À Bruxelles, la bataille pour les têtes de listes fait déjà rage mais qui sera ministre-Président?
Plusieurs partis se tiennent dans un mouchoir de poche en Région bruxelloise. Qui sera le prochain ministre-Président ?
- Publié le 24-08-2023 à 08h32
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Tous les partis vous diront qu’il est trop tôt pour parler des listes électorales de 2024. Dans leurs couloirs, pourtant, cela ne parle que de cela. La rentrée politique qui s’amorcera la semaine prochaine marquera le coup d’envoi d’une longue séquence qui, sans interruption, nous amènera aux élections de juin 2024. À Bruxelles, l’enjeu sera majeur et la donne, incertaine. Plus encore qu’en Wallonie, la première place du PS, en majorité avec Écolo, Défi, Groen, l’Open VLD et Vooruit, pourrait être remise en cause. Le décumul intégral, qui interdira aux élus locaux de siéger dans les parlements, forcera par ailleurs les candidats à poser des choix difficiles, alors que les élections communales sont prévues quatre mois plus tard. La Région Bruxelles-Capitale présente en outre une spécificité. Elle forme une circonscription unique de sorte que chaque électeur peut y voter directement pour chaque candidat et, indirectement, élire un ministre-Président. Mais lequel?
Tout un parti est suspendu à la décision de Bernard Clerfayt

Défi est suspendu depuis de longs mois à la décision de Bernard Clerfayt. Le ministre des Pouvoirs locaux maintient le suspense sur un éventuel retour comme bourgmestre de Schaerbeek avant ou après les élections régionales. Si le sexagénaire souhaite poursuivre à la Région, la place de tête de liste lui semble promise. Bernard Clerfayt a par le passé donné des signaux laissant présager un retour dans la cité des ânes. Il brouille désormais les pistes.
Un pas de côté de Bernard Clerfayt forcera Défi à compléter son renouvellement des cadres, après la mise en retrait d’Olivier Maingain et Didier Gosuin. Joëlle Maison, qui ne cache désormais plus ses ambitions, est considérée par son président François De Smet comme la parlementaire la plus douée sur le fond des dossiers. Fabian Maingain, nouveau président de la régionale Bruxelloise et échevin à Bruxelles, est l’autre favori. Le fils de l’ancien président emblématique du parti se positionne sans équivoque en tant que nouveau leader régional.
Des militants Défi veulent François De Smet à la Région
Citons aussi Emmanuel De Bock, l’expérimenté chef de file au Parlement bruxellois. Certains militants plaident même pour que François De Smet tire lui-même la liste régionale, laissant le fédéral à Sophie Rohonyi. La préférence du président se porte toutefois sur le fédéral. Mais n’excluons pas une surprise.
Yvan Verougstraete à l’Europe et un coup fumant au fédéral ?

Chez les Engagés, il est presque acquis que Christophe De Beukelaer emmènera la liste régionale. Dans une logique classique, Yvan Verougstraete, nouveau transfuge du parti, aurait emmené la liste fédérale. Mais les Engagés, avec la refonte du parti, veulent surprendre en débauchant une personnalité de la société civile, idéalement une femme, pour emmener la liste fédérale.
Si le parti n'y parvient pas, Yvan Verougstraete se résoudra à emmener la liste fédérale. Mais le fondateur de Medi-Market, davantage passionné par les dossiers macro-économiques que par la politique politicienne, ne verrait pas d'un mauvais œil la perspective d'occuper lui-même la tête de liste européenne. Et tant pis si le risque politique est considérable (NdlR : Benoît Lutgen avait décroché in extremis en 2019 quelques voix) et si le parti grille une cartouche électorale. "Il faut quelqu'un qui n'a pas peur de perdre son job pour relever ce challenge", nous indique un Engagé. Yvan Verougstraete est tout indiqué : l'intéressé n'a guère besoin de la politique pour vivre.
Cela permettrait aussi au parti de varier les profils puisque ses trois poids lourds actuels, en y ajoutant Georges Dallemagne, se trouvent être des hommes, issus de Woluwe-Saint-Pierre… Gladys Kazadi, députée bruxelloise et échevine à Berchem-Sainte-Agathe, devrait elle aussi figurer en bonne place, probablement seconde sur la liste régionale, voire fédérale. Le cas de Georges Dallemagne, qui risque de perdre son siège au fédéral, devra aussi être traité.
David Leisterh emmènera la liste MR, à moins d’un coup de poker de Bouchez

