée a raconté qu’au cours de la dispute, elle avait été violemment frappée. Un médecin légiste l’ayant examinée a constaté qu’elle présentait plusieurs blessures. Luciana Mbote a également affirmé avoir déposé plainte à plusieurs reprises contre son compagnon pour violence conjugale.