”Caricatural”, “pas très scientifique”, “il fait le lit de l’extrême droite”…: le psy Serge Garcet pris avec des pincettes au procès des attentats
Serge Garcet, psychologue à l’ULiège, a témoigné au procès des attentats de Bruxelles ce 15 mai 2023. Ses commentaires sont jugés durement par la défense.
Publié le 16-05-2023 à 11h13
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Les avocats des accusés du procès des attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles se sont montrés fortement critiques, lors de leurs commentaires, à l’égard du témoignage du psychologue et professeur de criminologie Serge Garcet (ULiège) devant la cour d’assises (lire ci-dessous). Me Delphine Paci, l’avocate de Salah Abdeslam a notamment qualifié l’intervention de “caricaturale” et “peu nuancée”.
”Un discours pas très scientifique mais plutôt idéologique. Pas très nuancé, très caricatural”, a réagi la pénaliste. “Monsieur le témoin est capable de nous dire, après avoir mené des entretiens de deux heures, que les personnes qui sont tombées dans le radicalisme violent sont foutues, que c’est une génération sacrifiée. Ce discours-là est particulièrement dangereux, car il fait le lit des discours d’extrême droite. On nous dit, en substance, que ces jeunes, ça ne sert a rien de travailler avec eux, car ils sont de toute façon foutus. Je vous demanderais de ne pas être naïfs et de ne pas retenir cette présentation extrêmement caricaturale.”
”Déterministe”
”Je suis triste quand j’entends un discours, aussi scientifique soit-il, se montrer aussi déterministe et venir nous parler de génération sacrifiée. Qu’un psychologue vienne nous dire qu’on ne peut plus rien faire une fois que les deux plasticines sont mélangées”, a regretté Me Nicolas Cohen, qui défend Bilal El Makhoukhi. “Tout ce qui a été dit n’est pas forcément faux, mais c’est biaisé.”
Me Jonathan De Taye, qui représente Ali El Haddad Assufi a, lui, affirmé que ce débat l’intéressait assez peu étant donné que son client n’était pas radicalisé. Il a néanmoins mis le jury en garde contre ce genre de présentations.
De son côté, le parquet a fait remarquer que le schéma de radicalisation décrit par le témoin correspondait au parcours de plusieurs accusés.
Serge Garcet : “Revenir en arrière est très difficile”
Faire demi-tour après avoir été engagé dans un radicalisme violent est quasiment impossible, car l’engagement est intrinsèquement lié à l’identité de la personne. C’est ce qu’a estimé ce 15 mai le psychologue et professeur de criminologie Serge Garcet (ULiège) devant la cour d’assises de Bruxelles. Une analyse “pessimiste”, a-t-il admis. Et qui a eu le don de crisper la défense (lire ci-dessus)
Se basant sur la littérature scientifique et différents entretiens qu’il a menés avec des personnes radicalisées, l’expert a passé en revue les différents stades d’un parcours de radicalisation. Le premier stade est celui de la fascination, lors duquel le sujet ressent de la sympathie pour une cause. Arrive ensuite la phase de radicalisation, avec une adhésion identitaire, une recherche de pairs ou encore une polarisation de la vision du monde. Enfin, viennent l’engagement et la participation terroriste.
Pour Serge Garcet, il est très difficile de revenir en arrière après avoir été engagé dans un radicalisme violent. “Les mots ne peuvent pas suffire pour un désengagement”, a-t-il affirmé.
Plasticine
Le témoin a donné pour exemple une illustration projetée sur l’écran de la cour d’assises. Elle présentait une boule de pâte à modeler blanche mangée par une boule de plasticine noire, censée représenter le radicalisme. Sur la dernière case du dessin, la pâte à modeler est devenue grise et ne peut redevenir blanche, car tous ses éléments sont entremêlés.
”Pourtant, certains accusés ont réagi aux témoignages des victimes”, a interrogé la présidente de la cour d’assises Laurence Massart. “Bien sûr, un procès d’assises peut avoir une dimension cathartique”, a répondu M. Garcet. “Et tous les accusés ne sont certainement pas au même niveau de conviction. Ils n’ont pas métabolisé les étapes (de radicalisation, NDLR) au même niveau.”
”Comment analysez-vous le renoncement ?”, lui a encore demandé Laurence Massart. “Un comportement est régi par l’anticipation des conséquences positives de ce comportement. S’il y a un renoncement au dernier moment, c’est que l’anticipation a été écornée. Ce sont souvent plusieurs raisons qui se renforcent. Parfois, ce sont des riens qui font qu’on agit ou qu’on n’agit pas.”