Le MR de Georges-Louis Bouchez ressemble à une équipe de football d’après l’arrêt Bosman. Les départs, comme les arrivées, y sont plus nombreux qu’ailleurs et l’équipe de base change régulièrement. C’est encore plus vrai à Bruxelles où il est acquis que le duo de tête des dernières régionales, Françoise Schepmans et Vincent De Wolf, ne sera pas renouvelé.
Mais il n’est nul besoin de remonter si loin. Par rapport à août 2022, les cartes ont été rebattues. Le départ de Sophie Wilmès du gouvernement, pour des raisons privées, a eu des conséquences en cascade. Son remplacement par la Schaerbeekoise Hadja Lahbib a offert un nouvel atout électoral au MR, tout en précipitant un départ de taille. Alexia Bertrand, l’ex-nouvelle figure de proue qui s’était déclarée candidate à la ministre présidence bruxelloise en 2024, est passée à l’Open VLD.
Ce départ, qui a agité le parti, aura des conséquences majeures sur les futures listes électorales. Même si un coup de poker de Georges-Louis Bouchez, chargé de composer les listes bruxelloises avec Sophie Wilmès, n’est jamais à exclure, c’est bien David Leisterh qui devrait emmener la liste régionale du MR. Cet ami proche du président du MR s’est employé à compenser son déficit de notoriété, par rapport à son prédécesseur Didier Reynders, avec une forte présence sur le terrain régional.
Valérie Glatigny, ex-ministre de l’Enseignement supérieur, actuellement en convalescence, devrait occuper la seconde place. La suite apparaît moins évidente. Si Vincent De Wolf, bourgmestre d’Etterbeek, occupera bien une place en vue, le parti cherche à faire un coup, en intégrant des personnalités de la société civile, et issues de la diversité, en bonne place.
Le MR cherche une autre Hadja Lahbib
En d’autres termes, le MR cherche une autre Hadja Lahbib.
Au Fédéral, c’est une quasi-certitude, la liste fédérale bruxelloise sera emmenée par Sophie Wilmès, dont la popularité donne des sueurs froides à certains partis concurrents. Michel De Maegd occuperait la seconde position.
La suite est plus épineuse. Le MR et l’Open VLD discutent d’une liste commune bruxelloise au Fédéral. Chez les libéraux francophones, plusieurs voix qui comptent estiment que le parti a plus à perdre qu’à gagner avec cet accord… Pour l’heure, le MR souhaite voir Hadja Lahbib figurer en troisième position, devant Alexia Bertrand, tandis que les libéraux flamands rêvent du scénario inverse. Rappelons qu’en 2019, le MR bruxellois n’avait envoyé que trois élus à la Chambre… C’est un nœud qu’il faudra défaire. Tout en gardant à l’esprit les ambitions que pourrait éveiller la décision de Charles Michel de briguer, ou non, une place sur les listes européennes.
Khattabi choisira le fédéral, Maron a le champ libre à la Région

Zakia Khattabi dispose au sein de la fédération bruxelloise d’Écolo d’une telle aura qu’il n’est question pour personne de lui griller la politesse.
Il y a un an, Alain Maron comme Zakia Khattabi n’excluaient pas d’être tête de liste à la Région, le premier se déclarant toutefois prêt à se retirer si la seconde ambitionnait le poste. La situation s’est décantée.
Selon nos informations, Zakia Khattabi n'a pas l'intention d'être candidate à la Région. "En tant que ministre fédérale du Climat, elle entend défendre son bilan sur les listes fédérales, qu'elle devrait emmener", nous glisse une source écologiste. Chez les verts, rappelons-le, la teneur des listes électorales se tranche en l'assemblée générale, sur base de candidatures. Et en interne, une forme de consensus semble se dessiner autour de la légitimité d'Alain Maron, actuel ministre bruxellois de l'Environnement, pour emmener la liste régionale, avec Barbara Trachte, secrétaire d'État bruxelloise, en seconde position. Rajae Maouane, coprésidente d'Écolo, devrait quant à elle aller pousser la liste régionale, en dernière position.
Au PTB, ce sera Françoise De Smedt
Au PTB, la question de la tête de liste régionale est déjà tranchée. C’est Françoise De Smedt qui l’emmènera.
Caroline Désir et Ahmed Laaouej sont favoris, mais Rudi Vervoort est toujours là

Au PS bruxellois, où le choix des listes dépend de la Fédération bruxelloise et non du boulevard de l’Empereur, la situation est encore nébuleuse. Alors que les socialistes voient leur leadership bruxellois menacé par le MR, le PTB et Écolo, Rudi Vervoort, qui termine son troisième mandat de ministre-Président, n’a de cesse de répéter qu’il se verrait bien prolonger sa mission. On aurait bien tort de ne pas le prendre au sérieux. Il n’y a pas plus habile que le patron de l’exécutif bruxellois, sous-estimé tout au long de sa carrière, pour utiliser contre eux la force de ses concurrents tel un judoka.
Rudi fait de la résistance
Dans tous les cas, conserver sa position de force lui permet de se ménager plus facilement une sortie de secours, s’il n’est pas reconduit à la Région. Rudi Vervoort (64 ans) n’envisage pas la retraite à court terme. Son choix de conserver le poste de bourgmestre en titre d’Evere n’est pas anodin. Le flegmatique Everois ne serait toutefois qu’un choix par défaut pour Ahmed Laaouej, président du PS bruxellois, dont dépendra la décision.
"L'idéal pour nous serait de mettre une femme en tant que tête de liste qui deviendrait la première à la tête de la Région. Un visage d'avenir qui incarnerait le PS bruxellois pour les 20 prochaines années, comme Philippe Moureaux en son temps", assure un élu. Le nom de Caroline Désir revient avec le plus d'insistance. La ministre de l'Éducation, bien que laïque, jouit d'une bonne image dans les quartiers populaires et fait figure aux yeux de certains de synthèse idéologique entre Charles Picqué et Philippe Moureaux.
Dans ce dispositif, elle emmènerait la liste devant Ridouane Chahid. Fadila Laanan figurera aussi en bonne place sur la liste, de même que Rachid Madrane. Il pourrait aussi y avoir d’autres candidatures pour emmener la liste, comme Karine Lalieux, ministre des Pensions, et Nawal Ben Hamou, très active comme secrétaire d’État bruxelloise au Logement. La candidature de Philippe Close, un temps vue comme une évidence, ne l’est plus, même si le bourgmestre de Bruxelles n’est pas hors jeu.
Le prochain ministre-Président bruxellois pourrait aussi être Ahmed Laaouej lui-même. Le président de la Fédération bruxelloise dispose, en interne, de la légitimité pour prendre la tête de la Région, en cas de succès électoral. Cela n'implique pas forcément de se présenter sur la liste régionale. En optant pour le fédéral, Ahmed Laaouej se ménagerait davantage d'options, sans qu'il soit exclu pour autant, dans certains scénarios, qu'il prenne les rênes de la Région. "Ahmed se rêve plutôt en ministre des Finances au fédéral qu'en ministre-Président bruxellois", décrypte une source socialiste.